Varsovie (Nom allemand: Warschau) (Nom polonais: Warszawa) Mazowieckie – (Voïvodie de Mazovie) Adresse: ul. Bohaterów Getta Latitude: 52°14’54.49″N – Longitude: 20°59’58.59″E |
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A la découverte d’une rue disparue, d’un monde disparuBeaucoup de gens qui visitent Varsovie et cherchent à découvrir, à travers des circuits thématiques, des guides ou des ouvrages, des traces de cette vie juive qui rythmait la vie de la capitale polonaise durant plusieurs siècles prennent souvent conscience de cette impression de vide quand ils comprennent, après avoir parcouru des rues à la recherche d’un improbable vestige, qu’il ne reste que bien peu de traces visibles, qu’il reste en fait très peu de traces. |
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Les visiteurs de tout horizon qui viennent en été à Varsovie pour découvrir le festival Singer de la culture juive se réunissent autour du seul espace qui aujourd’hui témoigne de cette présence juive passée, sur la place Grzybowski. Les rares vieux immeubles de la rue Próżna qui débouchent sur la place rappellent que cette rue était pratiquement habitée par des juifs et qu’une partie d’entre-eux devaient se rendre à la synagogue voisine qui a miraculeusement survécu. Si ces vestiges, pris en photos sous toutes les coutures pour illustrer des articles et des brochures de la Varsovie juive, laissent planer une ombre que l’on recherche en décryptant façades, fenêtres et portes cochères, le véritable cœur de la vie juive de la capitale polonaise était ailleurs, plus au nord, dans le quartier de Muranów. Muranów1, c’est un des quartiers nord de la capitale, d’ailleurs avant la guerre on parlait du "quartier nord" pour signifier le quartier juif. On disait aussi "Nalewki", car c’était le nom de cette artère qui alimentait par sa vivacité le cœur de la Varsovie juive. (1) Le nom du quartier de Muranów provient de l’île de Murano située au nord de Venise et dont était natif Giuseppe Simone Bellotti, architecte à la cour des Rois Michał Korybut Wiśniowiecki et Jan III Sobieski et qui édifia en 1686 son manoir auquel il donna le nom de Murano. Quand on cherche sur un plan la rue Nalewki, on ne la trouve pas. Disons pour être honnête qu’on trouve une petite rue qui déambule entre des immeubles. Mais cette rue là, que l’on a appelé Nalewki certainement pour ne pas complètement oublier le nom, ce n’est pas cette rue Nalewki si particulière qui existait avant la guerre. En fait, la rue Nalewki, elle n’existe plus… Le seul tronçon qui existe toujours d’où partait la rue à son extrémité sud s’appelle désormais ulica Bohaterów Getta (La rue des héros du Ghetto, photo ci-dessus). De la rue, de ce tronçon de rue, il ne nous reste que le revêtement de pavés et les rails des tramways qui filent vers le nord pour venir buter brutalement contre le parc Krasiński à hauteur de l’entrée du jardin, non loin de l’endroit où se trouvait la guérite et la barrière de la porte du ghetto. C’est tout ce qui reste de la rue Nalewki, rien. |
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La présence juive à VarsovieLa première mention de juifs à Varsovie remonte à 1414. Une petite communauté organisée habitait alors la rue juive (ulica Żydowska) non loin de la vieille ville et était forte de 120 membres. Cependant leur installation fut rendue difficile d’un côté par des difficultés de cohabitation avec les Bénédictins et de l’autre avec les commerçants qui voulaient éviter une concurrence; elle fut limitée dès 1483 aux marchands et seulement les jours de foire. (2) De non tolerandis Judaeis : il s’agissait d’un privilège accordé qui limitait ou interdisait aux juifs l’accès à la ville ou à l’acquisition de propriétés. Cependant certaines catégories sociales pouvaient en être exemptées. Lorsque ce privilège était accordé, il entrainait de facto l’expulsion de la population juive de la ville. Cette disposition fut souvent appliquée en Pologne, essentiellement durant une période comprise du XVIème à la fin du XVIIIème siècle. Il est à noter qu’un privilège De non tolerandis Christianis pouvait être octroyé. Ce fût par exemple le cas pour le faubourg juif de Kazimierz où les chrétiens ne purent acquérir de propriétés. |
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De la rivière Bełcząca à la rue Nalewki
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Le tramway hippomobile fit son apparition en 1881 et fut remplacé par les tramways électriques en 1908. La rue Nalewki devint la principale artère permettant de relier le centre ville au quartier résidentiel de Żoliborz au nord. 8 lignes de tramways traversaient la rue. En 1928, les bus firent leur apparition. |
