In Memoriam – Liliana Yankelevitch

Ce site est dédié à Liliana Yankelevitch

Liliana Yankelevitch
Liliana Yankelevitch (Photo Juan Jose Braun)

Liliana Yankelevitch (3 sept. 1954 – 13 mars 2016)

Originaire de la province de Entre Ríos dans le nord de l’Argentine, Liliana est une personne que j’ai connue en 1996 via Internet alors que les réseaux sociaux n’existaient pas encore dans leur configuration actuelle. Notre contact a duré environ 16 années, au début en anglais, mais sa curiosité, ses quelques cours à l’alliance française d’Argentine et sa mémoire prodigieuse ont fait que nous avons conversé rapidement en français, par écrit la plupart du temps, mais aussi par Skype.
Mariée à Juan Jose Braun, un argentin d’origine française comprenant assez bien la langue, elle exerçait avec son mari comme biochimiste à Chajarí, une petite localité située non loin de la frontière uruguayenne.
Jusqu’au début des années 2000 nos discussions portaient sur un peu tous les sujets. Ce n’est que par la suite qu’elle a abordé ses racines juives, essentiellement lorsque je suis venu en Pologne. Elle n’avait pas été éduquée dans la tradition juive alors que ses grands-parents étaient des juifs pratiquants, d’ailleurs, il n’y avait pas de synagogue à Chajarí. Elle me raconta les quelques fois où elle du faire face à des actes antisémites, même au fin fond de l’Argentine, notamment à l’école.
Ses racines juives puisaient leur source en Ukraine et en Biélorussie. D’un côté de sa famille, des grands-parents émigrèrent vers la fin du XIXème siècle grâce à l’action du baron Maurice de Hirsch, un financier et philanthrope allemand qui consacra une partie de sa fortune à organiser l’émigration de juifs russes après les vagues de pogroms intervenues dans les années 1880. Ces grands-parents de Liliana bénéficièrent de cette générosité et purent émigrer en Argentine en passant par Katowice puis Hambourg où ils prirent le bateau. Ces juifs furent nombreux à émigrer en Argentine où furent créées les premières colonies agricoles juives, dans le nord du pays. C’est par Liliana que je pris connaissance de cet épisode de l’immigration de juifs russes.
Liliana tomba malade au milieu des années 2000 et se battit 15 années durant avec force, volonté et courage, même si la dernière année, elle était consciente que sa vie ne tenait qu’à la volonté de Hashem comme elle me disait. Elle nous quitta en mars 2016, en paix, entourée de sa famille.
Liliana était une amie curieuse, soucieuse, parfois un peu trop mama yiddishe avec ses grands enfants, mais l’était-elle trop?  Mais c’était une amie fidèle, à l’écoute, rieuse et joyeuse, vivante. Et toujours souriante, avec son mate à la main lorsqu’elle apparaissait sur mon écran lors des sessions Skype.
Ces dernières années, la dureté de la maladie l’avait rapproché de sa religion. Déjà elle se rendait une fois l’an à la synagogue de Buenos Aires et renouait avec quelques traditions, dont la lecture de la Torah, avec Juan Jose, et le shabbat, durant lequel elle allumait les bougies, les seules qui brillaient à Chajarí, la petite bourgade argentine où ils habitaient.
Je lui dédie ce site, elle y avait laissé un message au début, je le garde précieusement, comme tous ces répertoires de messages et de photos qui me rappellent une jolie, longue et fidèle amitié.

Lejzor Szrajbman ou le destin d’un nageur

De la haute compétition au ghetto

Lejzor Szrajbman au centre en 1932 lors d'une compétition 4 x 100 mètres
Lejzor Szrajbman au centre en 1932 lors d’une compétition 4 x 100 mètres – source NAC (Cliquer pour agrandir)

L’année 2016 est marquée à Varsovie par la naissance il y a 100 ans du Legia, le club sportif de la capitale dont l’emblème actuel rayonne à travers le Legia Warszawa, son équipe de football. Parmi ses membres sportifs d’avant guerre, Lejzor Szrajbman s’est illustré au sein de l’équipe de natation du Legia.
Ilja Szrajbman était né à Varsovie en 1905. Après des études menées à Sieldce, il termina son service militaire comme officier de réserve dans l’école du 9ème régiment d’artillerie légère. Il avait déjà entamé la natation durant le lycée et à la fin des années 1920, il se distinguait en nage libre (crawl). Du début des années 1930 jusqu’à la guerre, il participa aux championnats de Pologne de natation d’abord sous les couleurs du club ŻASS (Association académique et sportive juive) puis du Legia.
Dans les années 1930, un projet de film en version polonaise sur le personnage de Tarzan avait été envisagé avec pour vedette principale Ilja Szrajbman dont l’action était censée se dérouler dans la forêt de Białowieża, mais cela resta à l’état de projet.
En 1934, il représenta la Pologne aux championnat d’Europe, sans succès, puis il participa avec 3 autres nageurs (H. Barysz, K. Bocheński, J. Karliczek) aux jeux olympiques de Berlin de 1936 dans le relais 4 x 200m. L’équipe fut disqualifiée suite à un faux départ de Karliczek.
Vers la fin des années 30, il devint entraîneur de l’équipe de water polo.
Lejzor Szrajbman et son ami Roman Kazimierz Bocheński en 1933 (Cliquer pour agrandir)
Lejzor Szrajbman à gauche et son ami Roman Kazimierz Bocheński en 1933 – Photo Narodowe Archiwum Cyfrowe (Cliquer pour agrandir)

