L’hôpital pour enfants Bersohn et Bauman de Varsovie

Création et ouverture de la structure de soins pour les enfants

Plan original de l'hôpital Bersohn et Bauman
Plan original de l’hôpital Bersohn et Bauman

L’hôpital juif pour enfants Bersohn et Bauman a été édifié entre mai 1876 et avril 1878 suite à un projet datant du début des années 1870 initié par le couple Majer et Chaja Bersohn et leurs fille et gendre Paulina et Salomon Bauman. Ce sont ces derniers qui firent l’acquisition en 1872 d’une parcelle située entre les rues Sienna et Śliska (Sienna 60 et Śliska 51).
Majer Bersohn était un industriel et financier juif de Varsovie, et aussi philanthrope. Il fit don de 50 000 roubles pour la construction de l’hôpital à travers sa fondation créée en 1872. Salomon et Paulina Bauman firent également don de 30 000 roubles. Malgré ces fonds importants, la somme nécessaire à la construction du futur hôpital n’était pas encore réunie, c’est la raison pour laquelle le bâtiment ne fut édifié que quelques années plus tard.

L'hôpital Bersohn et Bauman vu de la rue Śliska
L’hôpital Bersohn et Bauman vu de la rue Śliska. Gravure domaine public (Cliquer pour agrandir)

Le bâtiment fut construit sous la houlette de l’architecte Artur Goebel. Il s’agissait à l’origine d’une structure qui pouvait accueillir 27 enfants. Un témoignage du docteur en pédiatrie Julian Kramsztyk rapporte que l’hôpital était agencé à l’étage autour d’un couloir qui s’ouvrait sur 5 grandes salles chacune équipée de 5 lits et d’un autre plus grand pour le surveillant. Quatre de ces salles étaient dédiées aux enfants atteints de maladies ou ayant subi une opération, tandis que la cinquième salle était réservée aiux maladies infectieuses. Chaque salle possédait deux grandes fenêtres. Le rez-de-chaussée quant à lui abritait les locaux du personnel, une grande cuisine, une lingerie, un cellier et d’autres locaux logistiques. La salle d’attente, les salles de chirurgie, la pharmacie et d’autres salles se trouvaient également au rez-de-chaussé.
Le premier poste de médecin-chef de l’hôpital fut assuré dès 1878 par le médecin-chirurgien d’origine juive Ludwik Chwat (1831-1914), un médecin formé à Berlin et à Vienne et qui introduisit une nouvelle méthode d’anesthésie. Son successeur fut le docteur Szymon Portner, qui fut à son tour remplacé par le docteur Adolf Poznański qui officiat jusqu’en 1923.
Parmi le personnel médical se trouvaient également le pédiatre Ludwik Wolberg, le médecin en chef des maladies infectieuses Adolf Koral, l’opthalmologue Dawid Natanson, le médecin oto-laryngologue Zygmunt Srebrny. Entre 1905 et 1912, Janusz Korczak y exerça en tant que pédiatre et succéda au docteur Julian Kramsztyk.
Durant la période allant de 1871 à 1881, le dispensaire accueillit 20 000 enfants, un tiers étant des enfants non-juifs. Cependant, l’infrastructure se révéla rapidement limitée et Paulina Brauman fit l’acquisition d’une nouvelle parcelle qui était située au 51 de la rue Śliska.

Inauguration du pavillon d'ophtalmologie de l'hôpital Bersohn et Bauman en 1900
Inauguration du pavillon d’ophtalmologie de l’hôpital Bersohn et Bauman en 1900 (Cliquer pour agrandir)

On procéda en 1900 à l’ouverture d’un département d’ophtalmologie situé dans un nouveau pavillon donnant sur la rue Sienna et qui fut financé par la famille Dawidson.
En 1909, le bâtiment de l’hôpital fut modernisé avec l’installation de lavabos, de systèmes de ventilation, de nouvelles salles de chirurgie, le remplacement des fenêtres. Un pavillon fut également édifié cette année là du côté de la rue Śliska.
Durant la première guerre mondiale, l’hôpital fut transformé en lazaret, puis revint à sa fonction initiale cinq semaines plus tard.

L'hôpital Bersohn et Bauman durant l'entre-deux guerres, vu depuis la rue Sienna
L’hôpital Bersohn et Bauman durant l’entre-deux guerres, vu depuis la rue Sienna. Photo Narodowe Archiwum Cyfrowe (Cliquer pour agrandir)

L’hôpital pouvait alors accueillir 115 patients, mais la place manquait encore.

Suite à une situation financière difficile, due notamment au non renouvellement du financement de 100 lits par les autorités municipales, l’hôpital fut fermé en 1923. C’est grâce à l’intervention active du docteur Anna Braude-Heller que le bâtiment fut transféré de la Fondation Bersohn et Bauman vers la société des amis des enfants (Towarzystwo Przyjaciół Dzieci) et que l’hôpital rouvrit en 1930. Le bâtiment pu alors être remanié et agrandi avec l’aide de fonds provenant de la communauté juive de Varsovie et de l’American Jewish Joint Distribution Committee, travaux alors menés sous la direction de l’architecte Henryk Stiefleman.
La construction d’une extension du côté de la rue Sienna fut réalisée. Probablement, le bâtiment principal fut surélevé d’un étage et un escalier fut rajouté à l’édifice, ce qui lui donna cette forme semi-circulaire toujours visible aujourd’hui. Des fonds privés furent également collectés comme ceux de Rafał et Berta Szereszowski qui furent employés pour équiper l’hôpital d’une salle de radiologie de rayons X.

Le laboratoire d'analyse médicale en 1930
Le laboratoire d’analyse médicale en 1930. Source Narodowe Archiwum Cyfrowe (Cliquer pour agrandir)

Au côté du médecin-chef Anna Braude-Heller, l’équipe médicale se composait du docteur Feliks Sachs pour le service des maladies, du docteur Mieczysław Gantz pour pour le département Tuberculose, de la doctoresse Teodozja Goliborska en charge du laboratoire des analyses médicales, du docteur Maurycy Płońskier, en charge du laboratoire d’anatomie et de pathologie.

