Władysław Bartoszewski, témoin de l’histoire

Découverte d’un personnage hors norme

Hier est décédé Władysław Bartoszewski (1922-2015), à l’âge de 93 ans, une grande figure en Pologne, certainement mal connue, peu ou pas assez du grand public, à l’étranger.

Né dans une famille catholique, il entame ses études à Varsovie.
Il prend part à la défense de Varsovie dès le début de la guerre, sera déporté en 1940-1941 à Auschwitz puis libéré suite à l’intervention de la Croix Rouge. Par la suite il entrera en résistance dès 1942 dans l’Armia Krajowa (première armée de résistance en Europe, forte en moyenne de 300 000 résistants) où il transmettra des informations sur le camp de concentration.
Parallèlement, il participe activement à l’action du comité d’aide aux juifs Żegota, mouvement initié au départ par deux polonaises de la résistance; 100 000 juifs purent ainsi être sauvés par l’organisation durant la guerre.

Władysław Bartoszewski
Władysław Bartoszewski – photo Photo M. Kulisiewicz / Muzeum POLIN

Pendant les quatre années de guerre de 41 à 44, il suit aussi des études auprès d’un département de l’université qui mène secrètement ses activités, il s’occupe également de la ligne éditoriale d’un journal engagé pour la renaissance de la Pologne. En 1943, dans le cadre des activité de l’organisation Żegota, il organise l’assistance des insurgés du ghetto. En 1944, il participe à l’insurrection de Varsovie.
Il poursuit après la guerre des activités de résistance et de propagande contre le régime communisme qui se met en place et rejoint le parti d’opposition. Ses idées en opposition frontale avec le communisme en place le mènent en prison pour 8 années sous le prétexte d’espionnage. Libéré en 1954, il se consacre au journalisme.
A l’initiative de l’institut historique juif de Varsovie, il est décoré pour son aide apportée aux juifs une dizaine d’années plus tôt. En 1963 il se rend en Israël puis est honoré du titre de Juste parmi les Nations par Yad Vashem pour ses actions de sauvetages des juifs durant la guerre en 1966.
Au début des années soixante, il voyage en Europe de l’ouest et aux Etats-Unis, il coopère avec Radio Free Europe. Dans les années 1970-1980, il s’engage dans la vie intellectuelle et politique polonaises, et donne de nombreuses conférences à l’université de Varsovie et de Lublin sur des thèmes historiques, notamment la période de la guerre et de l’occupation. Il est également accueilli et honoré par de très nombreuses universités occidentales.
il rejoint le syndicat Solidarność de Lech Wałęsa au début des années 1980, ce qui lui vaudra d’être de nouveau emprisonné suite à la reprise en main du pouvoir par le général Jaruzelski en 1981. Dans les années 1990-2000, il devient ambassadeur en Autriche, puis ministre des affaires étrangères alors qu’il réalise un grand discours au Bundestag lors du cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, puis sénateur au début des années 2000.
Depuis 1990 il était l’un des membres éminents du conseil international du musée d’Auschwitz. Il siège ensuite à l’assemblée. En 2005 il prononce un important discours lors du soixantième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz et participe très activement à la réconciliation germano-polonaise et judéo-polonaise.
Il est l’auteur de très nombreux livres et publications, également en langue allemande. Il a été honoré d’une vingtaine de décorations et reconnaissances aussi bien en Pologne qu’à l’étranger.

Władysław Bartoszewski faisait partie des personnalités polonaises qui furent interviewées par Claude Lanzmann dans le cadre de la réalisation de son film Shoah mais dont l’apparition n’a pas été retenue par le réalisateur malgré sa participation personnelle très active dans le comité d’aide aux Juifs Żegota durant la guerre et pendant l’insurrection du ghetto. La forme narrative utilisée par Bartoszewski, ne répondait pas de manière précise à ce que recherchait Lanzmann à travers des témoignages plus vivants pour son film, il la trouvait dit-on ennuyeuse, sur la forme. Cette interview pourtant importante puisqu’elle abordait l’aspect du sauvetage de juifs par des polonais durant la guerre ne fut donc pas retenue, peut être pour certaines autres considérations qui mériteraient aujourd’hui d’être développées (Il en avait été également de même avec l’interview de Tadeusz Pankiewicz, le pharmacien polonais du ghetto de Cracovie, un autre Juste polonais absent du film.)