Chronologie d’un enfermement

Mise en place du ghetto de Varsovie

En Europe centrale et en Europe de l’est, on a recensé plus de 1000 ghettos qui ont été établis pas les nazis entre 1939 et 1941, depuis les pays Baltes jusqu’en Crimée. La Pologne à elle seule en dénombrait plus de 300. Parmi les plus emblématiques, celui de Cracovie, celui de Łódź (Litzmannstadt) le second par la taille et celui de Varsovie, ce dernier enfermant la plus grande population juive.
Destinés à rassembler et concentrer les juifs, ils devinrent les antichambres des camps. Durant le processus de liquidation initié à la mi 1942, de nombreux ghettos accueillirent des populations juives en provenance de toute l’Europe et dont la fonction était de réguler le flux des déportés vers les camps d’extermination en fonction des possibilités de traitement, on les appelait des ghettos de transit. Généralement, les ghettos étaient établis dans les anciens quartiers juifs ou dans des quartiers où la population locale devait déménager. La concentration de population engendrait des conditions de vie extrêmes, des situations sanitaires désastreuses et des problèmes d’alimentation dramatiques (on comptait en moyenne 250 calories quotidiennes pour les juifs contre 669 pour les non juifs et plus de 2600 pour les allemands).
La grande majorité des ghettos fut liquidée entre 1942 et 1943. De fait, à la fin 1943, on peut avancer que 70 à 75% des juifs morts durant l’holocauste avaient déjà disparu. Il est mort plus de juifs dans les ghettos, dans des fosses communes et hors des ghettos que dans les camps. En Pologne, ces dates correspondent avec l’activation des camps d’extermination de Sobibór, de Belżec, de Birkenau, de Chełmno et de Treblinka. Dans certaines villes, lorsque le ghetto avait été vidé de ses habitants, il était rasé, ce fût par exemple le cas à Białystok et à Lublin.

1er septembre 1939

Le cuirassé Schleswig-Holstein bombarde la garnison polonaise basée à Westerplatte au nord de Gdańsk (Dantzig), l’Armée allemande traverse la frontière polonaise et attaque la Pologne sans déclaration de guerre.
Début des bombardements sur Varsovie.

17 septembre 1939

Conformément au pacte secret Molotov-Ribentropp, l’URSS envahit la partie orientale de la Pologne. La Pologne est partagée entre le Reich et l’URSS.
Un Gouvernement Général dirigé par Hans Frank est établi sur le territoire central de la Pologne, Varsovie y est intégrée.

Le château Royal de Varsovie en flammes après un bombardement en 1939
Le château Royal de Varsovie en flammes après un bombardement en 1939. (Photo Domaine public)

21 septembre 1939

La décision est prise par le Reichssicherheitsshauptamp (Bureau principal de la sécurité du Reich) Reinhard Heydrich de régler la question juive.

23 septembre 1939

Le maire de la ville Stefan Starzyński nomme Adam Czerniaków à la tête de la communauté juive qui sera remplacée par le Judenrat, le Conseil juif qui sera simplement en charge de répondre aux directives et décisions des autorités allemandes.

25 septembre 1939

Le plus important bombardement sur la ville a lieu. A cette date, on dénombre 40 000 civils tués. 40% des immeubles de la ville sont endommagés, les quartiers juifs sont touchés.

1er octobre 1939

L’Armée Allemande fait sont entrée dans Varsovie.

4 octobre 1939

Les autorités allemandes confirment la nomination d’Adam Czerniakow comme Président du Judenrat.

13 octobre 1939

Les autorités allemandes confirment la liste des 24 membres du Judenrat. Dès lors, le Judenrat est en charge d’à peu près tous les aspects de la vie de la communauté juive de Varsovie. Son organisation est découpée en nombreux de départements et comités, chacun d’entre-eux ayant en charge une gestion précise (administration, social, religieux, etc). C’est le Judenrat qui met en place la police juive (Żydowska Służba Porządkowa). 1700 fonctionnaires sont recrutés.