Élèves infirmières en 1935. Photo source Institut Historique Juif
Élèves infirmières en 1935. Photo source Institut Historique Juif (Cliquer pour agrandir)

Un centre de formation d’infirmières pédiatriques qui avait ouvert en 1928 dispensait une formation d’une durée de 2 ans.
Une antenne de soins maternels et infantiles, dirigée par la doctoresse Natalia Szpigelfogel-Lichtenbaumowa fut ouverte du côté de la rue Sienna.
La capacité de l’Hôpital Bersohn et Bauman fut augmentée pour atteindre 250 lits à la fin des années 1930.

Étudiantes de l'école d'infirmières et les docteurs de l'hôpital Bersohn et Bauman en 1934.
Étudiantes de l’école d’infirmières et les docteurs de l’hôpital Bersohn et Bauman en 1934. Premier rang de droite à gauche, Dr. Jadwiga Hufnagel-Majewska assistante du directeur du département pédiatrie, Henryk Kroszczor directeur administratif, Dr. Anna Braude-Heller (4ème en partant de la droite), directrice de l’hôpital. Source Institut Historique Juif (Cliquer pour agrandir)

Période de la guerre

Durant le siège et les bombardements de Varsovie de septembre 1939, le personnel médical et logistique fit son possible pour faire fonctionner l’hôpital malgré les coupures d’électricité, de téléphone et d’approvisionnement en eau.
Après l’arrivée des allemands dans la capitale, l’hôpital fut mis sous la direction de Wacław Konieczny, un docteur originaire de Inowrocław et désigné par l’occupant, une personne éduquée en Allemagne et germanophone. Face à la dégradation des conditions sanitaires au début de la guerre et à une épidémie de typhus, une quarantaine fut mise en place et aucun personnel médical ne put quitter l’hôpital durant six semaines. L’hôpital rouvrit en février 1940.
L’hôpital se retrouva confiné dans le petit ghetto en novembre 1940. Le personnel médical procéda, de manière confidentielle, à des recherches scientifiques sur l’impact et les maladies engendrées par la malnutrition. Par la suite, avec l’extension de l’épidémie de typhus dans le ghetto, une antenne fut ouverte en octobre 1941 au 80-82 de la rue Leszno. Durant l’été 1941, on dénombrait 4000 décès par mois dus au typhus. Le bâtiment de la rue Leszno n’était pas adapté pour recevoir une structure hospitalière mais le personnel fit tout son possible pour répondre aux attentes des patients du ghetto.
L’hôpital Bersohn et Bauman de la rue Sienna fut fermé le 10 août 1942 durant la période des grandes déportations de l’été et la liquidation du petit ghetto. Le personnel eut 24 heures pour liquider les lieux. Une partie du matériel put être transportée avec des moyens de fortune vers le bâtiment de la rue Leszno, mais les équipements de radiologie et le laboratoire médical ne purent être déplacés.
La structure fut transférée trois jours plus tard vers le bâtiment de l’ancienne école de la rue Stawki sur le site de Umschlagplatz. La structure de ce nouvel hôpital qui ne disposait en fait plus des infrastructures matérielles nécessaires fusionnât avec celui de l’hôpital juif de Czyste situé au 17 de la rue Dworska et qui était considéré jusqu’au début de la guerre comme l’un des plus modernes de la capitale. Des patients de l’hôpital de la rue Stawki furent également envoyés vers celui de la rue Leszno, les infrastructures étant surtout utilisées pour confiner les juifs du ghetto en attente de déportation vers Treblinka. Des médecins et du personnel soignants figuraient aussi parmi les déportés.
C’est vers la fin des grandes déportations qu’une partie du personnel et l’ensemble des malades, soit près d’un millier de personnes, furent déportés vers le camp d’extermination de Treblinka le 11 septembre 1942. Le médecin pédiatre Adina Blady-Szwajger administra une dose mortelle de morphine à un groupe d’enfants afin qu’ils échappent au voyage final en train.

Durant l’insurrection de Varsovie de 1944, le bâtiment fut utilisé comme hôpital pour les insurgés de l’Armia Krajowa (Armée de l’intérieur – AK) au sein du bataillon Chrobry III. Des enfants qui se trouvaient déjà pris en charge furent transférés vers le pavillon d’ophtalmologie. Dès la seconde journée des combats, 70 insurgés furent pris en charge.

L’hôpital jusqu’à aujourd’hui

Après la guerre, un pavillon du côté de la rue Śliska endommagé durant la guerre fut démoli. Le siège et les logements des personnels du Comité Central des juifs de Pologne furent installés dans l’ancien hôpital Bersohn et Bauman. Par la suite, la structure redevint affectée à sa destination médicale.

Personnel soignant de l'hôpital Bersohn et Bauman en 1975
Personnel soignant de l’hôpital Bersohn et Bauman en 1975. Photo Polish Press Agency/Jolanta Klejn (Cliquer pour agrandir)

L’hôpital fut modernisé entre 1988 et 1993 et s’appelait Hôpital Pédiatrique Public des Enfants de Varsovie (Państwowy Szpital Pediatryczny im. Dzieci Warszawy). Il abritait le service régional des maladies infectieuses infantiles.
Suite à son rattachement avec l’hôpital pour enfants de Dziekanów Leśny dès l’an 2000, les unités médicales furent peu à peu liquidées et son activité s’arrêta définitivement en 2004. Mis en vente par la région qui en était propriétaire, l’ancien hôpital ne trouva pas preneur. Le Ministère de la Culture et de l’Héritage National proposa de le louer pour 30 ans afin d’y créer le futur musée du ghetto de Varsovie.
Le bâtiment fut inscrit au registre des monuments en 2017.
Le 7 mars 2018, le premier ministre Mateusz Morawiecki et le ministre de la culture Piotr Gliński, décidèrent de la création d’un musée du ghetto de Varsovie dans les locaux de l’ancien hôpital. Son ouverture est prévue en 2023. La future structure du musée a été confiée à Albert Stankowski, un ancien membre du Musée de l’Histoire des Juifs Polonais POLIN. Des études sont en cours concernant l’élaboration de la future exposition qui sera mise en place.

Epilogue

Hôpital Bersohn et Bauman durant la période du ghetto
Hôpital Bersohn et Bauman durant la période du ghetto (Cliquer pour agrandir)

Une partie des études scientifiques qui avaient été menées durant la période du ghetto et qui furent exfiltrées du côté aryen, furent éditées par Emil Apfelbaum sous le titre Maladie de la faim. Recherches cliniques sur la malnutrition réalisées dans le ghetto de Varsovie en 1942 (Choroba głodowa. Badania kliniczne nad głodem wykonane w getcie warszawskim w roku 1942).