En août 1939, il participa, avec son ami d’enfance Kazimierz Bocheński au championnat du monde académique de Monte Carlo, cependant la compétition fut annulée suite à l’aggravation de la situation en Europe centrale, les deux nageurs rejoignirent la Pologne en passant par l’Italie et le sud de l’Europe. A l’entrée en guerre, il combattit au sein des cadets du 30ème régiment de fusiliers.
Durant la guerre, Lejzor Szrajbman se retrouva enfermé dans le ghetto de Varsovie, il rejoignit l’Union Militaire juive ŻZW (Żydowskiego Związku Wojskowego) pendant l’insurrection de 1943 et mourut dans le ghetto.
Son frère Grisza (Gerasim) était également un nageur.

Lejzor Szrajbman a été membre de l’Association académique et sportive juive (Żydowskiego Akademickiego Stowarzyseznia Sportowego) entre 1927 et 1932, du ŻKS Makabi Warszawa de 1932 à 1933, du WKS Legia Warszawa de 1933 à 1938 puis du ŻKS Hakoah Bielsko en 1939.

Liste des athlètes aux XIème Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Musée des sports et du tourisme de Varsovie (Cliquer pour agrandir)
Liste des athlètes aux XIème Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Musée des sports et du tourisme de Varsovie – Photo www.shabbat-goy.com (Cliquer pour agrandir)

Flambeau de la flamme olympique des Jeux de Berlin de 1936 - Musée des Sports et du Tourisme de Varsovie
Flambeau de la flamme olympique des Jeux de Berlin de 1936 – Musée des Sports et du Tourisme de Varsovie (Cliquer pour agrandir) – Photo www.shabbat-goy.com

La synagogue de Praga en 1840

Une synagogue à l’architecture particulière

La synagogue de Praga en 1840-1841 vue depuis la rive gauche de la Vistule à Varsovie
La synagogue de Praga en 1840-1841 vue depuis la rive gauche de la Vistule à Varsovie – Photo Daguerréotype de Moritz Scholtz

La synagogue a été édifiée en 1836 d’après un projet architectural de Józef Lesser et financée par Berek (Ber) Szmulowicz Sonnenberg (même famille que le philosophe Henri Bergson), la synagogue de forme circulaire avait été bâtie dans un style classique et comportait une galerie pour les femmes dont l’entrée était séparée. Elle était dédiée à la communauté juive du quartier de Praga (rive droite).
Dévastée pendant la guerre puis incendiée, elle fût enregistrée au registre des monuments en 1949, cependant, par manque de fonds dans cette difficile période de reconstruction, et dans un état avancé de dégradation et de pillage, elle fut démolie au début des années 1960.
Dans le cadre de la loi sur la restitution des biens juifs, la communauté juive de Varsovie a reçu une compensation pour le terrain qui est devenu propriété de la ville. Un projet de reconstruction de la synagogue était dans l’air mais semble rester à l’état de projet. Les fondations de la synagogue existent toujours sous le jardin d’enfants qui se trouve aujourd’hui à cet endroit.

Une image du ghetto

Derrière une affiche, des destins

Image du ghetto mise en vente
Image du ghetto mise en vente

Photo en vente sur le site Ebay Allemagne.
Avec la disparition d’un grand-père, nombre de photos prises durant la guerre refont surface et sortent des greniers ou des armoires. Régulièrement, des photos prises par des anciens soldats allemands en Pologne sont mises en vente par leurs descendants ou d’autres personnes sur le réseau.
Ici une photo prise dans le ghetto de Varsovie où on voit au second plan une affiche publicitaire pour le Café « Bagatela« . Dès le début de la période de l’enfermement, une vie culturelle s’était développée dans l’enceinte du ghetto où des concerts, des pièces de théâtre étaient donnés.
Ici sur l’affiche, on note les artistes Wiera Gran (Weronika Grynberg) et Marysia Ajzensztadt, grandes chanteuses et interprètes d’avant guerre, qui se produisirent également au fameux café Sztuka avec d’autres artistes juifs pendant la période du ghetto et où joua également Władysław Szpilman (le pianiste du film de Roman Polański).
Sur l’affiche, également Marian Neuteich, un compositeur et violoncelliste d’origine juive, mort au camp de Trawniki en 1943.
Marysia Ajzensztadt est morte dans le ghetto lors de la première grande déportation de l’été 1942.
Lire un article sur le café Sztuka.

