Visite dans le quartier de Praga 1

Découvrir l’histoire juive du quartier de Praga

Pour se rendre dans le quartier

Rien de plus facile. Depuis la vieille ville, on peut s’y rendre à pied en traversant le pont Śląsko-Dąbrowski (le pont qui relie la vieille ville à l’autre rive de la Vistule) jusqu’à l’église Saint Florian (la grande église en briques aux 2 clochers), et apprécier la perspective de la vieille ville depuis le pont. Autrement en bus ou en tramway jusqu’à l’arrêt Park Praski, peu importe le numéro du transport, c’est juste vers l’arrêt suivant; prendre les escalators (ici) ou les escaliers à l’extérieur (au bas du château) qui mènent aux arrêts des transports en commun. Ou en métro, histoire de découvrir la nouvelle ligne, pour ceux qui sont du côté du centre ville. Ligne M2, descendre à la station Dworzec Wileński, vers la direction du même nom (terminus actuel, nouvelle ligne en travaux d’extension). Prendre un ticket 20 mn. Une fois arrivé, prendre la sortie 2 (al. Solidarności, ul. Jagiellońska) et se diriger tout droit en direction de la vieille ville jusque devant l’église Saint Florian.

Le groupe scolaire Władysław IV sur l'avenue Solidarności
Le groupe scolaire Władysław IV sur l’avenue Solidarności (Cliquer pour agrandir)
Avant d’arriver à l’église, sur la gauche, on passe devant un beau bâtiment brun et blanc qui est un groupe scolaire. Pour ceux qui sont venus par un autre moyen de transport, continuer vers le nord en suivant l’avenue Solidarité (Solidarności), le groupe scolaire est sur la droite.
Et suivre la séquence des paragraphes qui suivent.
> Le circuit de visite sera découpé en 3 étapes.
Ci-dessous le plan de la première étape.
Plan de l'étape 1
Plan de l’étape 1 (Cliquer pour agrandir)
Cliquer ici pour ouvrir le plan dans une fenêtre séparée.

[ Etape 1 ]

1 – Lycée et collège du roi Władysław IV

Stèle à la mémoire de Janusz Korczak
Stèle à la mémoire de Janusz Korczak (Cliquer pour agrandir) Photo www.shabbat-goy.com
Non loin du croisement avec la rue Jagiellońska, le long de la façade du collège, on peut voir une plaque apposée sur un bloc de granit à la mémoire de Janusz Korczak qui a étudié lorsqu’il était jeune dans ce collège. Il y termina sa scolarité primaire en 1897 dans cet établissement pour garçons, le collège du Roi Władysław IV, à Praga. Cependant, à cette époque, l’établissement était situé dans une autre rue de Praga que nous verrons au cours de la visite.
Janusz Korszak (1878-1942), de son vrai nom Henryk Goldszmit, était né dans une famille juive à Varsovie. Il exerça comme médecin et pédiatre, c’était un grand spécialiste d’avant guerre de la pédagogie de l’enfance. Il prit le pseudonyme de Janusz Korczak lors d’un concours littéraire, car c’était également un écrivain. Après ses études de médecine et un séjour en Suisse où il se spécialisa à la médecine pour enfants, il devint directeur d’un orphelinat qu’il créa à destination des enfants juifs de Varsovie au 92 de la rue Krochmalna (aujourd’hui 6 rue Jaktorowska, toujours une maison pour l’enfance et qui s’appelle Janusz Korczak), à l’ouest du centre-ville dans le quartier de Wola. Durant la guerre, il transféra l’orphelinat dans le petit ghetto, dans un immeuble de la rue Chłodna au numéro 33 jusqu’à l’automne 1941, puis au 16 de la rue Sienna. Lors des grandes déportations de l’été 1942, durant les phases de liquidation du petit ghetto, le 5 août, il se dirigea avec les 200 enfants de l’orphelinat, à pied, vers Umschlagplatz, la gare de transbordement d’où ils furent envoyés à la mort vers le camp d’extermination de Treblinka. Janusz Korczak resta avec les enfants et partagea leur dramatique destin. L’orphelinat de la rue Sienna d’où ils partirent se trouvait exactement à l’angle nord-est actuel du palais de la Culture.
On revient vers l’église St Florian.

1a – Praga, un quartier autrefois multiculturel

Les premières références sur l’endroit de Praga remontent à l’indication d’une auberge au milieu du XVème siècle. Les terrains appartenaient alors au diocèse de Płock (une ville située à 120 km au nord-ouest de Varsovie) et regroupaient plusieurs villages devenus aujourd’hui quartiers pour certains. La juridiction du faubourg de Praga a été établie en 1648 et les droits de la ville ont été accordés par le roi Władysław IV, celui qui a donné son nom au groupe scolaire. Le premier pont reliant la vieille ville au faubourg a été jeté sur la Vistule au milieu du XVIème siècle.