L’antenne médicale de la rue Leszno (80/82) mise en place en 1941 se trouvait dans l’immeuble qui abritait le département du travail et des statistiques du Conseil Juif (Wydział Pracy i Wydział Statystyczny Rady Żydowskiej), actuellement à l’angle de la rue Żelazna et de l’avenue Solidarności. Suite au redécoupage du ghetto, une passerelle en bois fut temporairement édifiée pour accéder au bâtiment voisin numéro 64 qui se trouvait de l’autre côté de la rue Żelazna. L’ancien bâtiment de la rue Leszno fut démoli en 1962.

L’ancien hôpital juif de Czyste abrite aujourd’hui l’hôpital Wolski – Docteur Anna Gostyńska.

Le médecin pédiatre Adina Blady-Szwajger (1917-1993) passa en zone aryenne en janvier 1943 et rejoignit l’Organisation Juive de Combat comme agent de liaison pour Marek Edelman. Elle participa à l’insurrection de Varsovie de 1944 comme personnel médical puis après la guerre auprès du comité central des juifs de Pologne en tant que pédiatre.

Plaque à la mémoire de Anna Braude-Heller
Plaque à la mémoire de Anna Braude-Heller (Cliquer pour agrandir)

Parmi le personnel médical qui survécut à la guerre, on trouve le médecin et pédagogue d’origine juive Anna Margolis (1892-1957), Marek Edelman (1919-2009) qui travailla à la structure de la rue Stawki, le médecin pédiatre Hanna Hirszfeldowa (1884-1964), le médecin d’origine juive qui dirigeait le laboratoire de l’hôpital Bersohn et Bauman Teodozja Goliborska-Gołąb (1899-1992).
Une plaque à la mémoire de Anna Braude-Heller, apposée sur la façade de l’hôpital, fut dévoilée en 2001.

L'hôpital Bersohn et Bauman depuis la rue Śliska en 2019
L’hôpital Bersohn et Bauman depuis la rue Śliska en 2019 (Cliquer pour agrandir)

Docteur Anna Braude-Heller

Anna Braude-Heller
Anna Braude-Heller. Source Institut Historique Juif (Cliquer pour agrandir)

Anna Braude-Heller naquit en 1888 à Varsovie dans une famille juive, son père Aryeh Lejb Broddo était un commerçant. Elle suivit des études à Varsovie à l’école Fryderyka Thalgrün, et termina d’étudier jusqu’au bac en suivant des cours privés. En 1906 elle partit pour Genève où elle suivit des études en sciences sociales puis à Zurich où elle étudia la médecine. C’est à Berlin qu’elle obtint son diplôme de docteur en 1912 puis en URSS qu’elle poursuivit des études pour se spécialiser en pédiatrie et elle commença à pratiquer la médecine dans les campagnes russes avant de revenir en Pologne. Elle commença alors à travailler à l’hôpital juif de Czyste et un an plus tard, en 1913, à l’hôpital Bersohn et Bauman. Parallèlement, depuis son passage en Suisse, elle avait adhéré au mouvement socialiste antisioniste du Bund et elle s’engagea dans des actions sociales. Elle se maria en 1916 avec Eliezer Heller, un ingénieur avec qui elle eut deux enfants. Elle fut cette même année l’une des co-fondatrices de l’association des amis des enfants (Towarzystwo Przyjaciół Dzieci – TPD), et elle fut aussi l’initiatrice en 1919 de la création d’une école d’infirmières pédiatriques. Elle coopéra également au sanatorium Włodzimierz Medem situé à Międzeszyn dans la banlieue sud-est de Varsovie. Elle travailla aussi comme médecin généraliste dans une maison de protection de la mère et de l’enfant ainsi qu’au sein de l’école CISZO (Centrale Jidisze Szul Organizacje). Suite à la fermeture de l’hôpital Bersohn et Bauman en 1923, elle en fit l’acquisition par l’intermédiaire de l’association TPD et engagea des travaux et des modernisations des équipements jusqu’à la réouverture de la structure en 1930.

Anna Braude-Heller avec un jeune enfant dans l'hôpital Bersohn et Bauman durant la période du ghetto en 1942
Anna Braude-Heller avec un jeune enfant dans l’hôpital Bersohn et Bauman durant la période du ghetto en 1942. Source Emil Apfelbaum (Cliquer pour agrandir)

Durant la guerre, elle continua à s’occuper des enfants malades et entama des recherches médicales sur l’impact de la malnutrition sur les patients du ghetto. Durant cette période, elle était la présidente du comité de santé du Judenrat. Elle organisa dès 1941, lors de l’épidémie de typhus, la nouvelle structure de l’hôpital qui était situé dans la rue Leszno dans le grand ghetto. En août 1941, après le déplacement de l’hôpital de la rue Leszno vers le bâtiment de la rue Stawki sur le site de l’Umschlagplatz, elle continua à aider les malades malgré les conditions sanitaires et matérielles désastreuses. Elle déclina des offres de passage vers la zone aryenne afin de rester au contact de ses patients. De septembre 1942 à avril 1943, elle s’occupa de l’hôpital pour enfants du numéro 6 de la rue Gęsia. Anna Braude-Heller mourut le premier jour de l’insurrection du ghetto le 19 avril 1943, dans le bunker (sous-sols aménagés) de ce même hôpital de la rue Gęsia, avec d’autres patients.
Le médecin Anna Braude-Heller dirigea l’hôpital Bersohn et Bauman de 1930 à 1942.
La photo ci-dessus est extraite du livre édité par Emil Apfelbaum et qui présente les études médicales réalisées à l’hôpital Bersohn et Bauman sur les patients du ghetto durant la guerre

Plaque à la mémoire du docteur Anna Braude-Heller sur la façade de l'hôpital Bersohn et Bauman de Varsovie
Plaque à la mémoire du docteur Anna Braude-Heller sur la façade de l’hôpital Bersohn et Bauman de Varsovie (Cliquer pour agrandir)

Etude clinique des effets de la sous-nutrition dans le ghetto

Hunger Disease (Current concepts in nutrition, vol. 7) Myron Winick. Published by Wiley (1979)
Hunger Disease (Current concepts in nutrition, vol. 7) Myron Winick. Published by Wiley (1979)

Une traduction anglaise réalisée par le docteur Myron Winick a été éditée en 1979 à partir du manuscrit concernant l’étude qui avait été menée à l’intérieur du ghetto par le personnel soignant.
Hunger Disease: Studies by the Jewish Physicians in the Warsaw Ghetto (Current concepts in nutrition) – Topics include: clinical changes in adults and children, metabolic adaptations, circulatory changes, changes in the eye and in vision, changes in the blood and bone marrow, and pathologic anatomy.
Le livre de 276 pages a été publié par les éditions John Wiley & Sons Inc, 1979. ISBN: 9780471050032

Autres liens

Lien1 et lien2 vers Marian Apfelbaum, fils de Emil Apfelbaum cité dans l’article, sauvé du ghetto grâce à l’action du mouvement d’aide aux Juifs Żegota.

