Muranów, une histoire en deux mots…

De Murano à ghetto, naissance et mort d'un quartier - Photo © Bundesarchiv
De Murano à ghetto, naissance et mort d’un quartier – Photo © Bundesarchiv

Murano

Murano est le nom d’une petite île située à quelques encablures au nord de la cité de Venise.
Murano était et est toujours internationalement connue pour ses fabriques et ses artisans souffleurs de verre. Cette longue tradition remonte au XIIIème siècle lorsque les artisans verriers furent obligés par le Sénat de la République de Venise d’aller s’installer sur l’île de Murano afin de limiter au maximum tous risques d’incendies provoqués par les fours dans l’enceinte de la cité. Le savoir-faire et l’organisation professionnelle des artisans et des maitres verriers était alors très étroitement encadrée et surveillée afin que les secrets de fabrication restent confinés pour alimenter le juteux commerce du verre en Europe à tel point que même le verre brut ne pouvait être exporté.
Sous le règne de Louis XIV, Colbert alors ministre des finances du roi, fît venir des artisans vénitiens moyennant compensations financières afin d’acquérir leur savoir-faire qui fût mis en œuvre dans le cadre de la réalisation de la galerie des glaces lors de la construction du château de Versailles. Dès 1665, il établit le projet de création de la Manufacture royale de glaces de miroirs dans la commune picarde de Saint Gobain, devenue aujourd’hui la société éponyme Saint Gobain que l’on connait.

De Murano à Muranów

Au XVIIème siècle, un architecte italien du nom de Giuseppe Simone Bellotti (-1708), natif de l’île de Murano, vint exercer ses talents en Pologne sous le règne des rois Michał Korybut Wiśniowiecki (1669-1673) et Jan III Sobieski (1674-1696). A cette époque de nombreux artistes et architectes italiens vinrent en Pologne où ils introduisirent et développèrent, pour le compte de familles royales, de la noblesse et du clergé, le style baroque polonais que l’on retrouve aujourd’hui à travers des monuments, des églises et certaines synagogues. En 1688, il se maria avec Marianna Olewicka et s’installa dans un manoir dont il donna le nom de Murano. Ce manoir se trouvait alors dans les environs de l’actuelle place Muranowski à Varsovie.
Lorsque les juifs installés dans les environs de Varsovie depuis leur expulsion de 1527 purent revenir en ville, beaucoup s’établirent dans la rue Nalewki dès la fin du XVIIIème siècle qui devint par la suite la principale artère du quartier Muranów, le cœur du quartier juif de Varsovie.

Getto

De tous temps, les juifs se sont regroupés autour d’une ou plusieurs rues, souvent pour former un quartier juif. Ces regroupements étaient essentiellement motivés par des considérations religieuses (le miniane, proximité de la synagogue…) et par la proximité de lieux communautaires. Les communautés exerçaient alors une forme autonome de fonctionnement. En France au moyen-âge, on appelait ces quartiers juiveries et dans le sud de la France, on faisait référence à carriere. C’est après le concile de Latran en 1215 que le confinement des juifs dans un espace réservé fut recommandé.
L’origine la plus probable du mot tire sa source du mot vénitien getto qui signifie fonderie et qui désignait le quartier de Venise où on fondait les bombardes. Suite à un décret publié en 1516, les juifs de Venise durent s’installer dans ce quartier qui était délimité à l’origine par quelques rues. A travers toute l’Europe, durant de nombreux siècles, les juifs furent souvent confinés dans des quartiers réservés. L’un des plus fameux en Pologne était celui de Kazimierz, autrefois instauré dans le faubourg sud de Cracovie.

Ghetto

Mais c’est durant la seconde guerre mondiale que ce mot pris toute son ampleur en Pologne avec la création de plus de 400 ghettos par les nazis, et notamment le plus emblématique, le ghetto de Varsovie qui fut établi principalement dans le quartier juif de Muranów.

De Murano à ghetto, tel est le destin de deux mots vénitiens étroitement liés à la naissance et à la disparition du quartier juif de Muranów de Varsovie.