Vue de la partie nord de Praga en 1790 avec le monastère des Bernardins sur la gauche
Vue de la partie nord de Praga en 1790 avec le monastère des Bernardins sur la gauche (Cliquer pour agrandir)
Le grand monastère des Bernardins a été édifié durant la première moitié du XVIIème siècle ainsi que la chapelle mitoyenne de Notre Dame de Lorette (Matki Bożej Loretańskiej) qui subsiste aujourd’hui dans la partie située au nord du zoo. Au milieu du XVIIème siècle, le faubourg de Praga était déjà un grand village à caractère urbain. L’ensemble monacal fut pillé et dévasté durant l’invasion suédoise de 1656. Praga se développa de nouveau durant la première moitié du XVIIIème siècle au croisement des routes commerciales vert la Russie à l’est et la Baltique au nord. Praga devint un quartier de Varsovie à la fin du XVIIIème siècle. A cette époque, on recensait plus de 1500 juifs sur une population de 7200 âmes, soit 20% des habitants. Cette présence des juifs fut stimulée par Shmul Jakubowicz Sonnenberg (dont on parlera plus loin), commerçant et banquier du roi Stanisław August Poniatowski (Stanislas II), qui développa fortement les activités commerciales à Praga. Les juifs résidaient déjà dans le faubourg, mais c’est en 1755 qu’ils furent officiellement autorisés à s’y établir et à pouvoir acheter et construire des maisons. Fin XVIIIème / début XIXème siècle, on dénombrait 5000 juifs à Praga. Dans le judaïsme, l’une des contraintes dicte qu’un juif ne doit pas se tenir éloigné à plus de 2000 pas de la synagogue. De fait, ils devaient également se tenir à proximité des bains, des abattoirs rituels et d’autres lieux inhérents aux communautés juives. C’est ce qui fit la spécificité des quartiers juifs et des shtetl en Europe centrale durant des siècles ou la grande majorité des juifs étaient religieux, tant sur un plan de la topologie de ces centres de vie qui se développèrent parmi les cultures chrétiennes, principalement catholiques et orthodoxes, que de l’organisation même de ces communautés. Dans certaines provinces reculées, les rabbins allaient visiter les familles juives qui vivaient dans les campagnes, éloignées des communautés, afin de vérifier qu’ils suivaient au mieux les préceptes de la religion juive. Mais dans l’immense majorité des cas, les juifs se regroupaient dans des villages qui parfois devenaient très majoritairement juifs, les shtetl, et dans des quartiers des villes, comme ici à Praga ou dans le quartier nord de Muranów, sur l’autre rive de la Vistule.
Le faubourg et le monastère des Bernardins furent détruits durant la bataille des insurgés contre l’occupant russe durant l’insurrection de Kościuszko, après les partages de la Pologne à la fin du XVIIIème siècle. Suite à ce massacre et aux conséquence des destructions, la population de Praga chuta de 7200 habitants en 1792 à 1 800 trois années plus tard. Au siècle suivant, en 1843, la population juive représentait environ 30% des habitants. La chapelle Notre Dame de Lorette fut reconstruite en 1853. Le grand pont métallique Kierbedzia reliant Praga à Varsovie fut édifié entre 1859 et 1864, il fut détruit en 1944. Le quartier de Praga continua à se développer durant le XIXème siècle avec de grands marchés à chevaux et à bestiaux, l’implantation d’usines et manufactures, et également de casernements durant cette période de domination russe. La gare de Saint Péterbourg (aujourd’hui disparue) reliant les régions de la Baltique et de Saint Pétersbourg au nord, et la gare de Térespol (actuelle gare de l’est – Warszawa Wschodnia) reliant les régions de l’est et Moscou, furent construites respectivement en 1862 et 1867; elles participèrent au développement économique de Varsovie et de Praga. A l’entrée en guerre, environ 40% de la population de Praga était juive et surtout concentrée autour des rues Targowa, Brzeska, Ząbkowska, Kępa, et dans une partie des rues Jagiellońska, Szeroka (actuelle rue Kłopotowski), Brukowa (actuelle rue Okrzei ), Stalowa. Cette concentration qui s’est mise en place dans le temps répondait dès le départ et l’installation progressive des juifs à des contraintes liées aux aspects religieux, notamment la proximité de la synagogue.
La cohabitation entre les différentes communautés était paisible. Dans les rues on parlait le polonais, le russe, l’allemand, le yiddish. La population juive était constituée de nombreux religieux orthodoxes reconnaissables à leur caftans noirs, leurs chapeaux et leur apparence avec barbes et papillotes (peot). Les juifs pratiquaient surtout des activités commerciales et artisanales, près de la moitié d’entre-eux étaient pauvres et analphabètes de ce côté de la Vistule. Ces derniers pouvaient exercer des métiers comme tailleurs, cordonniers, porteur, boutiquier et camelot. Il existait également, comme dans les autres villes et bourgades de Pologne, une communauté juive éduquée, souvent progressiste et assimilée qui exerçait des métiers tels que avocat, médecin, ingénieur, professeur. Pendant l’entre-deux guerres, la population juive représentait 40% des habitants de Praga.

