Arbeit Macht Frei et Lego camp de Concentration

Vu au musée d’art moderne de Varsovie

Dans le cadre de ma visite consacrée à la collection du Musée d’Art Moderne de Varsovie dont des œuvres sont exposées à la galerie de l’avenue Emilii Plater, 3 d’entres-elles qui ont un lien direct avec la thématique de ce site ont retenu mon attention parmi d’autres.
Les deux premières présentées ci-dessous sont l’oeuvre de Jonathan Horowitz et Zbigniew Libera. La troisième de l’artiste israélienne Yael Bartana consacrée à son triptyque vidéo est présentée ici.

Untitled (Arbeit Macht Frei)

Untitled (Arbeit Macht Frei) - Jonathan Horowitz
Untitled (Arbeit Macht Frei) – Jonathan Horowitz
Signée par Jonathan Horowitz en 2010, l’oeuvre représente la célèbre plaque qui surmonte l’entrée du camp d’Auschwitz coupée en 3 morceaux. Cette présentation est censée rappeler la fameuse inscription, à elle seule symbole universel de l’holocauste, telle qu’elle avait été retrouvée suite à son vol en 2009 commandité par un activiste néo-nazi suédois. A travers cette reconstitution volontairement provocante, l’auteur souhaite faire revivre la mémoire de cette période universellement tragique à travers une vision qui s’éloigne des commémorations établies.
Jonathan Horowitz est un artiste américain qui s’attaque à divers sujets à travers des supports variés.

The Collection of the Museum of Modern Art in Warsaw
Du 14/05/2013 au 06/01/2014
www.artmuseum.pl

Lego. Concentration camp

Lego - Concentration camp - Zbigniew Libera
Lego – Concentration camp – Zbigniew Libera
Imaginé en 1996 par Zbigniew Libera, cette création propose un étonnant jeu de Lego basé sur le thème du camp de concentration. On y voit un ensemble de 7 boites du fameux jeu de construction fidèles au design de la firme Lego dont une qui propose le camp de concentration, une seconde le crématoire et une autre le Kanada, accompagnées de petites boites de personnages. Cette oeuvre très controversée a été réalisée par l’artiste polonais dont les boites sont notées sponsorisé par Lego, la firme danoise n’ayant pas eu au départ connaissance du sujet de la réalisation. L’oeuvre a aussitôt suscité la polémique et son auteur a été taxé de vouloir banaliser le sujet de l’holocauste. Pour sa défense, des critiques ont opposé une vision plus familière de la présentation de l’holocauste à travers le jeu connu de tous et censé se démarquer des programmes éducatifs présentés alors. Les boites de Lego Camp de concentration ont été présentées en 2002 au Jewish Museum de New York dans le cadre de l’exposition Mirroring Evil: Nazi Imagery/Recent Art.

Reconstitution de la Grande Synagogue

Imaginer la topologie d’antan

La place Tlomackie,Varsovie - Reconstitution © www.shabbat-goy.com
Tlomackie square, Warsaw – Place Tlomackie,Varsovie – Reconstitution © www.shabbat-goy.com

A l’occasion du 70ème anniversaire de la destruction de la grande synagogue de Varsovie, une reconstitution au 1:10 de la synagogue et de la place Tłomackie est présentée à proximité du lieu où elle se trouvait.
La grande synagogue avait été édifié entre 1875 et 1878 par l’architecte Leandro Marconi, fils de Enrico Marconi également grand architecte d’origine italienne qui bâtit de nombreux monuments en Pologne. Elle pouvait contenir 2300 places assises dont 1100 dans la galerie des femmes. Après la fin de l’insurrection du ghetto de Varsovie, les sapeurs et les artificiers allemands préparèrent une semaine durant le dynamitage de la synagogue qui eut lieu le 16 mai 1943 et qui mit définitivement fin à la vie juive de Varsovie.
Reconstitution de la grande synagogue, Varsovie - Reconstitution © www.shabbat-goy.com
La grande synagogue, Varsovie – The great synagogue, Warsaw – Reconstitution © www.shabbat-goy.com

Jürgen Stroop, le général SS qui mâta l’insurrection déclencha lui-même la mise à feu des explosifs.
La reconstitution représente la place Tłomackie et les immeubles qui l’entouraient. La synagogue était située du côté sud. Seuls 2 bâtiments ont survécu à la guerre, celui de l’actuel Institut Historique Juif qui abritait auparavant la bibliothèque Judaïque et le petit bâtiment de forme cylindrique appelé Gruba Kaśka (la grosse Catherine) qui était un élément du dispositif d’adduction d’eau et qui se trouvait au milieu de la place en face de la grande synagogue.
Un grand immeuble de bureau, appelé la Tour Bleue, se trouve aujourd’hui à l’emplacement de la synagogue disparue. Dans le cadre de la loi sur la restitution des biens juifs, 3 étages de la tour appartiennent à la communauté juive.
Reconstitution menée à l’initiative de l’Institut Historique Juif de Varsovie sous le patronage de la Mairie de Varsovie.