La maisonnette des poupées

La maison de Abram Szajnberg

Dom dla Lalek, la maisonnette des poupées. Noter la grande cheminée
Dom dla Lalek, la maisonnette des poupées. Noter la grande cheminée (Cliquer pour agrandir)
Les arrière-cours de la capitale recèlent parfois de petites curiosités qui méritent le détour.
Dans une arrière cour de Varsovie, au numéro 70 de la rue Hoża, se trouve un petit immeuble atypique qui avait été surnommé autrefois par les habitants du quartier, La maisonnette des Poupées (domek dla lalek). La maison était aussi parfois surnommée le chalet de bébé (domek baby jagi).
Ce bâtiment avait été édifié en 1895, à l’origine pour le compte de Abram Szajnberg. Il avait été construit au fond d’une arrière cour, contre l’immeuble numéro 65 de la rue Wspólna voisine. Il arrivait souvent que des remises, des entrepôts, des ateliers soient construits dans ces endroits, mais une maisonnette c’était beaucoup moins fréquent.
Le petit immeuble qui a survécu à la guerre possède un étage et un grenier.
Annuaire 1938-1939 , Majewski Hipolit
Annuaire 1938-1939 , Majewski Hipolit (Cliquer pour agrandir)
Entre 1910 et 1937 une entreprise s’était établie là. C’était une petite manufacture de colorants chimiques qui appartenait à un riche marchand du nom de Hipolit Majewski, et qui produisait du savon, des produits cosmétiques et qui procédait également à la teinture de vêtements en laine.
Comme l’édifice était inséré au milieu de grands immeubles, le conduit de la cheminée avait dû être édifiée très haut, jusqu’à la hauteur de l’immeuble voisin, afin que les fumées ne puissent pas envahir l’arrière cour.
Le bâtiment appartient aujourd’hui à la ville et est occupé par un cabinet d’avocats.
La maison Abram Szajnberg - Hoża 70, Varsovie
La maison Abram Szajnberg – Hoża 70, Varsovie (Cliquer pour agrandir)

Malheureusement, il est difficile d’y accéder car l’accès à la cour est contrôlé par interphone, comme presque toutes les arrières-cours de Varsovie, il faut donc attendre qu’un habitant des immeubles entre ou il arrive parfois que la porte cochère soit restée ouverte.
Hoża 70, la maison des poupées
Hoża 70, la maison des poupées (Cliquer pour agrandir)

La halle Gościnny Dwór

Un haut lieu du commerce des juifs

Le quartier autour de la place Żelazna Brama (la porte de fer), un grand espace situé à l’ouest du jardin du palais de Saxe, fut jusqu’à la seconde guerre mondiale, un haut lieu de commerce et de marché, qu’il était devenu depuis le XVIIème siècle. On y édifiât au XIXème siècle, une superbe halle marchande où de très nombreux juifs possédaient encore à l’entrée en guerre, des boutiques ainsi que des magasins et des entreprises dans les rues avoisinantes. En fait, le quartier autour de la halle était très majoritairement habité par une population juive, comme l’illustre la liste des abonnés du téléphone daté de 1938-1939.
Le quartier de la porte de fer s’inscrivait dans la prolongation de la présence des juifs entre le quartier nord de Muranów, le grand quartier juif de Varsovie, situé autour de la rue Nalewki et l’autre concentration juive localisée un peu plus au sud, autour de la place Grzybowski. La présence des juifs ici remontait à une période où ils commencèrent à s’installer dans les villages de Grzybów (future place Grzybowski) et de Wielopole (futur quartier de la porte de fer), c’est à dire à partir du XVIIème siècle.

Une grande halle pour dynamiser le commerce

La grand halle Gościnny Dwór fut édifiée en 1841 d’après un projet architectural réalisé par Jan Jakub Gay (1801-1849) et Alfons Kropiwnicki (1803-1881). Elle fut érigée à l’endroit appelé la porte de fer.

La halle Gościnny Dwór vue par Józef Pankiewicz 1888 - Au premier plan un couple de marchands de légumes juif. Au second plan un marchand juif en tablier, en arrière plan un juif près d'une boucherie.
La halle Gościnny Dwór vue par Józef Pankiewicz 1888 – Au premier plan un couple de marchands de légumes juif. Au second plan un marchand juif en tablier, en arrière plan un juif près d’une boucherie. (Cliquer pour agrandir)

Le nom du bâtiment s’inspirait des noms qui étaient donnés alors en Russie pour de nombreux édifices commerciaux comme la galerie marchande Gostiny Dvor construite sur la perspective Nevski à Saint Petersbourg et édifiée sous la houlette de l’architecte français Jean-Baptiste-Michel Vallin de La Mothe ou celui de Hostynnyi Dvir à Kiev.

Varsovie était alors sous la domination russe et le commerce avec l’empire tsariste se développa tout au long du XIXème siècle et s’accentua avec l’arrivée du chemin de fer et l’édification de gares dans les quartiers est de Varsovie (Praga) à destination de Moscou, de Saint Petersbourg, de Kiev. Le commerce des animaux en provenance de l’est se concentrait essentiellement dans le marché à bestiaux et la foire aux chevaux qui étaient localisés dans le secteur de la rue Brukowa (actuelle rue Okrzei) dans le quartier de Praga. Les marchandises arrivaient dans les gares Peterburski (emplacement de l’actuelle gare Wileńska) et Terespol (emplacement de l’actuelle gare de l’est – Warszawa Wschodnia) du quartier de Praga et dans la gare de marchandises, située près de la gare Kowelski (aujourd’hui gare de Gdańsk), et dont une section fut utilisée pour la déportation des juifs de Varsovie durant la guerre (Umschlagplatz). Des dépôts de marchandises existaient également à côté de la gare Wiedeński (gare de Vienne) en centre ville (emplacement de l’actuelle gare centrale Warszawa Centralna). Le commerce avec l’est et la Russie était alors très actif et florissant durant tout ce XIXème siècle jusqu’à la révolution russe de 1917 et la période de la guerre russo-polonaise (1919-1921) avec la bataille de Varsovie qui mit fin à l’avancé bolchevique vers l’ouest. Le commerce des juifs avec l’est était alors très actif jusqu’à ces événements de première moitié de XXème siècle.