Durant la seconde guerre mondiale, le quartier de Praga subit des destructions, notamment durant les bombardements de l’offensive russe en juillet 1944. Quoique relativement épargnés durant la guerre, nombre de vieux immeubles du quartier du vieux Praga se sont lentement dégradés, tel qu’on peut les voir aujourd’hui. Un programme de revitalisation est à l’oeuvre depuis plusieurs années.
L’église Saint Florian a été édifié entre 1887 et 1904. Endommagée par les bombardements de 1939, elle a été entièrement détruite par les allemands lors de l’insurrection de Varsovie de 1944. L’église a été reconstruite à l’identique après la guerre grâce à l’effort des habitants du quartier, les travaux ont duré jusqu’en 1972. Non loin de l’église Saint Florian, en face du collège du roi Władysław IV, s’élève la cerkiew (église orthodoxe) Sainte Marie Madeleine qui se distingue par son architecture typique des églises orthodoxes avec son clocher séparé et ses bulbes. On peut s’y rendre pour y découvrir son architecture intérieure et son iconostase. Elle a été édifié en 1867-1868. La synagogue ronde de Praga, malheureusement disparue, et dont nous verrons l’emplacement au cours de la visite, fut édifiée en 1836 sous la houlette du financier et philanthrope Ber (Berek) Sonnenberg. On observe que la synagogue fut le premier lieu de culte édifié dans ce secteur (mais pas le premier lieu de culte dans l’ancien faubourg de Praga), suivi par l’église orthodoxe puis l’église catholique; les trois édifiés dans un rayon de 200 mètres.
Lorsque la ville de Varsovie fut déclarée (privilège) de non tolerandis judaeis en 1527, les juifs s’installèrent autour de la ville, dans plusieurs villages, notamment du côté du village de Grzybów (aujourd’hui la place Grybowski), dans le secteur sud-est de Varsovie, le long de la Vistule, aujourd’hui le secteur est de l’avenue de Jérusalem (aleje Jerozolimskie) et dans le faubourg de Praga le long de l’actuelle rue Jagiellońska, et également à d’autres endroits autour de la ville. Durant cette période, les juifs n’avaient pas la possibilité de s’installer dans le centre ville et la vieille ville de Varsovie, cependant les marchands juifs pouvaient y faire commerce lors des foires et des marchés. Ce privilège qui excluait les juifs de nombreuses villes fut souvent utilisé, 3 siècles en arrière et plus, essentiellement pour des raisons économiques qui permettaient d’exclure les marchands juifs des activités commerciales d’une ville, donc d’éliminer des concurrents.
Les juifs ont commencé à s’installer dans le faubourg de Praga durant le XVIIème siècle. En 1780, Shmul Jakubowicz Sonnenberg établit le cimetière juif de Praga, aujourd’hui dans l’actuel quartier de Bródno, situé au nord-ouest du quartier du vieux Praga (Stara Praga), ainsi qu’une synagogue en bois. Le cimetière se trouve à 2 km d’où nous nous trouvons, à une demi heure à pied (le chemin pour s’y rendre). Avec l’aide de ce dernier, Berek Joselewicz, patriote juif polonais, créera un régiment de cavalerie juif qui prendra part à l’insurrection de Kościuszko de 1794, suite à la troisième partition de la Pologne. Le régiment affrontera les troupes de l’armée russe dans le faubourg de Praga et sera décimé.

Lire un article sur Berek Joselewicz.

Les lieux de culte juif

En 1871, les communautés juives de Varsovie et de Praga fusionnèrent.
Durant l’entre-deux guerres, on dénombrait 38 lieux de culte à Praga dont 18 seulement dans la rue Targowa, la grande rue principale du quartier. Dans l’ensemble de Varsovie, avant la guerre, c’était dans plus de 400 synagogues que vibrait la foi des juifs.
Pour un non juif, la synagogue ne doit pas être perçue seulement comme un bâtiment caractéristique, entièrement dédié au culte. Étymologiquement, le mot synagogue vient du grec synagogē qui signifie assemblée; en hébreu beit knesset qui signifie maison de l’assemblée. En ce sens il rejoint le terme grec ekklesia qui signifie également assemblée (église) pour les chrétiens. Une synagogue peut être à la fois le bâtiment dédié au culte juif que l’on connait, mais aussi une maison de prières aménagée dans un bâtiment ou un endroit quelconque, pouvant également offrir dans des parties mitoyennes des salles, des écoles d’études religieuses. Dans les communautés juives orthodoxes, les hommes et les femmes sont séparés lors des offices. Une assemblée de juifs pouvant constituer un minian, c’est à dire le quorum de 10 juifs ayant la majorité religieuse afin de réciter les prières et mener certaines cérémonies est nécessaire. Une synagogue n’a pas le caractère sacré que peut avoir une église, hormis le lieu où sont déposés les rouleaux sacrés de la Torah, l’Arche Sainte dans le judaïsme aszkénaze (Aron ha-kodesh) qui doit se trouver placée vers l’est, en direction de Jérusalem. La synagogue, en tant qu’institution, remonte à la période de l’exil des juifs à Babylone au XIsiècle avant notre ère, sous le règne du roi babylonien Nabuchodonosor II.
Si on dénombrait plus de 400 synagogues à Varsovie (120 à Cracovie), il ne s’agissait pratiquement que de salles de prières. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, entre le XVIème siècle (date de l’arrivée des juifs à Varsovie) et le XVIIIème siècle, les juifs ne furent pas autorisés à résider dans la ville. De fait, durant cette période, aucune synagogue ne fut édifiée dans l’enceinte de Varsovie. C’est la raison pour laquelle il n’existait que quelques synagogues, bâtiments dédiés au culte, dans la capitale à l’entrée en guerre, comme la synagogue Nożyk et la synagogue Serdyner de la rue Twarda, la grande synagogue Tłomackie, la synagogue ronde de Praga, la synagogue allemande de la rue Daniłowiczowska. L’immense majorité des lieux de culte, salles de prières de diverses tailles se trouvaient dans des immeubles et d’autres lieux tels que le palais Lubomirski sur la place Żelazna Brama, dans le bâtiment de la communauté juive de Praga, dans les bâtiments militaires de la garnison de Praga, dans la prison de Pawiak, à l’arsenal, dans plusieurs hôpitaux. Le quartier de Muranów, le quartier juif autour de la rue Nalewki, concentrait la plus grande présence de salles de prières à Varsovie. Aujourd’hui moins de 100 d’entre-elles ont été identifiées par l’Institut Historique Juif de Varsovie. Pour beaucoup il s’agissait de petites salles de prières qui ne pouvait accueillir qu’un nombre de fidèles très restreint.
On continue la route en remontant la rue Józef Sierakowski.

