Les moines Studites et les juifs

Le sauvetage de juifs dans les monastères uniates

Klemens Szeptycki
Klemens Szeptycki (Sheptytskyi) (Cliquer pour agrandir) Photo Yad Vashem
En 1941, les parents d’Adam Daniel Rotfeld, qui avait alors 3 ans, décidèrent de le laisser sous la protection du père Klemens Szeptycki, qui était archimandrite (titre honorifique accordé dans les églises de rite byzantin, l’église orthodoxe arménienne et certaines églises catholiques orientales) au monastère grecque-catholique studite de Uniów dans la région de Peremychliany (Przemyślany), aujourd’hui en Ukraine.
Dehors, il y avait un chariot tiré par des chevaux. C’est la dernière fois que l’enfant vit son père et sa mère qui mourront deux ans plus tard. Le garçonnet et sa sœur âgée de 11 ans qui se cachaient dans les forêts furent les seuls membres de la famille à survivre à la guerre. Après une année passée au cloître, Adam Daniel fut baptisé et reçu un nouveau nom.
Il y avait un orphelinat au cloître où séjournaient d’autres enfants de diverses origines. Ils étaient pris en charge par le cloître après une décision entérinée par le métropolite de l’église grecque-catholique, Andrzej Szeptycki, qui appela tous les moines qui se trouvaient sous son autorité à cacher les orphelins juifs parmi les autres enfants polonais et ukrainiens. Les enfants étaient dispersés dans les différents monastères par le moine Marko Stek. Le métropolite était un homme sage et d’expérience. « Il voulait éviter les pogroms à l’encontre des juifs, mais également contre les polonais (répression des milices ukrainiennes à l’encontre des populations polonaises et juives) » relata Kurt Lewin, des années plus tard, l’un de ceux qui furent sauvés.
Grâce à l’aide du métropolite, les personnes ci-après, parmi d’autres, survécurent à la guerre : Lili Pohlmann et sa mère, Adam Daniel Rotfeld, la famille de Dawid Kahane, les 2 fils de Ezekiel Lewin dont ses fils Kurt Lewin, Natan Lewin, un rabbin de Lwów , 2 fils du grand rabbin de Katowice (dont le cardiologue Leon Chameides), la famille Podoszyn, mme Abraham et sa fille.
Les moines studites et les juifs
Les moines studites : à gauche Klemens Szeptycki, assis Andrzej Szeptycki (Cliquer pour agrandir) Photo Kancelaria Prezydenta RP / Muzeum Historii Żydów Polskich

Pour son courage durant la guerre, son martyre et sa mort, alors qu’il était entre les mains des agents du NKWD après la guerre, en 1951, Klemems Szeptycki fut déclaré bienheureux (personne béatifiée par l’église catholique) par le pape Jean Paul II.
Klemens Szeptycki fut archimandrite de l’ordre Studite de 1945 à 1951.
Andrey Sheptytsky (Andrzej Szeptycki) (1865-1944), qui fut à l’origine de la congrégation qui était régie par les règles monastiques de Théodore le Studite, fit recueillir des centaines de juifs dans sa résidence et dans les monastères gréco-catholiques. Il fit diffuser une lettre condamnant l’oppression nazie en Ukraine, ainsi que le massacre des juifs. En 1943, lors de la création de la division SS Galicie (Waffen-Grenadier-Division der SS Galizien), composée de 27 000 hommes d’origine ukrainienne, il effectua une bénédiction des troupes. C’est ce geste qui l’empêchera plus tard d’être reconnu comme Juste en Israël. Il fut reconnu vénérable par le pape François en 2015.
Après la guerre, Kurt Lewin aida Marko Stek à émigrer vers l’ouest.
En 1995, Klemens Szeptycki et Marko Stek furent honorés du titre de Juste parmi les Nations par Yad Vashem.

L’église grecque-catholique (églises catholiques orientales) aussi appelée uniate était très présente dans le sud-est de la Pologne actuelle dans les communautés Łemko et Bojko qui furent déportés par le gouvernement communiste polonais en 1947 vers l’Ukraine et d’autres régions de la Pologne lors de l’opération Wysła (Vistule). En 2002, le président Kwaśniewski reconnu la responsabilité de l’état polonais dans ces événements. A l’origine, les uniates sont issus de l’église orthodoxe (église de Byzance) qui se sépara de l’église catholique romaine en 1054. Les uniates revinrent en communion avec l’église catholique en 1596. Ils ont conservé depuis des rites orthodoxes.

Adam Daniel Rotfel

Adam Daniel Rotfeld
Adam Daniel Rotfeld lors d’une journée de nettoyage au cimetière juif de Varsovie (Cliquer pour agrandir) Photo Kuba Atys / Agencja Gazeta
Adam Daniel Rotfeld (1938-2005) est rapatrié en Pologne en 1951 où il est placé dans un orphelinat à Cracovie. Après des études à Varsovie et à Cracovie, il devint chercheur, enseignant à l’université et diplomate. Nommé sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères en 2001, il fut promu secrétaire d’État en 2003 sous le gouvernement social-démocrate de Leszek Miller. En 2005 il fut nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement social-démocrate Belka sous la mandature du président Kwaśniewski.
Toujours en 2005, lors de la vive polémique concernant la dénonciation par la Pologne de l’expression camps polonais, Adam Daniel Rotfeld souligna que cette expression énoncée de manière intentionnelle ou pas, tendait à « faire supporter la responsabilité dans la mise en place, l’organisation et les opérations dans les camps des allemands vers le peuple polonais ». Cette prise de position qui fut également partagée par l’ancien ambassadeur d’Israël en Pologne Shewach Weiss, l’American Jewish Committee, les gouvernements polonais et israélien, menèrent l’Unesco à renommer le camp d’Auschwitz comme Ancien camp de concentration de l’Allemagne nazie d’Auschwitz-Birkenau (Former Nazi German Concentration Camp Auschwitz-Birkenau).

Source Poles who rescued Jews during the Holocaust – Recalling Forgotten History et autres.