La maison en bois Burke

Témoin d’une architecture révolue

La maison en bois Burke à Varsovie
La maison en bois Burke à Varsovie (Cliquer pour agrandir)

Cette maison avait été édifiée en 1890 pour le compte de Edmund Burke. Il s’agit de l’une des 2 dernières maisons en bois que l’on peut voir dans le quartier de Szmulowizna à Praga (rive droite).
Le nom de Szmulowizna vient de l’ancien propriétaire de ces terres, Szmuel Jakubowicz Sonnerberg (1756-1801), également appelé Szmuel Zbytkower, banquier et commerçant sous le règne du roi Stanisław August Poniatowski dont il était l’un des protégés. C’est à lui que l’on doit la création et le financement du grand cimetière juif de Bródno où il fut inhumé.
Szmuel Zbytkower était également un ancêtre du philosophe Henri Bergson.
Szmulowizna est un quartier populaire que l’on peut visiter en toute sécurité, comme en fait tous les autres quartiers de Varsovie.

Samuel Willenberg, le dernier témoin

Vivre et parler

Samuel Willenberg à Varsovie en 2015 Photo © Jacques Lahitte
Samuel Willenberg à Varsovie en 2015 Photo © Jacques Lahitte (Cliquer pour agrandir)

Samuel Willenberg (1923-2016)
Le dernier survivant de la révolte du camp d’extermination de Treblinka, Samuel Willenberg s’est éteint hier à l’âge de 93 ans.
Originaire de Częstochowa, il a rejoint l’armée polonaise en tant que volontaire au début de la guerre et il fut sérieusement blessé. Par la suite, il fut déporté vers le camp d’extermination de Treblinka en octobre 1942, échappa à la mort et fut affecté au tri des vêtements des juifs exterminés (un jour il reconnut les vêtements de ses deux sœurs Ita et Tamara).
Il participa à la révolte du camp du 2 août 1943 d’où il s’échappa. Blessé à la jambe, il se rendit Varsovie et rejoignit le mouvement de résistance polonais. Il lutta activement lors de l’insurrection de Varsovie en 1944.
Il émigra en 1950 vers Israël où il devint ingénieur. A l’heure de la retraite, il suivit des études aux Beaux-Arts et exerça son talent dans la sculpture autour du thème de l’holocauste. Il est, entre autres, l’auteur du monument des victimes du ghetto de Częstochowa qui a été inauguré en 2009. Depuis 1983, il se rendait régulièrement en Pologne, accompagné de sa femme Ada (au second plan sur la photo), elle-même rescapée de la Shoah, pour porter le message des survivants. Il a été décoré des plus hautes distinctions polonaises.

Les fosses communes de Bajoriškės

L’implication des complices

A proximité du site des fosses communes de Bajoriškės en Lituanie
A proximité du site des fosses communes de Bajoriškės en Lituanie (Cliquer pour agrandir)

Les fosses communes de Bajoriškės sont situées en Lituanie, à 10 km de la frontière avec la Pologne et à 2 heures de route de Jedwabne.
C’est dans un bois, à proximité de ce petit village, que se trouvent plusieurs fosses communes où ont été exterminés plus de 1500 juifs de la ville voisine de Łoździeje (ville alors polonaise), aujourd’hui Lazdijai (yid. Lazdey), et de quelques bourgades avoisinantes.
Les premiers juifs s’étaient installés à Lazdey vers la fin du XVIème siècle mais la communauté s’organisa durant la seconde moitié du XVIIème siècle. Les juifs représentaient les 2/3 de la population au XIXème siècle.

Entrée du site où se trouvent les fosses communes de Bajoriškės
Entrée du site où se trouvent les fosses communes de Bajoriškės (Cliquer pour agrandir)

En juin 1941, les allemands occupèrent la ville de Łoździeje et vers la fin du mois un comité de représentants lituaniens, favorables à la présence allemande fut élu. Ce dernier prit la décision de confiner les juifs dans un ancien casernement russe, non loin au sud de la ville, souvent au motif d’appartenance et sympathie avec les communistes. Les juifs eurent à subir de nombreuses exactions et beaucoup moururent durant cette période. Le 3 novembre 1941, les allemands ordonnèrent la liquidation des juifs des baraquements. Ces derniers furent transportés vers un bois de la petite localité de Bajoriškės, au sud de la ville, et furent tués dans des fosses communes par les milices lituaniennes, sous le regard d’observateurs allemands présents. Environ 180 juifs s’échappèrent peu avant le massacre mais pratiquement tous furent repris, tués par des paysans ou remis aux milices lituaniennes qui les exécutèrent ensuite dans ces mêmes fosses. Seules 6 personnes survécurent. Un couple de juifs survivants retourna s’installer à Lazdijai après la guerre, ils eurent un enfant, mais émigrèrent en Israël par la suite. Cet enfant fut le dernier juif de Lazdijai.
Un monument a été érigé en 1991 sur le site du massacre où reposent 1535 juifs.