2 – Académie des étudiants juifs

Au niveau du numéro 7 de la rue Sierakowski se dresse un grand bâtiment qui abritait avant la guerre la maison des étudiants juifs de Varsovie. Ce bâtiment fut édifié entre 1924 et 1926 avec des fonds de l’Association d’Aide aux Etudiants Juifs suite à un projet initié par Mojżesz Koemer sur un terrain cédé par un commerçant juif du quartier de Praga. Sur le fronton de l’entrée on peut lire les lettres AAJ signifiant en latin Auxilium Academicum Judaicum.

Maison des étudiants juifs dans le quartier de Praga
Maison des étudiants juifs dans le quartier de Praga (Cliquer pour agrandir) – Photo www.shabbat-goy.com

Maison des étudiants juifs dans le quartier de Praga
Maison des étudiants juifs dans le quartier de Praga (Cliquer pour agrandir) – Photo www.shabbat-goy.com

La maison accueillait environ 300 étudiants. Ces derniers disposaient de chambres doubles, d’un gymnase, d’une bibliothèque, d’une salle de lecture, d’un salon pour les visiteurs, de salles de jeux, des services d’un dispensaire, d’un coiffeur, d’un club de radio.
Janusz Korczak demeura dans la maison des étudiants juifs durant ses études. Les frères jumeaux et futurs artistes peintres Efraim et Menasze Seidenbeutel logèrent aussi là.
Le bâtiment fut transformé en hôpital durant la guerre pour palier au manque de structures suite à l’installation de l’occupant allemand dans l’hôpital de Praga, puis le NKVD y établit son siège après la guerre.
Le bâtiment abrite actuellement des logements pour le personnel de police.
La façade du bâtiment présente une décoration architecturale de style renaissance qui est intégrée dans son élévation nord où se situe l’entrée principale. Cette proposition décorative est censé rappeler l’architecture de certaines synagogues qui avaient été édifiées vers le XVIIèm siècle en Pologne, souvent par des architectes d’origine italienne.
La présence de ces jeunes étudiants qui se prédestinaient à des professions telles que docteurs, avocats, journalistes et au mode de vie parfois éloigné de la rigueur d’un certain judaïsme proche de la religion posait parfois des problème de cohabitation avec les juifs religieux de la synagogue ronde de Praga située non loin.

Menahem Begin, étudiant à Varsovie

Menahem Begin, le futur premier ministre d’Israël, vécut dans la maison des étudiants juifs durant l’entre-deux guerres lorsqu’il étudiait le droit à l’université de Varsovie. Il reçu le prix Nobel de la paix suite à la signature en 1978 du traité de paix israëlo-Egyptien à Washington dans le cadre des accords de camp David avec Anouar El Sadate, le président égyptien, sous la houlette du président américain Jimmy Carter.

On continue jusqu’au croisement avec la rue Okrzei, on tourne à droite et on descend jusqu’au niveau de la rue Krowia, à hauteur du numéro 13 de la rue Okrzei (anciennement Brukowa).

3 – Rue Stefan Okrzeja, anciennement rue Brukowa

La rue a pris le nom de Brukowa en 1915 et le nom actuel en 1948. A la fin du XVIIIème siècle, on dénombrait 18 maisons en bois dans cette rue en terre que l’on appela Brukowana, rue pavée (bruk – un pavé), car ce fut l’une des premières rues à être pavée de ce côté-ci de la Vistule.

Accès vers Varsovie

L'ancien pont Poniński qui enjambait la Vistule au bas des rues Szeroka et Brukowa
L’ancien pont Poniński qui enjambait la Vistule au bas des rues Szeroka et Brukowa (Cliquer pour agrandir)
Le premier pont qui reliait la ville de Varsovie avec la rive droite; se situait dans les environs de la rue Ratuszowa, c’est à dire à 200 mètres en aval du pont actuel. C’était à l’époque le plus grand pont en bois en Europe, il mesurait plus de 500 mètres. Il s’effondra en 1603.
5 ponts de bateaux furent jetés successivement sur la Vistule entre 1632 et 1764. Le premier pont de ce genre fut construit en 1410. C’est 172 années après l’effondrement du pont Zygmunt August qu’un nouveau pont fut construit. Il s’élançait depuis les environs de la rue Brukowa et de la rue voisine Szeroka (actuelle rue Kłopotowski). Ce pont, dénommé Poniński, était toujours en bois et fut construit en 1775. Il fut détruit en 1806 par les troupes russes lors de leur retraite face à l’avancée de l’armée napoléonienne à Varsovie durant la restauration du duché de Varsovie (Napoléon est un héros en Pologne). Le pont Kierbedzia enjambant la Vistule jusqu’à la vieille ville, légèrement en aval où se trouve aujourd’hui le pont Śląsko-Dąbrowski fut construit entre 1859 et 1864, ce fut le premier pont métallique construit à Varsovie. Il fut partiellement détruit en 1915 lors du départ des troupes russes, reconstruit en 1916, puis détruit une seconde fois en 1944 par les allemands. Le pont actuel Śląsko-Dąbrowski a été édifié en lieu et place en 1949 tandis que les habitants de Varsovie pouvaient traverser le fleuve sur un pont en bois qui avait été construit après la guerre par le génie de l’armée rouge.

