La Route de Birkenau selon Oskar Hansen

Un projet singulier pour commémorer les victimes du camp de la mort

En janvier 1957, un concours international initié par une organisation de survivants de l’Holocauste basée à Vienne et l’Union Internationale des Architectes, fut lancé afin d’édifier un monument à la mémoire des victimes du camp de Auschwitz-Birkenau.
Le sculpteur anglais Henry Moore fut nommé président du comité pour la commémoration d’Auschwitz et le jury international était composé entre autres de Odette Elina, une artiste française, les architectes Giuseppe Perugini de Milan, Jacob Bakema de Rotterdam, le sculpteur polonais August Zamoyski, le critique d’art Pierre Courthion.

La Route-The Road, projet de mémorial par Oskar Hansen pour le camp de Birkenau
La Route-The Road, projet de mémorial par Oskar Hansen pour le camp de Birkenau
Source Musée d’Art Moderne de Varsovie
(Cliquer pour agrandir)

Parmi les candidats de ce concours, un projet innovant et atypique se singularisa à travers la vision de l’architecte polonais d’origine finlandaise Oskar Hansen (1922-2005) et de son équipe qui était composée de Zofia Hansen, Jerzy Jarnuszkiewicz, Edmund Kupiecki, Julian Pałka et Lechosław Rosiński. Cette vision singulière consistait à entreprendre un projet radical qui allait au delà de la notion de monument pour envisager et englober tout le camp dans une approche monumentale unique libre de toutes réalisations sculpturales ou de monuments.

Leur proposition consistait à ériger un axe rectiligne qui traversait le camp de part en part, dans une diagonale d’est en ouest, au moyen d’une voie surélevée qui aurait été réalisée à l’aide de pavés noirs, sur une longueur d’un kilomètre et une largeur de soixante-dix mètres. Sur ce passage qui aurait été dénommé La Route (The Road), les visiteurs auraient entrepris leur visite mémorielle.

Détail du projet de Oskar Hansen pour le mémorial du camp de Birkenau
Détail du projet de Oskar Hansen pour le mémorial du camp de Birkenau
Photo © César Delgado Martìn
(Cliquer pour agrandir)

Cette expérience devait symboliser un passage de la vie vers la mort à travers un espace temps figé durant la traversée de l’ancien camp laissé à lui-même, puis un retour vers la vie.
Les vestiges que cette route traverserait auraient été maintenus isolés des visiteurs, tandis que toutes les autres parties du camp comme la rampe, les baraques existantes, les cheminées et tous les éléments encore visibles aujourd’hui auraient été laissés en l’état, pétrifiés, inaccessibles, figés dans un temps passé que la nature aurait petit à petit recouvert. Les survivants souhaitaient alors que les lieux restent tels qu’ils étaient à la fin de la guerre. Les visiteurs auraient alors pu laisser une carte ou tout autre artefact de leur passage sur le bord de cette route. La sinistre et emblématique porte du camp aurait été quant à elle laissée fermée à jamais, plus personne ne devant la franchir.
Seule la route devait témoigner des souffrances et des crimes intervenus sur ce lieu et faire réfléchir les visiteurs sur le traumatisme de l’expérience des victimes et les dangers de l’oubli.

Oskar Hansen et son concept de forme ouverte
Oskar Hansen et son concept de forme ouverte (cliquer pour agrandir)

Cette proposition de route de Hansen s’inspirait de son concept architectural de forme ouverte qui peut être schématisé par la création d’une oeuvre d’art qui ne serait pas finie, délimitée et qui offrirait des possibilités diverses de contexte et d’interprétation.

La proposition de l’équipe de Hansen ne fut pas retenue parmi les 426 projets proposés en provenance de 36 pays alors qu’elle était encore en concurrence lors de la seconde phase des sélections présentée en 1958 à Paris et au siège de l’UNESCO. Au départ, le jury était très favorable au projet de Hansen, mais la représentation des survivants du camp de Auschwitz-Birkenau exprimèrent leur réticence avec cette représentation abstraite et purement négative de la mémoire qui ne leur permettait pas d’identifier pleinement leur souffrance.

Le projet définitif fut sélectionné en 1959 et le monument dont les travaux débutèrent en 1965 fut inauguré en 1967, un projet commun réalisé par une équipe de sculpteurs polonais (dont les sculpteurs Jerzy Jarnuszkiewicz et Julian Pałka de l’équipe initiale de Hansen) et italiens qui faisaient partie des trois dernières propositions encore en lice.
Ce monument aujourd’hui visible s’élève au bout de la voie ferrée du camp entre les ruines des anciens crématoires.

Oskar Hansen, qui combattit durant la guerre dans la résistance au sein de l’Armia Krajowa, entreprit des études d’architecture en Pologne. En 1948 il poursuivit ses études en France sous la direction de Pierre Jeanneret, le cousin et partenaire de Le Corbusier. Il travailla également dans l’atelier de Fernand Léger et étudia également à Londres. C’est par l’intermédiaire de Pablo Picasso qu’il rencontra sa future femme Zofia Syrkusowa. Il mena une carrière aussi bien dans l’architecture que dans la transmission à travers l’académie des Beaux-Arts de Varsovie.

Le camp de Birkenau selon le projet de Oskar Hansen
Le camp de Birkenau selon le projet de Oskar Hansen – Simulation

Shlomo Venezia est mort

Disparition d’un Sonderkommando

Shlomo Venezia s’est éteint le 30 septembre 2012 à Rome à l’âge de 89 ans.
Issu de la communauté juive de Thessalonique, il est déporté en 1944 à Birkenau et se retrouve affecté au Sonderkommando de l’un des crématoires du camp. Il échappe à la mort qui attend généralement les membres des Sonderkommandos. A la fin de la guerre, moins d’une centaine d’hommes affectés aux Sonderkommandos ont survécus.

Shlomo Venezia
Shlomo Venezia
En 2007, il publie ses mémoires à travers un livre d’entretiens menés par Béatrice Prasquier qui nous transmet son témoignage unique et saisissant.
» Commander le livre Sonderkommando, dans l’enfer des chambres à gaz.

Shlomo Venezia au mémorial de la Shoah

A découvrir sur le site www.sonderkommando.info, créé par Véronique Chevillon, la conférence organisée au mémorial en janvier 2007 dédiée sur le Sonderkommando et son livre témoignage.

Shlomo Venezia, Sonderkommando

Sonderkommando – Dans l’enfer des chambres à gaz
Edité sous la forme d’un entretien mené par Béatrice Prasquier, ce fort témoignage de l’un des rares survivants des Sonderkommando, ces équipes spéciales de déportés dont la terrible tâche consistait à travailler dans les chambres à gaz et les crématoires du camp de Birkenau, nous plonge au milieu de cette dramatique expérience qui a marqué et poursuit toute sa vie Shlomo Venezia.
Issu de la communauté juive grecque de Salonique, d’origine italienne, Shlomo Venezia est déporté avec sa famille et tous les siens à Auschwitz-Birkenau. Shlomo Venezia décrit avec force de détails, à partir de son propre vécu, son pénible parcours depuis l’entrée des troupes italiennes à Salonique jusqu’à sa libération au camp d’Ebensee en Autriche après avoir survécu au Sonderkommando, dont les membres étaient systématiquement éliminés, puis à la marche de la mort.
Un livre témoignage unique à découvrir absolument pour appréhender de l’intérieur un aspect des camps d’extermination parfois sujet à controverses.
>> Pour commander le livre.