L’édification de la halle

La construction de cette halle avait pour but de dynamiser le commerce dans ce secteur de la ville.

Le marché de la place Żelazna Brama d'après F. Sypniewski.  Un porteur juif à droite
Le marché de la place Żelazna Brama d’après F. Sypniewski. Un porteur juif à droite (Cliquer pour agrandir)
Un marché existait déjà depuis 1829 sur la place de la porte de fer, marché que l’on appelait Wielopole, du nom du village qui autrefois se trouvait là. Cet espace était également appelé Targowica (Targ – Marché). Les échoppes et les étals de ce marché furent détruits en 1841 suite à un incendie.
Dès le XVIIIème siècle, de nombreux juifs s’étaient installés autour de cette place qui faisait déjà office de place de marché.
Plan de Varsovie autour de la place de Fer - Żelazna Brama. 1829
Plan de Varsovie autour de la place de Fer – Żelazna Brama. 1829 (Cliquer pour agrandir)

Le projet décrivait l’édification du bâtiment et le pavement de la place. Les fonds publics n’étant pas suffisants pour financer la réalisation des travaux, on fit appel à des investisseurs privés qui sélectionnèrent le projet des architectes Gay et Kropiwnicki.
La place de la porte de fer (Żelazna Brama) d'après Canaletto - 1779. A gauche le palais Lubomirski. Au seond plan, des échoppes. Au fond la porte de fer qui ouvre l'accès vers le jardin de Saxe.
La place de la porte de fer (Żelazna Brama) d’après Canaletto – 1779. A gauche le palais Lubomirski. Au second plan, des échoppes. Au fond la porte de fer qui ouvre l’accès vers le jardin de Saxe. (Cliquer pour agrandir)
La place de la porte de fer, Żelazna Brama, portait ce nom à cause de l’édifice en forme d’arc de triomphe qui s’ouvrait sur le jardin de Saxe mitoyen, dans l’axe qui menait vers le palais de Saxe. Cette porte fut démolie en 1818.
La place Targowica s’étendait jusqu’aux bâtiments des écuries de la couronne, devenus caserne Wielopolski (et également appelés caserne Mirowski), qui furent démolis puis remplacés au début du XXème siècle par les deux halles Mirowski (hale Miroswskie).
Le marché de la place Żelazna Brama en 1894.  L'entrée du jardin e Saxe en arrière plan
Le marché de la place Żelazna Brama en 1894.
L’entrée du jardin e Saxe en arrière plan (Cliquer pour agrandir)
Le contrat fut signé en avril 1841 entre le général Józef Rautenstrauch et les architectes après que le conseil d’administration eut approuvé l’autorisation du général, qui était en charge des infrastructures d’adduction d’eaux à Varsovie, de réaliser le projet.
La construction de la halle fut terminée en octobre 1841.
Halle Gościnny Dwór d'après une maquette réalisée par  l'association Park Miniatur
Halle Gościnny Dwór d’après une maquette réalisée par l’association Park Miniatur (Cliquer pour agrandir)
Son architecture tout à fait unique en faisait un bâtiment très caractéristique à Varsovie. La halle possédait une forme triangulaire avec des coins arrondis. Il s’agissait d’une construction en briques qui était entourée à l’intérieur comme à l’extérieur d’une série d’arcades métalliques finement dessinées et de colonnes en fonte, une technique novatrice pour l’époque et alors réservée pour des petites architectures.
Perspective de la place Żelazna Brama. Le palais Lubomirski à gauche, la halle Gościnny Dwór à droite. Le jardin de Saxe au fond
Perspective de la place Żelazna Brama. Le palais Lubomirski à gauche, la halle Gościnny Dwór à droite. Le jardin de Saxe au fond (Cliquer pour agrandir)
Topologie autour de la place Żelazna Brama. En jaune, les localisations des synagogue, maisons de prières, écoles religieuses sur une période allant de la première moitié du XIXème siècle à l'entre-deux guerres. Au centre la halle Gościnny Dwór
Topologie autour de la place Żelazna Brama. En jaune, les localisations des synagogue, maisons de prières, écoles religieuses sur une période allant de la première moitié du XIXème siècle à l’entre-deux guerres. Au centre la halle Gościnny Dwór (Cliquer pour agrandir)
La partie intérieure possédait une grande cour dans laquelle se trouvait un second bâtiment plus petit qui reprenait la forme de la halle. Il s’agissait alors de la plus grande halle de Varsovie.
Entrée principale de la halle Gościnny Dwór
Entrée principale de la halle Gościnny Dwór (Cliquer pour agrandir)
Le portail principal de la halle, surmonté d’un panneau Gościnny Dwór, était orienté au nord, face au palais Lubomirski. Au dessus cette entrée s’élevait une statue représentant le dieu Mercure, bras levé tenant un caducée, entre autres dieu du commerce dans la mythologie romaine. Il pivotait, indiquant la direction du vent.
Dans le bâtiment avaient été aménagées 168 boutiques et autant de stands du côté intérieur. Les investisseurs qui avaient financé la construction de l’édifice reçurent l’autorisation de procéder à la facturation auprès des marchands pour la location des boutiques durant une période de 25 ans. C’est en 1867 que le bâtiment devint propriété de la ville. Dans les années 1880, on construisit dans la cour centrale une cave destinée à recevoir les entrepôts des magasins.
Le marché de la place  Żelazna Brama avec un public à forte proportion juive. La halle Gościnny Dwór au second plan à gauche
Le marché de la place Żelazna Brama avec un public à forte proportion juive. La halle Gościnny Dwór au second plan à gauche (Cliquer pour agrandir)
Nombre de marchandises provenaient alors de Russie. Se trouvaient là également de nombreux marchands russes.
Les magasins de la halle étaient organisés par activité, céréales, cuir, tissus, robes, produits d’alimentations, verre, porcelaine, chaussures, caftans, merceries, fleurs… Beaucoup de juifs possédaient des boutiques dans la halle, ils vendaient leurs marchandises également sur la place avec des produits laitiers, des canards, des poules, des légumes, du poisson. Le marché fonctionnait jusqu’à midi.
Sur la place de la porte de fer régnait une activité intense et les juifs étaient majoritaires dans le commerce. Les populations locales s’y rendaient et celle de Varsovie s’y donnait rendez-vous les vendredis matin, le jour de plus forte activité et d’affluence car le lendemain les échoppes et étals juifs étaient fermés pour cause de shabbat. La communication vers la halle et la place Żelazna Brama fut facilitée avec la construction du tramway à cheval en 1881 et son électrification en 1909.
Vue aérienne de la place et du quartier autour de Żelazna Brama durant l'entre-deux guerres
Vue aérienne de la place et du quartier autour de Żelazna Brama durant l’entre-deux guerres (Cliquer pour agrandir)
La halle Gościnny Dwór était voisine d’un autre bâtiment commercial édifié en 1884, le bazar Janasz (bazar Janasza), initialement conçu comme une grande poissonnerie. Ce bazar était administré par Daniel Janasz à l’entrée en guerre.
Marchand juif à Żelazna Brama
Marchand juif à Żelazna Brama (Cliquer pour agrandir) Photo Narodowe Archiwum Cyfrowe
Il régnait les jours de marché une activité extrêmement dense et bruyante dans et autour de la halle ainsi que dans les rues adjacentes qui devenaient alors noires de monde. Le palais Lubomirski en face de l’entrée de la halle accueillait également de nombreux étals les jours d’activité. A l’intérieur, on y célébrait des mariages juifs dans la synagogue qui se trouvait à l’étage.
Un vieux juif fume la pipe, appuyé contre une colonne des arcades de la halle Gościnny Dwór
Un vieux juif fume la pipe, appuyé contre une colonne des arcades de la halle Gościnny Dwór (Cliquer pour agrandir)
La halle était également dénommée Wielopole. Elle s’inscrivait dans une tradition de commerce et d’échanges entre l’hétéroclisme d’un bazar et l’organisation d’une halle marchande.
En 1916, la cour de la halle fut recouverte d’une grande verrière à architecture bois soutenue par 42 piliers et le bâtiment intérieur fut démantelé. La cour fut recouverte d’asphalte et on aménagea 232 nouveaux étals.
L’activité était toujours tout aussi soutenue les jours de marché. A l’entrée en guerre, autour de la halle, dans la rue Rynkowa avec le bazar Janasza et la rue Skórzana, pratiquement tous les abonnés au téléphone qui étaient répertoriés étaient juifs. Côté activités commerciales, se distinguaient notamment les importateurs et vendeurs de harengs, les fabriques et boutiques de vente de laitage, les magasins de vente d’œufs, les magasins de vente de produits exotiques et de fruits secs, les ateliers et vente de porcelaines, faïences, des vitriers, les merceries et vente de nécessaires de couture.
Scènes de rue autour de la place Żelazna Brama. Photo du centre, derrière les garçons, la halle Gościnny Dwór
Scènes de rue autour de la place Żelazna Brama. Photo du centre, derrière les garçons, la halle Gościnny Dwór (Cliquer pour grandir)