9ème festival international du film «Thèmes Juifs»

>La neuvième édition du festival international du film juif qui s’est tenue au cinéma Muranów de Varsovie vient de récompenser le film The flat (l’appartement) de Arnon Goldfinger.

J’ai pu assister ce week-end au visionnage de certains films et documentaires dont vous trouverez mes impressions ici ainsi que la liste des récompenses.
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Situé dans le quartier de l’ancien ghetto, le Kino Muranów (5 rue du général Anders), est un cinéma à 2 salles très convivial, où se déroulent de nombreux festivals cinématographiques à thème.

9ème festival international du film juif
9ème festival international du film juif

Analyse d’une photographie

Femmes juives à Umschlaglatz

Un groupe de femmes à Umschlagplatz (Cliquer pour agrandir) - © Ghetto Fighter's House
Un groupe de femmes à Umschlagplatz (Cliquer pour agrandir) – © Ghetto Fighter’s House

La scène présentée sur cette photographie se déroule à Varsovie, précisément à Umschlagplatz, la gare de transbordement qui était située à l’extrémité nord du grand ghetto. Ici un groupe d’une vingtaine de femmes est encadrée par des membres de la police juive dont on distingue deux policiers aux extrémités droite et gauche et sept autres en arrière plan.
Cette photographie m’a impressionné et m’a laissé un sentiment très étrange lorsque je l’ai vue, car ce qui transparaît quand on scrute le visage de ces personnes, ce n’est ni la crainte ni la peur mais comme une impression de soulagement. C’est comme si les femmes de ce groupe était restée à attendre quelque part non loin de là et que, certainement après des heures d’attente dans l’inquiétude et l’angoisse du lendemain, une décision avait été prise et que le groupe venait de se mettre en mouvement. Parmi elles il règne une certaine animation, les femmes regardent de toute part, plusieurs discutent.
On remarque plusieurs choses sur cette photo. Au centre, une femme est légèrement penchée, elle porte à sa bouche une miche de pain, sur son bras droit on distingue clairement le brassard blanc avec l’étoile de David que les juifs devaient obligatoirement porter. A sa gauche, sa voisine tient bien serré sous son bras une miche de pain, elle regarde la femme située sur sa droite qui semble porter un morceau de pain à sa bouche. L’action doit se passer juste après une distribution de pain, c’est ce qui semble avoir rassuré le groupe.
En effet, afin d’inciter les juifs du ghetto à se rendre volontairement à Umschlagplatz, les autorités faisaient savoir qu’en vue du déplacement de populations du ghetto vers les territoires de l’est, il était procédé à une distribution de pain pour toute personne qui se rendrait de son plein gré à la gare de transbordement. Déjà soumis à des épreuves extrêmes et à la famine dans le ghetto, la perspective d’une miche de pain était inespérée et beaucoup de juifs se rendirent en effet à la gare. Ces actions s’inscrivaient durant les grandes déportations de l’été 1942. Mais ici il semble que l’action se déroule à une autre saison. Continuons l’analyse de cette photo.
Derrière la femme qui va mordre dans sa miche on en aperçoit une autre en discussion avec ses voisines. On ne distingue ni hommes, ni enfants dans le groupe. Mais le plus saisissant sur cette photo se déroule à droite. Un petit groupe de cinq femmes entourent le policier juif et discutent avec lui. Elles semblent vraiment rassurées, des sourires se dessinent même sur le visage des trois premières. J’imagine qu’aux questions posées, le policier a dû les réconforter, peut être les renseigner sur leur destination vers l’est. Il est clair qu’un sentiment de soulagement s’échappe et se répand parmi le groupe.
Certainement dans la demi heure qui suit, les femmes grimperont sans résistance dans les wagons d’un train aligné à proximité, en serrant contre elles leur miche de pain. Ce qu’elles ignorent c’est qu’en se dirigeant vers Białystok, le train bifurquera en gare de Małkinia, de là, il s’arrêtera au bout de quelques kilomètres à la lisière d’une forêt, les wagons seront ensuite poussés et les portes s’ouvriront sur les quais d’une fausse gare qui avait été aménagée en bordure du camp d’extermination de Treblinka.
Ce qu’il y a de terrible dans cette photo, c’est que les femmes que nous voyons, relativement détendues et convaincues que de meilleurs jours s’ouvriront pour elles, mourront dans les heures qui suivent.
Groupes de juifs assis dans la rue Stawki devant la gare de Umschlagplatz  (Cliquer pour agrandir)
Groupes de juifs assis dans la rue Stawki devant la gare de Umschlagplatz (Cliquer pour agrandir)