En regardant vers le sud de la rue, on observe cet axe qui communiquait avec Varsovie durant le XVIIIème siècle.
Dans la partie basse de cette rue logeait la pègre qui contrôlait les allers et venues de marchandises entre Varsovie et Praga. A une époque, l’un des personnages du lieu était Icek Baruch Farbarowicz, un juif que l’on prédestinait au rabbinat quand il était jeune et qui œuvra dans la première partie de sa vie dans la criminalité. Autant dire que durant l’entre-deux guerres, ce secteur au bas de la rue Brukowa (Okrzei) n’avait pas bonne réputation à Varsovie. On distingue encore à 50 mètres sur la droite, un vieil immeuble d’avant guerre, au numéro 5 qui a du voir passer Farbarowicz.

Urke Nachalnik, un juif pas ordinaire

Fils d’un meunier, Icek Baruch Farbarowicz (1897-1939) étudia dès 1910 à la Yeshiva de Łomża (une ville située au nord-est) puis dès 1911 à Bychów, aujourd’hui en Biélorussie d’où il revint en 1913. Suite à divers larcins, il se retrouva en prison dès l’âge de 16 ans. Sa famille mis des distances avec lui à sa sortie et il fut pris sous la coupe d’un oncle russe. Les années qui suivirent, il s’adonna à diverses activités répréhensibles en Russie, à Vilnius, à Berlin, à Varsovie. En 1918, il fut condamné pour agression à main armée. Il apprit à lire et à écrire le polonais durant son séjour dans la prison de Łomża. Il fut de nouveau condamné et emprisonné en 1923.

Urke Nachalnik - Icek Baruch Farbarowicz
Urke Nachalnik – Icek Baruch Farbarowicz
En prison, il commença à écrire des poèmes et un premier manuscrit de roman qu’il envoya à un éditeur qui ne fut pas convaincu mais qui lui conseilla d’écrire une autobiographie sur son expérience dans le banditisme. En 1930, il publia son récit qui ne rencontra pas encore le succès escompté. Il continua cependant à écrire des nouvelles, en langue yiddish, qui furent publiées dans la presse juive, notamment aux Etats-Unis. Il signait ses récits sous le pseudonyme de Urke Nachalnik. Le nom de Nachalnik lui fut donné par ses compagnons de route et il opta lui-même pour ce prénom. Il fut libéré en 1934, année durant laquelle il écrivit la seconde partie de ses mémoires qui rencontra un certain succès auprès d’un public plus attentif. Suivirent d’autres livres jusqu’au déclenchement de la guerre. Marié à Sarah en 1932, il s’installa à Otwock (sud-est de Varsovie) et eut un fils, Shmul. Ses écrits étaient publiés en polonais et en yiddish. En 1937, il déménagea pour aller habiter à côté de la synagogue Goldberg d’Otwock. Les allemands incendièrent la synagogue au début de la guerre et Urke Nachalnik accompagné de son voisin Gerszon Radoniński sauvèrent 2 rouleaux de Torah. Ils furent arrêtés avec un troisième homme en novembre 1939, puis, forcés de creuser leur tombe ils furent exécutés. Ce furent les trois premiers juifs qui moururent à Otwock durant la guerre. Ceci est la version la plus communément racontée, mais le mystère reste quant à la cause de sa mort. Les sources divergent un peu sur cette période de la fin de sa vie et on ignore le destin de sa femme et de son fils; ils auraient été aperçu plus tard dans le ghetto de Varsovie.

4 – Le marché aux bœufs et aux chevaux

Nous sommes à hauteur du petit parking, en face de la rue Krowia.

Le marché aux chevaux de Praga en 1866 par Juliusz Kossak - Musée National de Wrocław
Le marché aux chevaux de Praga en 1866 par Juliusz Kossak (Cliquer pour agrandir) – Musée National de Wrocław


En regardant vers le côté gauche depuis la rue Krowia au bas jusqu’à la rue Wrzesińska, 2 rues plus haut, se trouvait autrefois dans cette zone un grand marché aux chevaux et aux bovins.
Sous le règne de Władysław IV, durant le XVIIème siècle, les terres situées sur la rive droite de la Vistule où nous nous trouvons, appartenaient à Adam Kazanowski, Chambellan du Roi, qui fit l’acquisition de la moitié des terres de la juridiction de Praga. Se trouvaient là des greniers à sel, à céréales, des brasseries. Lorsque les privilèges établissant la charte de la juridiction de Praga furent accordés, les foires et les marchés s’organisèrent, notamment le marché aux chevaux dont la réputation était confirmée à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Ce marché se tenait entre les rues Brukowa et Kępna. Il fut déplacé une première fois en 1880, notamment vers le quartier de Muranów, sur la place d’armes (qui deviendra plus tard la gare de marchandises puis Umschlagplatz), notamment avec la disparition des tramways à chevaux et la baisse de l’utilisation de la traction animale face au cheval vapeur, puis vers la rue Grochowska dans le quartier de Praga sud en 1900.
Le marché au bœufs qui se tenait rue Wołowa (aujourd’hui rue Targowa), fut transféré non loin vers des terrains situés rue Brukowa 18 (Okrzei) où des aménagements furent entrepris.