L’activité commerciale se concentre et bat son plein autour des rue Nalewki, Gęsia et Franciszkańska. Le croisement de ces 3 rues devient l’artère la plus animée de la capitale où s’entrecroisent bus, tramways, camions, voitures, rickshaws, voitures à cheval et chariots à bras. Il y règne une foule bigarrée où se côtoient ouvriers, commerçants, propriétaires, juifs orthodoxes, livreurs (artel), artisans, étudiants de yeshiva, clients et visiteurs, on y parle quasiment qu’en yiddish comme dans tout le quartier de Muranów juif à 90%. Dès le milieu du XIXème siècle, la rue était déjà pratiquement habitée que par des juifs. On entend également du russe parlé par les "Litwak", ces juifs venus de Lituanie, mais on appelait aussi comme ça ceux qui venaient de Russie et d’Ukraine et qui fuyaient les pogroms. Zailingold un juif originaire d’Ukraine vint s’installer rue Nalewki après les pogroms de 1880 à Kiev et ouvrit une librairie. Nalewki est le seul endroit de Varsovie où on trouve pratiquement de tout, les marchandises sont réputées bon marché: on y trouve des ustensiles en tous genres, de la nourriture, des livres, des vêtements et fourrures, des tissus, des harengs, des cornichons, de la lingerie, des accessoires divers, des horloges, des bijoux, des oranges en provenance de Jaffa… Il se concentre uniquement dans la rue Nalewki et ses arrière-cours plus de 700 commerces et ateliers, c’est à dire plus que sur toute la grande avenue Marszałkowska. Au seul numéro 33 de la rue, d’après un annuaire téléphonique, on recense, sans compter les petites boutiques et autres ateliers : un commerce de vente d’emballages de marchandises appartenant à Aronowicz, un autre de vente de produits en os appartenant à Bajcza, un autre de vente en gros de verre – Apelblat, une maison de vente de fils de coton – Borensztein, des bureaux de transfert et transport – Borychowski, Gelblum, Glezin et les frères Jastrząb, trois commerces de cahiers, livres et papeterie – Glaszmit , Cukier et Kornblum, un magasin de vente d’étiquettes et d’additifs pour l’industrie de la confiserie – Rabinowicz, un stockage de cuivre – Rotenberg, une maroquinerie et produits métalliques – Silman, un négoce d’achat de matières premières de peaux – Pentelki, une fabrique de marque de chaussures – Wurcel, une fabrique de bas Zenit, un atelier de caisses en bois Wandel et Wurcel, une charcuterie – Kornblum et enfin le café Wajnberg. |
» Visualiser une vidéo couleur filmée en 1939 dans une arrière cour du quartier juif de Varsovie. (Source : Steven Spielberg Film and Video Archive, United States Holocaust Memorial Museum) |
La synagogue et la vie religieuseUne synagogue progressiste fut établie par Zelig Natanson au numéro 28-30 de la rue Nalewki en 1850. Elle fut transférée au numéro 39 en 1852. |
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Le passage Simons – Pasaż SimonsLa construction du passage Simons a été initiée par Albert Simons en 1900 pour contrecarrer l’activité commerciale des rues Nalewki et Gęsia. Ce grand bâtiment commercial à arcades situé à l’extrémité sud de la rue Nalewki (Nalewki 2, Długa 50) s’élevait sur 6 niveaux. Suite à l’indépendance de la Pologne de 1919 et l’arrêt des activités commerciales avec la Russie, l’activité du passage Simons diminua et beaucoup de commerces furent transformés en bureaux. |
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L’association de gymnastique sportive Makabi créée en 1915 était le club sportif juif le plus polyvalent de la capitale, elle avait ses locaux au Pasaż Simons. Le club possédait une salle de gymnastique et une salle de boxe d’où venaient les champions boxeurs polonais Shlomo « Finn » Finkelstein et Józef Wysocki. Elle animait également la célèbre équipe juive de football du Makabi Warszawa dont l’un de ses joueurs, Józef Klotz, marqua le premier but de l’histoire de la sélection nationale polonaise. Le bâtiment fut incendié durant les bombardements de 1939 puis détruit lors de l’insurrection de 1944. » Voir un panorama du Pasaż Simons durant la guerre. |
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Le prélude à la guerreDurant les années 1930 jusqu’à l’entrée en guerre, les conditions de vie des juifs ne cessèrent de se dégrader. La situation économique en Europe devint difficile et se répercuta sur l’économie polonaise. De plus les mouvements nationalistes polonais devinrent plus agressifs envers la communauté juive notamment à partir de 1935 avec la radicalisation du mouvement nationaliste Endecja qui appela au boycott des commerces juifs dans tout le pays, initia des attaques antisémites et facilita l’exclusion des juifs des administrations, des universités et de nombreux postes d’encadrement. On assista à une paupérisation d’une grande partie de la population juive de Varsovie dont une grande majorité vivait sous le seuil de pauvreté. |
La disparition de la rue NalewkiQuelques jours après le déclenchement de la guerre, en septembre 1939, la rue Nalewki fut bombardée et de nombreux immeubles furent détruits ou incendiés. » Voir une vue aérienne de la rue Nalewki en 1945 (835 Ko). |
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La rue Nalewki pendant et après la guerre, la rue des Héros du Ghetto (ex rue Nalewki) aujourd’hui. > Découvrir les abonnés du téléphone de la rue Nalewki pour la période 1938-1939. |
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