18 octobre 1939

La marchandisation et les profits opérés dans l’économie textile et la maroquinerie sont encadrés.

26 octobre 1939

Décision est prise pour les hommes âgés de 14 à 60 ans de travailler 12 heures par jour.
Les sacrifices rituels sont interdits.
Les juifs sont réquisitionnés et employés pour déblayer la neige dans les rues de Varsovie.

28 octobre 1939

Recensement de la population juive de Varsovie. A cette date, 359 827 juifs sont recensés, soit le tiers de la population de la capitale.

Octobre 1939

Interdiction des prières communautaires dans les lieux privés.
Interdiction d’accès aux magasins et dans les cafés de la capitale pour les juifs.

4 novembre 1939

Première tentative de création d’un ghetto.
Première session du Judenrat.

15 novembre 1939

Fermeture des écoles primaires et des collèges de la ville sous le prétexte de risques d’épidémie de typhus.

16 novembre 1940

Apparition des premiers policiers juifs. Leur mission première est de gérer l’ordre public (c’est dès le printemps 1941 qu’ils participeront aux rafles des premières déportations. Dès lors, leur rôle sera très mal perçu et ils deviendront aussi craints et brutaux que les allemands).

17 novembre 1939

Présence obligatoire de commissaires aux affaires dans les entreprises juives, ce qui signifie simplement l’expropriation et l’éviction des juifs de la direction de leurs entreprises.

Inspection d'une escouade de policiers juifs dans le ghetto de Varsovie
Inspection d’une escouade de policiers juifs dans le ghetto de Varsovie © Bundesarschiv

20 novembre 1939

Toutes les sommes détenues par les juifs au delà d’un montant de 2000 złoty devront être déposées sur des comptes bloqués.

21 octobre 1939

Malgré le paiement d’une rançon de 300 000 złoty prise en charge par le Judenrat, les allemands exécutent 53 habitants du 9 de la rue Nalewki qui avaient été arrêtés le 13 septembre suite au meurtre d’un policier polonais. Cette exécution marque le premier acte sanglant envers les juifs du ghetto.

Novembre 1939

Etablissement de clôtures barbelées dans le quartier juif avec des panneaux d’information sur les risques d’épidémie de typhus. Ces délimitations préfigurent les limites du futur ghetto. L’accès et le retour de cette zone sont encore libres.
Les juifs n’ouvrent plus droit à l’assistance et à l’aide médicales.

Automne 1939

Les juifs ne peuvent plus déménager sans autorisation préalable et ne doivent pas stationner devant leur domicile entre 9 heures du soir et 5 heures du matin.
Blocage des dépôts et des fonds sur les comptes bancaires juifs. Les retraits hebdomadaires sont limités à 250 złoty. Les paiements envers un juif ne peuvent pas excéder 500 złoty.

Ghetto de Varsovie - Zone d'épidémie de typhus, l'entrée est seulement autorisée dans le ghetto.
Ghetto de Varsovie – Zone d’épidémie de typhus, l’entrée est seulement autorisée dans le ghetto.

25 novembre 1939

Suite à une ordonnance édictée le 23 septembre par le Gouverneur Général Hans Frank, les juifs de plus de 10 ans sont tenus de porter un brassard blanc surmonté d’une étoile de David bleue sur leur manche droite et sont également tenus d’identifier tous les magasins et ateliers juifs par une étoile de David. Le Gouverneur de Varsovie Ludwik Fischer fixe l’âge du port du brassard à 12 ans. Tout manquement à ces directives sera puni d’emprisonnement.
Des zones spéciales réservées aux juifs sont mises en place dans les tramways.

4 décembre 1939

Fermeture des écoles primaires pour les enfants juifs.