Durant les années 1860 venaient là des éleveurs de Włodawa (aujourd’hui à la frontière biélorusse) et de la province voisine de Russie (la partie orientale de la Pologne et Varsovie étant sous domination russe cette époque). Les bœufs étaient alors amenés à pied, et plus tard par trains suite à la construction de la gare de Térespol en 1867 (aujourd’hui la gare de Warszawa-Wchodnia, gare de l’est). Les animaux étaient convoyés notamment depuis Brest-Litovsk, qui devint un grand centre où se rassemblaient négociants russes et juifs. Les négociants juifs de Praga ramenaient alors les animaux, autrefois à pied, puis en train. On ramenait également du bétail élevé dans des sucreries russes où on utilisait les déchets de production qui permettaient d’alimenter les animaux afin d’obtenir une viande riche et grasse. De nombreux négociants allemands venus de Prusse se rendaient également aux marchés de Praga pour acheter du bétail pour les populations allemandes, mais aussi d’autres négociants polonais.

Le marché aux bœufs de Praga en 1912. Au fond à gauche, les 2 clochers de l'église Saint Florian
Le marché aux bœufs de Praga en 1912. Au fond à gauche, les 2 clochers de l’église Saint Florian (Cliquer pour agrandir)

rzeżnia - Les abattoirs de Praga
rzeżnia – Les abattoirs de Praga (Cliquer pour agrandir)

Cette activité donna son nom à la rue Krowia (krowa – vache). Ces deux marchés de commerce d’animaux fonctionnèrent jusqu’en 1899 et les activités des abattoirs prirent le relais jusque dans les années 1920, date à laquelle ils furent liquidés, notamment pour des raisons sanitaires. Au départ, c’était surtout les juifs qui allaient chercher le bétail à l’est pour le revendre sur le marché, mais par la suite, les russes s’organisèrent et amenèrent directement le bétail, sans passer par des négociants juifs. Ces derniers développèrent alors leurs activités comme intermédiaires entre les éleveurs et les bouchers des abattoirs. 130 000 têtes de bétail s’échangeaient annuellement sur le marché, pendant la grande période d’activité au milieu de la seconde moitié du XIXème siècle, parfois jusqu’à 2500 dans une semaine. Le bétail d’origine polonaise était vendu moins cher mais la qualité de viande était en deçà de celle provenant de Russie. Le marché se tenait les lundi, mercredi et vendredi et les négociations et prix étaient définis à l’avance. Des abattoirs existaient déjà puisque les premiers avaient été créés en 1846. Il existait un abattoir rituel dans cette zone, on ne sait pas où exactement, peut être dans la rue Krowia même. Un autre abattoir était situé rue Wrzesińska. Il régnait une grande activité les jours de foire avec l’arrivée des animaux. Les odeurs de viande planaient alors sur cette partie du quartier et des rigoles de sang pouvaient couler jusqu’au fleuve.
On dénombrait alors 200 maquignons, moitié juifs et moitié russes, et 80 bouchers juifs qui travaillaient aux abattoirs. Par la suite, les allemands incitèrent les négociants à traiter directement avec eux, en achetant plus cher la viande, ce qui provoquait des fluctuations de prix face à une offre parfois excédentaire sur le marché. Pendant une période, la moitié des bouchers des abattoirs qui s’approvisionnaient en bêtes vivantes étaient polonais. Les autres bouchers juifs des abattoirs baissèrent leurs prix, obligeant les bouchers polonais à acheter des carcasses à découper auprès d’eux, à travers un contrat négocié où certaines pièces de carcasse et abats étaient livrés gratuitement. Les principaux abattoirs de la capitale, Praga, Solec et Rybacka durent également faire face à la rude concurrence d’autres abattoirs des environs de Varsovie qui proposaient leurs services meilleur marché. L’activité à Praga ralentit un peu et se diversifia avec l’abattage de porcs.

Vue des abattoirs en 1945
Vue des abattoirs en 1945 (Cliquer pour agrandir)
Vestiges des fondations des abattoirs construits en 1920 le long de la rue Wrzesińska
Vestiges des fondations des abattoirs construits en 1920 le long de la rue Wrzesińska (Cliquer pour agrandir)


Le marché fut endommagé durant la guerre. Une structure en béton des abattoirs, édifiée en 1920 existait encore au début des années 1990 et se trouvait sur ce terrain, parallèle à la rue Wrzesińska. Des activités fonctionnèrent encore jusque dans les années 1950. Le marché plus ancien aux chevaux se trouvait un peu plus à l’est du côté des rues Kępna et Jagiellońska.
Entre-deux guerres: un troupeau de vaches arrivent par l'est de la rue Targowa et va bifurquer vers le sud dans la rue Brukowa à destination des abattoirs.
Entre-deux guerres: un troupeau de vaches arrivent par l’est de la rue Targowa et va bifurquer vers le sud dans la rue Brukowa à destination des abattoirs.

On remonte la rue jusqu’au croisement des rues Okrzei et Sierakowski et on observe le vieux bâtiment qui fait l’angle en face.

5 – Ancien collège Władysława IV

Immeuble Minter, ancien école fréquentée par Janusz Korczak
Immeuble Minter, ancien école fréquentée par Janusz Korczak (Cliquer pour agrandir) – Photo Google Maps
Le vieux bâtiment de 2 étages situé à l’angle des rues Sierakowski (au numéro 4) et Okrzei, a été édifié entre 1860 et 1863 pour le compte de Karol Juliusz Minter, le propriétaire d’une fonderie. Le bâtiment fonctionna comme lycée entre 1885 et 1905. C’est là que Janusz Korczak poursuivit ses études entre 1891 et 1898. La structure scolaire a ensuite été transférée vers le nouveau lycée Władysław IV qui fut édifié rue Zygmutowski (aujourd’hui avenue Solidarności), là où on a démarré le parcours. A l’origine plus petit, le bâtiment fut étendu avec la construction d’une élévation du côté de la rue Okrzei (ex Brukowa). En 1910, le bâtiment fut vendu à l’entreprise de métal et émail Wulkan et en 1924 la ville en devint propriétaire. Prévu pour la démolition dans les années 1990, le bâtiment sera prochainement restauré. Le futur artiste-peintre Konstanty Brandel (1880-1970) étudia également dans cette école.
En 1938, dans cet immeuble se tenaient des bureaux de la société agricole de viandes, ceux des acheteurs et négociants chrétiens de viandes, un bureau des abattoirs de la société « Monopol-Jelita » de M. Zylberman.
On remonte encore la rue, côté gauche, jusqu’au numéro 23.