Destruction et disparition de la halle

Suite aux bombardements allemands sur Varsovie de septembre 1939, la halle fut totalement détruite par un incendie. Les immeubles situés autour de la place et de la halle furent également lourdement touchés par les destructions.

Vue de la place Żelazna Brama vers 1940. Les ruines de la halle ont été déblayées. Le mur du ghetto n'a pas encore été édifié. A gauche le bazar Janasz et la halle Mirowski. Le palais Lubomirski en ruines. A droite, une partie des immeubles de la rue Skórzana en ruines ainsi que ceux de la rue Rynkowa en bas à gauche
Vue de la place Żelazna Brama vers 1940. Les ruines de la halle ont été déblayées. Le mur du ghetto n’a pas encore été édifié. A gauche le bazar Janasz et la halle Mirowski. Le palais Lubomirski en ruines. A droite, une partie des immeubles de la rue Skórzana en ruines ainsi que ceux de la rue Rynkowa en bas à gauche (Cliquer pour agrandir)
Un soldat allemand fouille avec un bâton dans les ruines de la halle. En arrière plan, les immeubles en ruines de la rue Skórzana
Un soldat allemand fouille avec un bâton dans les ruines de la halle. En arrière plan, les immeubles en ruines de la rue Skórzana (Cliquer pour agrandir)
Le marché continua à se tenir sur la place à côté des ruines de la halle qui furent déblayées courant 1940. Alors que le ghetto n’était pas encore bouclé, les juifs qui étaient déjà tenus de porter le brassard à l’étoile de David et les polonais continuaient à échanger et vendre des affaires autour des ruines de la halle (photo du haut) mais l’intense activité d’avant guerre était définitivement terminée.
En novembre 1940, le mur du ghetto fut édifié et le secteur de l’ancienne halle fut inséré dans le petit ghetto jusqu’en novembre 1941. Le marché se poursuivit sur la place, mais à petite échelle à cause de l’absence des juifs et des difficultés liées à la période de la guerre. Les photos disponibles de cette époque ont été essentiellement prises par des soldats allemands. En 1944, tous les bâtiments autour de la place furent détruits ou incendiés lors de l’insurrection de 1944.
> Présentation du mémorial du mur du ghetto de la place Żelazna Brama.
Des soldats allemands traversent la rue Rynkowa et passent devant les ruines de la halle Gościnny Dwór et se dirigent vers la place Grzybowski. Au fond le palais Lubomirski en ruines.
Des soldats allemands traversent la rue Rynkowa et passent devant les ruines de la halle Gościnny Dwór et se dirigent vers la place Grzybowski. Au fond le palais Lubomirski en ruines. (Cliquer pour agrandir)

Le nouveau quartier d’immeubles appelé Żelazna Brama (la porte de fer) a été édifié en 1965 sur les ruines de la halle et de l’ancien quartier d’avant guerre. Il n’existe plus de marché sur l’actuelle place, seules les halles Mirowski ont perpétué les activités commerçantes. En 1970, le palais Lubomirski fut pivoté de 74 degrés afin de se retrouver dans l’axe du jardin de Saxe et des halles Mirowski. Son élévation sud repose aujourd’hui sur les fondations de l’ancienne entrée principale de la halle Gościnny Dwór.
Perspective de la halle Gościnny Dwór fin XIXème/début XXème siècle. A gauche la rue Rynkowa, à droite la rue Skórzana
Perspective de la halle Gościnny Dwór fin XIXème/début XXème siècle. A gauche la rue Rynkowa, à droite la rue Skórzana (Cliquer pour agrandir)
La topologie historique de ce quartier emblématique et historique de la capitale a été complètement bouleversée avec la guerre et la reconstruction qui a suivi. Des rues ont disparues et il est bien difficile aujourd’hui de s’imaginer ce que pouvait être l’ambiance et la vie qui animaient autrefois cet espace de Varsovie.

