Un juif dans la maison, de l’argent dans la poche.

Une drôle de tradition

S’il est une tradition sortie de je ne sais où que je supporte mal, et pour tout dire que je ne supporte pas du tout, c’est bien celle d’accrocher dans l’entrée de la maison un petit tableau représentant un juif en train de compter ses sous au dessus d’une bourse bien garnie.
N’importe quel visiteur en Pologne apercevra au détour d’une vitrine ce genre de tableau, et plus récemment, des petites figurines, toujours représentant un juif avec une pièce, généralement un groszy, c’est à dire un quart de centime d’euros (quatre fois rien).

Le petit juif porte-bonheur... © www.shabbat-goy.com
Le petit juif porte-bonheur. Magasin Leroy Merlin, banlieue de Varsovie (cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

Accrocher son juif dans l’entrée de sa maison est censé attirer la prospérité, faire fructifier l’argent du foyer, son affaire, son travail… On peut d’ailleurs aussi apercevoir ce genre de tableaux au restaurant, au bureau…
Parfois, mais plus rarement, on peut observer un tableau représentant un juif en train de presser un citron dans un verre. D’aucuns diront que cette représentation est censée assurer la pitance quotidienne pour le foyer mais d’autres semblent plutôt y voir la métaphore du juif avare qu’il faut presser comme un citron afin d’en extraire le jus en pièces sonnantes et trébuchantes…
D’après ce que j’ai pu glaner, le juif doit être offert pour que son pouvoir je dirai surnaturel puisse s’exercer. Certains disent qu’il faut que 2 attaches soit montées au tableau, une en haut et une autre en bas car lorsque on accroche le juif pour la première fois dans l’entrée de la maison, il doit avoir la tête vers le bas afin que les pièces de la bourse puissent mieux s’extraire. Parait-il qu’il faut également le mettre dans cette position le vendredi et ce pour la durée du Shabbat. Egalement vers la fin de l’année, afin que le brave juif protecteur n’arrête pas de compter les sous en début d’année.
Alors que nous étions en visite chez une amie, et comme la conversation nous avait amené, je me demande encore comment, à parler des juifs, la maîtresse de maison alla décrocher le fameux tableau que j’avais aperçu dans l’entrée, un juif avec une pièce dans la main, une vraie, que le peintre avait réussi à fixer certainement en vidant la moitié d’un tube de peinture. Elle attendit ma réaction comme si elle me présentait un tableau de maître. Je ne vais pas vous faire un dessin , une peinture devrais-je dire, pour vous décrire l’expression de mon visage à ce moment précis.

Si pendant longtemps, le commerce de l’argent, l’usure, était dévolu aux juifs qui prêtaient et récoltaient les taxes auprès du petit peuple pour le compte de la noblesse polonaise, aujourd’hui, cette représentation est pour moi lourde de sens au regard de l’histoire et des stéréotypes qui perdurent, et pas qu’en Pologne pour tout dire.
S’il est des traditions dans lesquelles nous puisons notre richesse, il en est d’autres dans lesquelles on perd nos valeurs.