6 – La manufacture du numéro 23

L'élévation d'un des anciens entrepôts de la manufacture
L’élévation d’un des anciens entrepôts de la manufacture (Cliquer pour agrandir) – Photo Google maps
A hauteur de l’actuel numéro 23 fut construit durant la révolution industrielle, une manufacture de textiles appartenant à August Marschel qui employait 500 ouvriers, puis un moulin fut édifié en lieu et place dont le propriétaire était Fiszel Fuchs. En 1925, le site passa sous la direction de l’un des actionnaires, Mieczysław Rubinstein et l’ensemble fut acquis en 1930 par la coopérative ouvrière Warmłyn. Le site fut en partie détruit durant la guerre et les infrastructures encore existantes nationalisées après la guerre. Les derniers bâtiments furent démolis dans les années 1980. Subsiste l’ancienne façade de l’un des entrepôts qui a été intégré dans la nouvelle architecture qui abrite au rez de chaussée un restaurant. Une partie des immeubles de la rue furent détruits en 1944 par l’artillerie allemande.
On continue jusqu’au croisement avec la rue Wrzesińska.

7 – 14 rue Wrzesińska (ex 20 rue Brukowa)

Le restaurant de Eljasz et Gołda Odoner dans la rue Brukowa
Le restaurant de Eljasz et Gołda Odoner dans la rue Brukowa (Cliquer pour agrandir)
Subsiste un très vieil immeuble qui fait l’angle côté droit et qui est encore recouvert de stigmates de la guerre. Durant l’entre-deux guerres, nombreux étaient les marchands de la foire et des abattoirs voisins à venir manger là au restaurant de Eljasz et Gołda Odoner. A la fin des années 30, le restaurant était tenu par leur fils Hersz.
En face de l’immeuble numéro 20 se trouve le 29, sur notre gauche. Avant la guerre on trouvait là le maître carreleur Józef Dubielecki, l’ingénieur Zygmut Giniatt, la parfumerie de A. Próchniewicz et le café de Moszek Zelenrot.
Dans cette même rue Wrzesińska, au numéro 2/1 fut enregistrée la première école juive après la guerre, en 1945.
Continuons de remonter jusqu’au numéro 30, qui se trouve sur le trottoir côté droit.

8 – 26 rue Okrzei (ex 26 rue Brukowa)

L'immeuble des Hiboux
L’immeuble des Hiboux (Cliquer pour agrandir)
Ici s’élève un grand immeuble en cours de restauration qui avait été inscrit au registre des monuments en 2005. Il s’appelle l’immeuble des hiboux parce que 2 d’entre-eux avec leurs ailes déployées ont été sculptés sur une attique de l’immeuble du côté de la rue Okrzei, cependant les hiboux avaient disparus depuis quelques années. Le bâtiment a été édifié vers 1906 par les architectes Henry Stifelman et Stanisław Weiss pour le compte du prince Bronisław Massalski.
Au bas de l’immeuble se trouvait le restaurant Chez Abram (u Abrama) qui était tenu par Abraham Kronenberg. Il était fréquenté par les ouvriers, les artisans et les commerçants des abattoirs. Dans les années 1930, avec l’activisme montant des mouvements nationalistes en Pologne, l’enseigne du restaurant fut détruite à plusieurs reprises. Afin de poursuivre son activité en toute tranquillité, Abraham Kronenberg changea l’enseigne de son restaurant qui prit le nom de Chez Adolf (u Adolf). Par coïncidence, ce changement de nom intervint lors de la prise du pouvoir par Adolf Hitler en 1933. Abraham mourut durant la guerre dans le ghetto de Varsovie. Vivait également là le prothésiste dentaire Beniamin Milsztejn.
On traverse la rue Jagiellońska et on continue sur le trottoir de droite de la rue Okrzei jusqu’à la porte cochère du numéro 30.

9 – 30 rue Okrzei (ex 30 rue Brukowa)

L'immeuble du 30 de la rue Okrzei, anciennement 30 Brukowa
L’immeuble du 30 de la rue Okrzei, anciennement 30 Brukowa (Cliquer pour agrandir)