Les synagogues et écoles juives autour de la halle

(Localisation voir plan plus haut)
Une école religieuse appelée Tora Wodaat se tenait au numéro 1 de la rue Rynkowa dès le début des années 1930. Elle comportait 5 classes de garçons. L’enseignement s’effectuait en polonais et en hébreu. Il y avait 9 professeurs et 121 élèves.
Une synagogue établie par Chaim Gerszon Halle se tenait au 5 de la rue Rynkowa. Elle était présente déjà avant la construction de la halle Gościnny Dwór. Elle était appelée la synagogue de la porte de fer. Elle fut ouverte en septembre 1840.
Au début des années 1930, une école religieuse se trouvait en face au numéro 6 de la rue Skórzana et comportait une classe de garçons où l’on enseignait en polonais, en hébreu et en yiddish. Elle avait 2 professeurs et 25 élèves. Se trouvait également une école générale de l’association des enseignants.
Une synagogue en bois appelée synagogue Nowakowski s’élevait dans une arrière cour adjacente au jardin de Saxe, en direction de la rue Graniczna. Edifiée vers 1811 elle fut démolie après 1824.
A l’entrée en guerre, le rabbin Ostrowiekcki Chil habitait au 8 de la rue Skórzana.
A proximité de la place Żelazna Brama, au milieu du XIXème siècle était inventoriée une maison de prières orthodoxe au 1/3 de la rue Przechodnia. Elle fut fort probablement ouverte par le banquier Cwi Hersz Wawelberg. Elle fut transformée en 1875 en une petite synagogue par un enseignant dénommé H. Muszkat et où officiait Moshe Perlo, un juif originaire de Łomża. Elle était probablement installée dans une arrière-cour. La limite du ghetto longeait le lieu en 1940.
Au 4 de la rue Ptasia se trouvait une maison de prières établie certainement avant 1813 et qui fut active de manière intermittente.

Les abonnés du téléphone autour de la halle Gościnny Dwór

Une analyse de l’annuaire d’avant guerre nous donne un aperçu de la population qui vivait dans le secteur de la halle Gościnny Dwór et de la place Żelazna Brama. L’immense majorité des commerçants et des entreprises étaient juifs.
Visualiser la liste des abonnés du téléphone de la rue Skórzana.
Visualiser la liste des abonnées du téléphone de la rue Rynkowa.
Visualiser la liste des abonnées du téléphone de la place Żelazna Brama.

La place Żelazna Brama aujourd’hui

Hormis les halles Mirowski et le palais Lubomirski qui a été pivoté de son emplacement initial, il ne reste quasiment rien de la topologie d’avant guerre de tout ce quartier. Cela donne une idée des destructions de la guerre à Varsovie. Comparer cette photo avec la vue aérienne d’avant guerres présentée plus haut.

Vue actuelle de la place Żelazna Brama
Vue actuelle de la place Żelazna Brama (Cliquer pour agrandir)

> Visite virtuelle de la place Żelazna Brama.

Place Żelazna Brama à Varsovie

Vue de l’ancienne place Żelazna Brama (Porte de fer) en 1902.

La place Żelazna Brama en 1902
La place Żelazna Brama en 1902 (Cliquer pour agrandir)

Ce secteur a été complètement bouleversé et reconstruit après la guerre, il était situé au bout du jardin de Saxe, et les rues avoisinantes étaient surtout habitées par des juifs.
Le quartier fut fortement endommagé par les bombardements allemands de septembre 1939. La magnifique halle marchande Gościnny Dwór, où se trouvaient de nombreuses boutiques juives, et dont on aperçoit juste un bout de trottoir sur la droite, fut pulvérisée par les bombes.
Au premier plan, plusieurs juifs, à droite la maison du 12 de la rue Skorzana, rue aujourd’hui disparue. Sur la gauche des maisons situées rue Żabia, une rue également disparue, et derrière, les arbres du jardin de Saxe (Ogród Saski).
Il s’agissait donc d’une zone très commerçante où s’affairaient juifs et polonais le long des étals et des boutiques des halles Mirowski, du bazar Janasza, de la halle Gościnny Dwór et des étals du palais Lubomirski.
A cet endroit se dresse toujours la place Żelazna Brama où s’élève en son centre le monument dédié au patriote Tadeusz Kościuszko. La photo actuelle a été prise juste devant l’entrée du palais Lubomirski.

La place Żelazna Brama
La place Żelazna Brama d’après un tableau de Canaletto (Cliquer pour agrandir)

Vue de la place Żelazna Brama et du monument de la porte de fer au XVIIIème siècle d’après un tableau de Bernardo Bellotto dit Canaletto, et où on retrouve la maison (blanche à droite) encore présente au début du XXème siècle. A gauche le palais Lubomirski avec son architecture originale.

Le palais a été pivoté de 74° en 1970.

Vue aérienne datant de 1935 de la place Żelazna Brama
Vue aérienne datant de 1935 de la place Żelazna Brama (Cliquer pour agrandir)

Vue aérienne du secteur de la place de la Porte de fer en 1935. En jaune la direction de la prise de vue de la photo 1/3. En rouge la maison de la rue Skorzana, en vert les bâtiments aujourd’hui visibles.

