Voisins

Quand les anciens se rappellent leurs voisins juifs

Un film réalisé par François Chilowicz, Anne Bettenfeld et Agata Krolikowska. Une très intéressante enquête en français menée en 2003 à Frysztak, une petite localité située dans le sud-est de la Pologne en région de Basses-Carpates (Galicie)

Une longue présence

Les premiers juifs s’établirent à Frysztak durant le XVIème siècle. Au milieu du XIXème siècle, les juifs représentaient les trois-quarts des habitants et plus de 2000 personnes en 1900. Ils résidaient essentiellement en ville, la population polonaise très minoritaire habitait les alentours. C’était une communauté hassidique qui vivait selon les préceptes rigoureux établis par cette branche religieuse apparue dès la seconde moitié du XVIIIème siècle dans cette région de la Pologne. Ils exerçaient des activités autour de l’artisanat et du commerce et habitaient pour l’essentiel tout le centre ville.

L’anéantissement

Les allemands arrivèrent en ville le 8 septembre 1939. Il établirent par la suite un ghetto ainsi qu’un Judenrat. Une première liquidation de ce ghetto intervint en juillet 1942, elle fut menée conjointement par la police militaire allemande et un détachement ukrainien (membres d’une unité ukrainienne de la Waffen-SS). Par la suite d’autres juifs furent déportés vers le camp de concentration de Płaszów ou furent exécutés dans des forêts voisines. Plus tard, les juifs restants furent transférés vers le ghetto de Jasło puis ensuite dirigés vers le camp d’extermination de Bełżec. Durant l’année 1943, des juifs qui se cachaient dans les forêts avoisinantes furent découverts ou dénoncés et exécutés, ainsi que certains qui étaient cachés par des polonais.

Ils racontent

Des anciens polonais de Frysztak sont interrogés et racontent leurs souvenirs de ces juifs, leurs voisins, leurs amis d’enfance, avec leurs mots, leurs expressions, les clichés, les idées colportées mais aussi les réalités de cette époque. Tous se rappellent les noms, les fêtes, les commerces, même pour certains des chansons en yiddish ou une prière en hébreu. La mémoire est restée intacte et surprenante.
Un juif venu d’Angleterre s’attache, avec l’aide de la nouvelle municipalité, à protéger le vieux cimetière juif malmené et négligé des décennies durant et où se retrouvent des désœuvrés pour boire de l’alcool en toute tranquillité. Au vue de mes très nombreuses visites sur le terrain, le chiffre qu’il avance de 99% des cimetières juifs en Pologne abandonnés ou complètement négligés est assez inexact et ne reflète pas le gros travail déjà effectué, même dès 2003, pour la conservation des cimetières juifs, même si nombre de situations restent encore à régler aujourd’hui.

Juifs, petits juifs, youpins

Dans le langage polonais, comme dans le langage français avec les termes petits juifs, youpins, feujs aujourd’hui, le terme żydek, littéralement petit juif, avec son pluriel żydki est souvent utilisé mais avec une connotation très large qui englobe selon la nature du locuteur, de la conversation, du sujet et du contexte, une signification familière sans arrière pensée appuyée, volontaire et parfois machinale ou alors une portée violente avec la plus basse insulte.
En français, rien que le mot juif, de la manière dont il sera présenté pourra restituer des perceptions totalement différentes, exemple:
» C’est un très bon ami à moi, c’est un juif ! «
ou
» C’est ce présentateur de la télé, c’est un juif !«
Aussi dans certains contextes comme ici où une dame qui fait certains reproches aux juifs est interviewée, l’interprète traduit żydki par youpins qui pour un français a une connotation insultante très forte alors qu’il ne me semble nullement que ce soit la volonté réelle de cette dame dans la suite de l’interview.


C’est dans cette région que se sont illustrés les 500 hommes du 101ème bataillon de réserve de la police allemande de Hambourg.
Des hommes trop âgés pour être engagés au début de la guerre, des pères de famille, des employés, des ouvriers, des artisans, nullement encartés au parti nazi.
Ils seront directement responsables du massacre de 38 000 juifs, hommes, femmes et enfants exécutés dans des forêts de cette région et dans les cimetières juifs, et également de la déportation de 45 000 autres juifs vers les camps d’extermination.

Découvrir le livre de Christopher Browning Des hommes ordinaires qui retrace cette tragique période et analyse ce comportement de la nature humaine.