Et vous, qu’auriez-vous fait ?

Marianna Krasnodębska, une Juste parmi d’autres

« Nous devions les aider, » dit-elle à propos des juifs. « C’était simplement le devoir de tout être humain. Ils nous avaient aidé aussi, comme cela est normal lorsqu’on vit ensemble. »

Marianna Krasnodębska
Marianna Krasnodębska (Cliquer pour agrandir) © Anna Musiałówna

Marianna vivait à Piaski, une ville près de Lublin. Son père était greffier, c’était une des élites de la ville; ils possédaient un immeuble et une grande ferme. Il y avait huit enfants dans la famille. Tous faisaient partie de la résistance (Armia Krajowa, armée de l’intérieur) depuis le début de l’occupation. Les allemands tuèrent 4 des frères de Marianna et son grand-père pour avoir hébergé des résistants. Son nom de code dans la résistance était «Wiochna».
« Avec une confiance déterminée et une réelle conscience » raconte-t-elle, « je peux dire qu’aucun des habitants de Piaski n’a trahi des juifs durant leur clandestinité. Ils ont pu être effrayés à l’idée de les aider, mais n’en ont dénoncé aucun. Il y avait 2 informateurs, mais ils furent exécutés par la résistance. »
Elle énumère les juifs cachés à Piaski. Nina Drozdowska de Varsovie qui était dans la famille de Janek Król, madame Makosiowa et son fils chez les Baranowski. Il y avait un petit garçon juif dans la famille Świtacz, un juif tchèque ou allemand chez les Siedliska, et une famille entière chez les Zajączkowski. Les Zajączkowski ont été d’un grand secours pour les juifs, également les prêtres, et aussi le docteur Bażański qui leur fournissait médicaments et bandages. Les amis de sa famille qui furent sauvés, avec leur aide, étaient: Godel Huberman, Mendel Plinka et Józef Honig avec son père et son frère.
Elle a relaté cette histoire dans son livre «Historiach mówionych» (Histoires racontées).
« Chaque guerre, » dit-elle, « apporte à la fois son lot de héros et de bêtes parmi les hommes. Et les gens sont les mêmes, quelle que soit la nation. »

Marianna Krasnodębska (et sa famille) a été honorée en 2001 du titre de Juste parmi les Nations pour le sauvetage de Józef, Moszek et Mordka Honig, Godel Huberman, Mendel Plinka, Aron Pindel, Hersze Apel, Icel Nudel, Mosze Susak, Szmul Wajzer, Szloma Tajerstan, Wolf Lewin et ses filles Hana et Gertrude. Marianna est née Jarosz en 1923.

La Pologne est le premier pays par le nombre de personnes honorées du titre de Juste parmi les Nations par Yad Vashem, mais en fait, j’ai l’intime conviction que ce nombre doit être beaucoup plus élevé. En effet, nombre de familles et polonais se sont tu à la fin de la guerre par peur de représailles pour avoir caché ou sauvé des juifs, de plus le sauvetage d’un seul juif, notamment en ville, nécessitait l’implication de nombreux polonais.

Beaucoup d’entre-vous qui lisent mes articles ne portent pas les polonais dans leur cœur, je peux le comprendre sans problème vu des réalités passées et également un bruit médiatique parfois loin de refléter les réalités de cette période de la guerre dans ce pays.
En Pologne occupée, le sauvetage de juifs avait pris une dimension tout à fait particulière. Aider un juif, lui donner à boire, à manger, le cacher était puni de mort. La sentence était exécutée sur le champ pour le contrevenant et pour les membres de sa famille, généralement devant la maison, au fond du jardin. Des centaines de polonais et de familles polonaises ont été exécutés de cette manière durant la guerre. Il est bon de le savoir.

Source: «Les polonais qui ont sauvé des juifs durant l’holocauste». Un livre édité par le Musée de l’Histoire des Juifs Polonais et par la Chancellerie de la présidence de la République de Pologne, et qui présente l’histoire de 128 Justes.

Partant du constat que votre famille était inévitablement condamnée s’il était advenu que l’on apprenne que vous cachiez des juifs chez vous, souvent par la dénonciation de voisins, qu’auriez-vous fait ? Telle est l’une des questions qui mérite d’être posée par tout un chacun avant de porter certains jugements à l’emporte-pièces.
Je pense que tous ces gens qui ont sauvé des juifs ne se sont finalement pas vraiment posé cette question.