 

Ancienne banque Wilhem Landau

Découverte de l’immeuble du 38 de la rue Senatorska

L’immeuble de style Art Nouveau qui abritait le siège de la banque Wilhem Landau a été édifié sous la houlette des architectes Stanisław Grochowicz et Gustaw Landau-Gutenteger (un architecte juif très talentueux qui réalisa également le siège de la banque Landau de Łódź ainsi que de nombreux autres immeubles de cete ville) entre 1904 et 1906. La banque, alors dirigée par les successeurs de Wilhem Landau (un banquier établi à Varsovie depuis le milieu du XIXème siècle et décédé en 1899), était l’une des plus importantes banques de la capitale. Elle fut liquidée en 1925 et le bâtiment devint propriété de la banque industrielle polonaise qui elle-même fut liquidée après le crack boursier de 1929. Dès le déclenchement de la guerre en septembre 1939, l’immeuble abrita un hôpital des chevaliers de l’ordre de Malte. Après la guerre, le lieu devint le centre de la propagande du parti communiste, c’est à cette époque que la grande coupole qui avait survécu à la guerre fut démolie. Néanmoins, l’immeuble conserva son aspect original. L’institut français siégea là dans les années 1990 et aujourd’hui c’est l’association Parc Miniature de la région de Mazovie qui expose ses superbes maquettes des bâtiments et monuments emblématiques disparus de la ville de Varsovie.

L'immeuble de l'ancienne banque Wilhem Landau
L’immeuble de l’ancienne banque Wilhem Landau à Varsovie (Cliquer pour agrandir)

L’immeuble offrait des solutions techniques modernes pour l’époque comme le chauffage central, la plomberie, la climatisation, une installation électrique et l’approvisionnement en gaz. Sous la coupole qui laissait passer la lumière se trouvait une grande verrière ornée de vitraux et en son centre dotée d’une horloge. Le sol de l’ancienne salle d’accueil de la clientèle est toujours décoré avec les faïences d’origine qui représentent des feuilles d’érable. La salle des coffres avec ses portes blindées est toujours visible.

La grande synagogue de la place Tłomackie se trouvait à une cinquantaine de mètres de là.
Découvrir le site web de l’Association Park Miniatur de la région de Mazovie.

La crypte des victimes militaires du massacre de Katyń

Des officiers juifs parmi les victimes

La crypte dédiée à la mémoire des victimes du massacre de Katyń avec les noms des officiers et sous-officiers polonais assassinés, dont des militaires juifs, est située dans l’église de la très Sainte Vierge Marie Reine de Pologne, rue Długa à Varsovie.

Crypte dédiée aux victimes militaires du massacre de Katyń
Crypte dédiée aux victimes militaires du massacre de Katyń (Cliquer pour agrandir)

Ce n’est qu’en 1990 que les autorités russes (URSS), à l’instigation de Mikhaïl Gorbatchev, reconnurent leur responsabilité dans le massacre de Katyń perpétré par le NKVD (police politique) durant le printemps 1940 en territoire russe, massacre qui fut longtemps attribué aux allemands qui découvrirent les charniers après l’opération Barbarossa (invasion de L’URSS) dès 1942 et celui de Katyń en 1943.

22 000 officiers et sous-officiers ainsi que de nombreux policiers et autres fonctionnaires furent exécutés par le NKVD et leurs corps ensevelis dans des fosses communes réparties sur plusieurs sites dont le plus emblématique reste celui de Katyń situé près de Smolensk. Les adresses des familles qui avaient reçu des lettres de leurs proches avant leur exécution furent utilisées pour les localiser et les déporter vers le Kazakhstan, plus de 60 000 personnes furent concernées.
La répression russe envers les populations polonaises, les cadres et fonctionnaires, les ecclésiastiques lors de l’occupation de la Pologne orientale entre 1939 et la mi-1941 fut particulièrement sévère et sanglante. Il est aujourd’hui difficile de quantifier le nombre de victimes et de personnes concernées, mais selon des études récentes, ce serait pas moins de 340 000 personnes qui auraient été déportées et plus de 500 000 victimes évaluées dont une partie mortes en camp ou fusillées.
Nombre de familles habitant alors la Pologne orientale furent touchées par ces exactions et ces déportations, de là s’instillât un fort ressentiment chez nombre de polonais envers les populations juives dont certaines avaient vu d’un bon œil l’arrivée de l’occupant russe en 1939. Cette animosité pris une tournure dramatique de la part de polonais contre leurs voisins juifs lors des pogroms qui intervinrent entre juillet et août 1941 en région de Podlachie (Jedwabne, Radziłów, Szczuczin, Stawiski…) Il est à noter que de nombreux juifs furent aussi déportés vers l’est durant l’occupation russe.

Un site de production d’armes secrètes qui n’a jamais vu le jour

Site de Wüstewaltersdorf

Egalement appelé site de Rzeczka, il est situé sur la commune de Walim en région de Basse-Silésie (sud-est de Wałbrzych).
Ce site fait partie d’un ensemble de 7 complexes militaires souterrains qui furent creusés entre 1943 et 1945 dans le massif des chouettes (Góry Sowie) dans le cadre du projet Reise, et dont le but était le transfert depuis l’Allemagne des sites de production des armes stratégiques (comme les fusées V1 et V2) qui étaient soumis aux bombardements alliés.

Wüstewaltersdorf (Rzeczka) initialement conçu pour la production d'armes secrètes du Reich
Le site de Wüstewaltersdorf (Rzeczka) initialement conçu pour la production d’armes secrètes du Reich (Cliquer pour agrandir)

Jusqu’en avril 1944, les sites furent creusés par des ouvriers ainsi que des travailleurs forcés et des prisonniers de guerre. En avril 1944, le projet passa sous le contrôle de l’Organisation Todt qui installa son siège au château de Fürstenstein (Książ) et une antenne au château de Bad Charlottenbrunn (Jedlina-Zdrój). La main d’oeuvre fut alors puisée dans les camps de concentration d’Auschwitz et de Gross Rosen et répartie dans 13 sous-camps regroupés sous le nom d’Arbeitslager Reise rattachés au camp de Gross Rosen, alors distant d’une quarantaine de kilomètres. Durant cette seconde phase, tous les prisonniers étaient juifs. Sur les 13 000 qui furent employés au creusement de ces souterrains, 5000 moururent.
Ces différents complexes ne furent jamais achevés et aucune arme n’y fut produite.
Après la guerre et conformément aux accords de Potsdam, les populations allemandes furent expulsées de la région et remplacées par des populations polonaises venues des territoires de l’est.
C’est également dans cette région qu’après la guerre, notamment autour des villes de Strzegom (Streigau) et de Świdnica (Schweidnitz), qu’une importante communauté juive qui s’était réfugié en URSS durant le conflit, vint s’installer et qu’un renouveau de vie juive pris forme jusqu’au début des années 1950.
C’est également dans ce massif que le mythe du train allemand caché s’est répandu dans les médias.

Découvrir le camp de concentration de Gross-Rosen.