Vendeuse de brassards dans le ghetto de Varsovie © USHMM - Photo Guenther Schwarberg
Vendeuse de brassards dans le ghetto de Varsovie
© USHMM

7 décembre 1939

Re-ouverture des écoles primaires et techniques polonaises.
Les professeurs juifs ont de nouveau la possibilité d’enseigner uniquement dans les collèges et lycées polonais.

Mi décembre 1939

Introduction d’un système de cartes de rationnement pour les juifs et les polonais.

18 décembre 1939

Obligation d’inventaire des propriétés et biens juifs.

27 décembre 1939

Exécution de 107 civils polonais dans le quartier de Wawer en représailles du meurtre de 2 officiers allemands. Cet acte symbolisera la résistance polonaise à travers son symbole graphique emblématique PW (Pomścimy Wawer – Nous vengerons Wawer).

Fin 1939

Fermeture des bains rituels (Mikveh).

1et janvier 1940

Interdiction pour les juifs de déménager.

23 janvier 1940

Mise en place d’un département du relogement en relation avec la mairie de Varsovie en vue d’organiser la mise en place d’un ghetto autour d’une zone de menace d’épidémie de typhus.

Janvier 1940

Une structure globale d’aide sociale juive (Żydowska Samopomoc Społeczna) est mise en place dans le ghetto. Elle se calque sur le modèle de structure qui existait avant la guerre et prend en charge les aspects médicaux et sociaux des habitants du ghetto.
Interdiction des prières collectives dans les synagogues, les maisons de prières et les domiciles privés. 400 synagogues sont recensées à Varsovie, la grande majorité sont des maisons de prières et des synagogues implantées dans des lieux privés. Tout manquement peut être puni de mort.

Février 1940

Interdiction faite aux juifs de voyager en train.
Etude d’un projet de création de ghetto dans le quartier de Praga.

Mars 1940

Interdiction pour les juifs de travailler dans les restaurants, les cafés, les cabarets, etc.

1er avril 1940

Sous les directives du Judenrat lui-même sous l’autorité de l’occupant, démarrage de la construction du mur du ghetto.

La construction du mur du ghetto de Varsovie © DSH - Dom Spotkań z Historią
Construction du mur du ghetto de Varsovie
© DSH – Dom Spotkań z Historią

Avril 1940

Etude de la faisabilité de la création de 2 ghettos autour du centre ville. Le premier devant englober les quartiers de Wola et de Koło, le second celui de Grochów.

Juin 1940

Finalisation de la construction du mur autour de la zone de menace d’épidémie de typhus.
Le coût global pour la construction du mur du ghetto a été pris en charge par la communauté juive.

Mi 1940

Interdiction faite aux médecins juifs de soigner des aryens.
Fermeture d’une grande partie des cabinets dentaires et des laboratoires médicaux appartenant à des juifs.
Les avocats juifs sont rayés du barreau.
Confiscation des immeubles et propriétés appartenant à des juifs.
Fermetures des librairies et des bibliothèques juives.
Confiscation partielles des pharmacies juives.
Les anciens combattants juifs ne sont plus autorisés vendre de tabac dans les kiosques.

18 juillet 1940

Interdiction faite aux juifs de fréquenter les parcs de la ville, de s’asseoir sur les bancs publics et de traverser certaines rues.

Juillet 1940

Interdiction de prêts de livres aux juifs dans les salles de lecture des bibliothèques.
Les juifs habitant les quartiers allemands doivent déménager sans délai.

7 août 1940

Suite à décision du maire de Varsovie (Stadthauptmann) Ludwig Leist, les juifs vivant dans les quartiers polonais peuvent encore y rester dans l’attente de leur transfert vers le ghetto. Les juifs arrivant à Varsovie sont tenus de s’installer dans les limites définies par les murs du ghetto.
Le projet de création de ghettos à l’extérieur du centre ville est abandonné au profit du ghetto nouvellement mis en place.
Durant l’été 1940, on assiste à un balet de charettes à porteur qui traversent la ville chargés des biens juifs qui déménagent vers le ghetto.