Le bâtiment fut édifié entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. L’immeuble donnant sur la rue possédait 3 étages comme on peut les observer aujourd’hui, mais aussi deux autres niveaux plus petits sous les toits. La propriété possédait une grande cour ombragée, très agréable en été. Le propriétaire des lieux s’appelait Piotr Górski, un chrétien, comme le gardien Stefan. La cinquantaine de locations était pratiquement composée d’habitants juifs. Derrière la porte cochère aujourd’hui murée, se trouve une grande cour rectangulaire avec 2 bâtiments de part et autre et un autre situé au fond.
En 1908, l’immeuble fut vendu à un juif de Varsovie, grossiste en produits laitiers, le couple Frajnbaum. L’administration fut prise en charge par reb Baruch Erlich, un juif pieux en tenue traditionnelle que les habitants du lieu avaient pris pour habitude d’appeler le hassid et l’escroc. Il gérait également deux autres immeubles. Au Brukowa 30, il supervisa la rénovation de l’immeuble et la mise en place de canalisations dans la cour, ce qui provoqua une augmentation des loyers. Il surveillait également le paiement des loyers et pouvait s’avérer plus sévère que le propriétaire. Un peu plus tard, il abandonna son habillement traditionnel, se rasa la barbe et devint fonctionnaire grâce à quelques pistons et acheta par la suite 2 immeubles. Baruch Erlich mourut en 1830, riche dit-on.
Dans ce début de XXème siècle, aux beaux jours, durant le shabbat, les jeunes gens de l’immeuble essayaient de s’échapper du quartier afin de se rendre sur les rives de la Vistule ou au jardin de Praga. Ils devaient alors éviter les juifs orthodoxes (strażnicy soboty) qui étaient postés à certains endroits du quartier et qui surveillaient au bon déroulement du shabbat. Lorsque des jeunes étaient attrapés, ils étaient conduits vers la synagogue, et lorsque ils étaient aperçu à discuter avec des jeunes filles, ou en train de fumer, les religieux les sermonaient.
Stefan, le gardien du lieu, faisait également office de shabbes goy les vendredi et samedi lorsque les juifs faisaient appel à lui pour allumer le feu, le gaz, recharger du petit bois, tâches qu’ils ne pouvaient exécuter lors du shabbat. Ce dernier était remercié à coups de vodka de telle sorte que passé une certaine heure du vendredi soir, les vapeurs d’alcool aidant, il n’était plus question de compter sur lui. Un soir qu’il était ivre, il ferma la porte cochère et les habitants du lieu se retrouvèrent enfermés. Lorsque on arrivait à le tirer de sa léthargie, il s’emportait et des jurons s’élevaient alors dans la cour.
Ont habité là également Reb Szyjele, un enseignant spécialiste des questions religieuses à qui on venait demander conseil, Reb Mosze Grynberg qui vendait de la bière, Reb Mosze Kaczka, Reb Mosze Pinchas Hejtler, Reb Lejbele
Mełamed
, Reb Josel, Reb Icchak Malarz, Reb Noach Sznek, Reb Ajzkl, Reb Sanet et sa femme Leah qui attirait tous les regards des autres femmes lorsqu’elle se rendait à la synagogue de Praga (voir une liste des habitants plus bas).
Des années plus tard, les juifs qui succédèrent à ce petit monde des premières décades du siècle quittèrent pour toujours l’immeuble Brukowa 30 lorsqu’ils durent déménager pour aller s’installer dans le ghetto sur l’autre rive, en 1940. Jamais rénové ou entretenu, l’immeuble se dégrada lentement. Encore partiellement habité ces dernières années, son entrée est aujourd’hui murée, dans l’attente d’un investissement et d’une restauration.

Cour intérieure de l'immeuble de l'ancienne rue Brukowa 30
Cour intérieure de l’immeuble de l’ancienne rue Brukowa 30 (Cliquer pour agrandir) – Photo www.shabbat-goy.com

A l’entrée en guerre, possédaient alors le téléphone :
Majer Szlama Altsztejn,

Abram Futerman qui tenait une manufacture de sacs en papier,
Bernard Erlich,

E. Najman qui tenait un magasin de volailles casher,
Guta Szpizman qui exerçait le métier d’infirmière dans un hôpital de Varsovie,
Manes Sztrumpf (Schtroumpf en français !) et le rabbin Jakub Zylbersztejn.
Existait également une maison de prières à cette adresse, nommée Szul fun der chewre mikre.
En poursuivant, dans cette rue Brukowa, on trouvait également Leon Magott, le pharmacien du numéro 31, le coiffeur Rutman au 32, le fourreur Sapalski au 35 et la crèmerie de Szulim Cukierman au numéro 37.

Du bas de la rue Brukowa où s’activaient les caïds polonais et juifs en passant par les abattoirs où s’affirmait l’empreinte juive des affaires et des négociants jusqu’au haut de la rue où se croisaient les commerçants avec les religieux de la maison de prières, la rue Brukowa restituait à elle seule un éventail de ce petit monde juif aujourd’hui anéanti.
Nous arrivons à la rue Targowa, l’axe principal sud-nord historique du quartier. La rue tient son nom des activités marchandes qui s’y tenaient depuis depuis très longtemps; targ – le marché. Des marchés s’y tenaient déjà au XIIème et XIIIème siècle. On appela alors cette rue Rynkowa (rynek), la rue du marché, puis rue Wołowa (wół – bœuf) dès la présence des activités de marchés aux bestiaux, qui se déplacèrent ensuite rue Brukowa avec l’arrivée du tramway à cheval en 1866, l’aménagement de trottoirs et voiries et l’édification de nouveaux immeubles. La rue fut renommée Targowa en 1916 par héritage de son activité marchande passée.

Voir la liste des abonnées du téléphone de la rue Sierakowskiego en 1938-1939.
Voir la liste des abonnées du téléphone de la rue Brukowa (Okrzei) en 1938-1939 et la liste d’une bonne partie des habitants en 1908-1909.
Voir la liste des abonnées du téléphone de la rue Wrzesińska en 1938-1939.
Voir la liste des abonnées du téléphone de la rue Krowia en 1938-1939.

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