Jack Tramiel ou l’histoire d’un capitaine d’industrie

Du ghetto vers les sommets de la micro-informatique, un parcours hors du commun

Sur l’immense mur blanc qui s’élève à l’intérieur du Musée de l’Histoire des Juifs Polonais de Varsovie ont été gravés les noms des plus éminents donateurs, des fondations, des sociétés et des organisations qui ont largement participé au financement de l’aménagement du Musée.

Jack Tramiel - Jacek Trzmiel
Jack Tramiel – Jacek Trzmiel (cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

Parmi tous ces noms, il y en a un qui a retenu mon attention, car il m’a rappelé la période où j’ai démarré mon activité dans l’informatique.
Ce nom est celui de Jack Tramiel, l’un des capitaines d’industrie du monde de la micro-informatique des années 1980 alors en pleine éclosion.
Jack Tramiel, de son vrai nom Jacek Trzmiel est né le 13 décembre 1928 en Pologne à Łódź dans une famille juive. Durant la guerre il fut interné dans le ghetto de Łódź (Litzmannstadt) avec sa famille. Il travailla dans une usine de confection de pantalons durant 5 années. La famille fut déportés en août 1944 vers le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Après la sélection à l’arrivée il fut dirigé avec son père vers un peloton de travail, il ne reverra plus sa mère. Plus tard lui et son père furent transférés vers le camp de travail de Ahlem près de Hanovre, après une sélection menée par Joseph Mengele. Il survécut à la guerre et émigra aux Etats-Unis en 1947 où il intégra l’armée américaine en tant que technicien de maintenance de matériels bureautiques.
Après avoir quitté l’armée il commença à travailler pour 50$ par semaine dans la réparation de machines à écrire. Dès le début des années 1950, il démarra une activité de réparation de matériels de mécanographie sous le nom de Commodore Portable Typewriter pour le compte de l’armée. Durant les années 1960 il créa l’entreprise Commodore Business Machines et développa l’activité de vente de calculatrices mécaniques jusqu’à l’arrivée de la concurrence japonaise. C’est lors d’un voyage au Japon qu’il découvrit les premières calculatrices électroniques. Commodore lança ses premières calculatrices électroniques sur le marché américain puis dû faire face à la concurrence directe de son fournisseur de circuits intégrés Texas Instruments. Avec l’aide de l’homme d’affaires Irving Gould qui l’avait aidé auparavant, il racheta le fabricant de composants électroniques MOS Technology Inc. qui équipait également ses produits en circuits intégrés, une acquisition stratégique.

Ordinateur Commodore PET
Ordinateur Commodore PET (Cliquer pour agrandir) – Source Source Tomislav Medak / Bill Bertram

En suivant les recommandations de son ingénieur concepteur Chuck Peddle, il s’orienta vers la conception d’ordinateurs personnels avec le Commodore PET (ci-contre), lancé en 1977, qui fut le premier véritable ordinateur personnel mis sur le marché et qui rencontra un grand succès dans les domaines de l’éducation au Canada et aux Etats-Unis. Suivirent les ordinateurs personnels VIC-20 et Commodore 64 qui firent face à la concurrence de l’Apple II et de l’Atari 800 au début des années 1980.
Notons qu’en 1982, alors qu’ils ne pouvaient réunir suffisamment de fonds pour fabriquer en série leur ordinateur Apple II, Steve Jobs et Steve Wozniak tentèrent de vendre leur ordinateur à Commodore, Jack Tramiel rejeta la proposition.
Le Commodore 64 deviendra l’ordinateur le plus vendu dans le monde à cette époque. Jack Tramiel quitta la société Commodore en 1984 après des dissensions avec Irving Gould qui contrôlait la compagnie. Il créa la société Tramel Technology Ltd et fit l’aquisition de la division grand public de Atari qui devint par la suite Atari Corporation dont l’un des produits phares était l’Atari ST, concurrent direct des produits Apple. Son fils reprit les rênes de la société dans les années 90.
Jack Tramiel fit face à des problèmes de santé. Il se retira dans sa propriété située sur les hauteurs de Monte Sereno en Californie.

Jack Tramiel fut également l’un des co-fondateurs du Musée du Mémorial de l’Holocauste des Etats-Unis (United States Holocaust Memorial Museum – USHMM). Sa femme Helen était également une rescapée du camp de Bergen-Belsen.

Jack Tramiel en 2004
Jack Tramiel en 2004

Jack Tramiel est mort d’une crise cardiaque le 8 avril 2012 en Californie.