4 septembre 1940

Les porteurs juifs (artel) perdent leur licence.

En route vers le ghetto de Varsovie. En arrière plan l'actuel Institut Historique Juif © DSH - Dom Spotkań z Historią
En route vers le ghetto de Varsovie. En arrière plan l’actuel Institut Historique Juif
© DSH – Dom Spotkań z Historią

2 octobre 1940

Promulgation et diffusion publique dans les rues de Varsovie par Le Gouverneur de Varsovie Ludwig Fischer de la création du ghetto.
Le ghetto englobe un peu plus de 300 hectares. Il est ceint par un mur d’une hauteur variant de 3 à 4 mètres surmonté de barbelés et d’une longueur totale de 16 km.
La population polonaise résidant encore dans ce périmètre est tenue de quitter le ghetto avant le 16 octobre 1940.
Des journaux juifs et polonais publient des cartes avec les délimitations du ghetto.

Policiers allemand et juif à une porte du ghetto. Les juifs sont tenus de se décoiffer devant les allemands en signe de soumission.
Policiers allemand et juif à une porte du ghetto. Les juifs sont tenus de se décoiffer devant les allemands en signe de soumission. (Photo source inconnue)

14 octobre 1940

Proclamation par le Gouvernemeur de Varsovie de la création du ghetto.

Porte du ghetto au croisement de la rue Leszno et de la rue Zelazna
Porte du ghetto au croisement de la rue Leszno (aujourd’hui avenue Solidarności) et de la rue Żelazna.

Carte du ghetto de Varsovie.

16 novembre 1940

Les portes du ghetto sont définitivement bouclées. Des policiers polonais (bleus) en surveillent les abords extérieurs. Les policiers juifs du Service d’Ordre Juif (Jüdischer Ordnungsdienst) sont en charge de l’autorité dans tout le ghetto. Les entrées sont surveillées conjointement par des policiers polonais et juifs sous le commandement et la présence de la police militaire allemande. Il est impératif de disposer d’un laisser-passer pour sortir du ghetto.

Contrôle des papiers aux environs de la rue Gęsia. Des femmes se dirigent vers le cimetière juif de la rue Okopowa. Des gendarmes allemands et un policier polonais (bleu) effectuent le contrôle. (Photo source inconnue)
Contrôle des papiers aux environs de la rue Gęsia. Des femmes se dirigent vers le cimetière juif de la rue Okopowa. Des gendarmes allemands et un policier polonais (bleu) effectuent le contrôle. (Photo source inconnue)
L’établissement du ghetto de Varsovie et des autres ghettos en Europe répond selon les autorités allemandes à 3 impératifs : la protection de la Nation et de l’Armée Allemandes face aux risques d’épidémie, le contrôle de la domination intellectuelle et politique juives dans les territoires de l’est, la protection de l’économie allemande.

A sa fermeture, on recense 360 000 juifs dans le ghetto. 90 000 d’entre-eux sont issus des territoires annexés par le Reich et déportés vers le Gouvernement Général.
En janvier 1941, la population du ghetto atteint plus de 400 000 habitants pour atteindre plus de 460 000 à l’été 1941.

Le 10 novembre 1941, Le Gouverneur de Varsovie Ludwik Fischer fait afficher à travers la ville un avis sur lequel est noté que quiconque aidera un juif en dehors des murs du ghetto sera puni de la peine de mort. Dans la réalité, cette sentence était déjà appliquée depuis longtemps.

Toute personne qui aidera un juif sera punie de mort
Toute personne qui aidera un juif sera punie de mort
Le ghetto de Varsovie à la fin de la guerre. La partie nord - grand ghetto, a été rasée.
Le ghetto de Varsovie à la fin de la guerre. La partie nord – grand ghetto, a été rasée.