Enc… d’allemand !

Est-ce que j’ai une tête d’allemand ? Et alors ? Si j’en avais une ?

Cet été nous avons passé une semaine de vacances au bord d’un magnifique lac dans un patelin qui s’appelle Stare Juchy, c’est à une dizaine de kilomètres de la ville de Ełk, l’ancienne Lyck allemande et encore avant la ville prussienne de Luks. Parce que la région avant la guerre s’appelait la Prusse Orientale. Pour ce qui ignorent de quoi je parle, mais je le comprends, wikipedia nous renseigne très bien sur cet endroit.

Stare Juchy
Une vieille maison allemande (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

Pour en revenir à mon titre inhabituel, je confirme tout d’abord que je n’éprouve aucune animosité envers les voisins teutons 🙂
Je me baladais donc dans cette petite bourgade autrefois allemande. Il arrive d’ailleurs de croiser des voitures allemandes dans la région avec des tempes grisonnantes à l’intérieur, souvent des enfants de familles expulsées après la guerre de territoires qu’ils habitaient depuis des générations, une histoire difficile à découvrir également.
A un moment, je passais devant le jardinet d’une maison où trois gamins gesticulaient sur un trempoline à moitié déglingué. La tentation m’avait pris de faire une photo, mais je jugeais la scène sans trop d’intérêt. Je passais donc mon chemin, et, dans mon dos, j’entendis crier l’aîné (qui devait avoir tout au plus 8 ou 9 ans) « Enc… d’allemand » ! en polonais bien sûr. Je regardais autour de moi pour savoir à qui s’adressait le compliment mais je m’étais douté qu’il me concernait, le gamin ayant pensé que j’étais un allemand de passage avec son appareil photos. Je retournais donc devant le jardinet pour expliquer au gamin qu’il se trompait et que je n’étais qu’un « enc… de français« .
Je repartis quand même assez énervé, pas du gamin non, mais du fait que années après la fin de la guerre, un enfant de la troisième génération née après guerre puisse sortir une chose pareille. Evidemment il l’avait entendue et répétée, certainement à la maison, et pour couronner le tout, dans une ancienne maison allemande !
L’éducation est à la base de tous comportements afin de prévenir les préjugés et les stéréotypes en dépit des expériences de la guerre, qui dans les familles polonaises ont été difficiles et souvent dramatiques. Mais ces genres de réflexions peuvent aussi cibler d’autres populations.
J’ai vraiment parfois l’impression qu’on n’apprend pas grand chose de l’histoire car ce genre de situation peut se répéter n’importe où, et pas qu’en Pologne.
La prochaine fois, je vous parlerai d’une réflexion du même acabit qu’on m’a adressée, mais sur les juifs… Encore un gamin.

Cimetières allemands du côté de Stare Juchy

Ou l’histoire d’autres cimetières abandonnés

Les conflits font souvent ce que j’appelle des victimes collatérales, à savoir les morts qui reposent dans les cimetières. Les cimetières que l’on peut considérer comme l’un des marqueurs de l’identité d’un lieu sont souvent dévastés durant et après les guerres. Bien que je ne fasse pas que cela, je visite des cimetières depuis longtemps, notamment ceux qui sont délaissés ou abandonnés. Les anciens cimetières allemands en font partie.

Tombe d'un enfant dans l'un des 2 anciens cimetières allemands du lieu-dit Gorło
Tombe d’un enfant dans l’un des 2 anciens cimetières allemands du lieu-dit Gorło (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

En Pologne, les cimetières allemands des anciens territoires du Reich devenus (ou redevenus) polonais après le redécoupage de la Pologne suite à la conférence de Yalta de 1945, ont énormément souffert, de fait ils ont été pratiquement tous dévastés après la guerre et la majorité d’entre-eux ont quasiment disparu et ne figurent plus que sur les anciennes cartes. C’est en recherchant les cimetières juifs que je me suis aperçu du sort qui avait été réservé aux cimetières allemands. L’un des premiers que j’avais visité se trouvait à Koźle (Cosel), autrefois une ancienne citadelle prussienne de Silésie, où même les épitaphes sur les stèles avaient été effacées au burin.
Bien peu subsistent aujourd’hui et leurs stèles ont souvent fini à l’image des tombes juives, en matériau de construction et de terrassement.
Dernièrement durant des promenades en campagne, j’ai visité quelques cimetières allemands dont ceux de Zawady Ełckie et Gorło dont les noms respectifs étaient Sawadden et Gorlen lorsque ces villages se trouvaient en Prusse Orientale (aujourd’hui nord-est de la Pologne) et où les habitants vivaient là depuis de longues générations avant d’être expulsés à la fin des années 40.
Sur la photo ci-dessus, on aperçoit la tombe d’un enfant dans l’un des 2 anciens cimetières allemands du lieu-dit Gorło. C’est la seule qui subsiste dans celui-là, noyée au milieu des arbres non loin du lac Ułowki (ex Uloffke-See).
Pour ceux qui étaient inhumés là, c’est un peu comme une deuxième mort, peut être pire, celle de l’effacement et de l’oubli.

German cemetery Zawady Ełckie

German cemetery Gorło

German cemetery Gorło