Le quartier juif autour de la place Grzybowski

Retour sur un ancien quartier juif

Présentation des articles concernant l’histoire du quartier juif de Varsovie dans les environs de la place Grzybowski et présentation de l’histoire du grand bazar juif Pociejów de la rue Bagno. Egalement la présentation de la synagogue Nożyk.
Mise en ligne de la carte interactive du ghetto de Varsovie (11/1940). Déjà visibles, la présentation de la rue Próźna, la rue Nalewki, les 22 mémoriaux du mur du ghetto.
La carte est en continuel développement, les tracés chronologiques du ghetto seront mis en fonction sous peu (la carte peut poser quelques problèmes avec une version IE 8).

Le journal de Rutka Laskier

Le témoignage d’une fille d’un ghetto

Rutka est née en 1929, probablement à Gdańsk, alors Danzig. Son père Jakub Laskier et sa mère Dvora Hampel étaient originaires de Będzin, une ville située au nord-est de Katowice en Haute Silésie, dans le sud de la Pologne. La présence des juifs à Będzin est très ancienne puisqu’elle remonte au début du XIIIème siècle. La famille Laskier était copropriétaire d’une minoterie à Będzin. Les parents de Rutka s’installèrent en Poméranie à Gdańsk après leur mariage en 1925 où Jakub exerça en tant qu’employé de banque. La famille fut de retour à Będzin en 1930 et le petit frère de Rutka, Heniuś naquit en 1937.
Début 1940, un ghetto fut établi à Będzin où furent confinés 30 000 juifs. Les Laskier emménagèrent avec d’autres familles dans une maison qui fut réquisitionnée à la famille polonaise Sapińska. Alors que le ghetto était encore ouvert, la jeune Stanisława Sapińska, un peu plus âgée que Rutka, se rendit dans la maison familiale et se lia d’amitié avec Rutka. Sentant le dénouement arriver le 24 avril 1943, dernier jour noté dans son cahier, elle fit part à Stanisława de l’existence du journal et lui demanda son aide pour le cacher afin qu’il puisse servir de témoignage. Le journal fut alors placé dans un faux-plancher de l’escalier. La famille Laskier fût transférée vers le ghetto fermé de Kamionka situé à un autre endroit de la ville et Rutka fut employée dans une usine.

Rutka Laskier
Rutka Laskier

La famille fut déportée vers le camp d’Auschwitz-Birkenau en août 1943. Un témoignage retrouvé rapporte qu’en décembre 1943, Rutka attrapa le choléra. Elle fut transportée jusqu’à la chambre à gaz par une amie codétenue, Zofia Minc, qui témoignera par écrit après la guerre. Sa mère, sa grand-mère et son petit-frère périront également.
Le journal fut retrouvé par Stanisława après la liquidation du ghetto lorsque les polonais furent de nouveau autorisés à reprendre possession de leur maison. Stanisława garda le précieux journal dans sa bibliothèque durant 63 années. Ce n’est qu’en 2005, après l’intervention de Adam Szydłowski, alors président du Centre de culture juive de la région de Zagłębie et qui avait été informé de l’existence du journal, que celui-ci sera rendu public puis publié en polonais et enfin porté à la connaissance de Yad Vashem.
Dans son journal qu’elle écrit en cachette, en polonais, elle raconte ses préoccupations d’adolescente, ses rapports avec ses amis, ses premiers émois amoureux dans lesquels il est question d’un certain Janek. Elle y relate également la dure vie dans le ghetto, les exactions et aussi la réalité de la prise de conscience du destin qui se noue, l’existence non loin de là à Auschwitz des chambres à gaz et des fours crématoires dont personne n’ignore l’existence.
Extrait: « 20 février 1943 : J’ai le sentiment que j’écris pour la dernière fois. Il y a une rafle en ville. Je n’ai pas le droit de sortir et je deviens folle : emprisonnée dans ma propre maison ! Toute la ville suspend son souffle et attend. Cette attente est pire que tout et je souhaite que cela finisse vite ! Ce supplice est infernal. J’essaye de chasser ces pensées, mais le lendemain elles continuent de me harceler comme des mouches …
Après la guerre Jakub Laskier qui survécu à la tragédie émigra en Israël, il se remaria et eut une fille prénommée Zahava. Celle-ci, alors âgée de 14 ans, appris l’existence de la première famille de son père après avoir découvert tardivement la photo de Rutka et de Heniuś dans un album photos.
En juin 2007, Stanisława Sapińska s’est rendue à Yad Vashem pour assister à la cérémonie de remise du journal de Rutka en présence de la demi-sœur de Rutka, Zahava, de l’ambassadeur d’Israël en Pologne, du maire de Zagłębie et du directeur de Yad Vashem.
Le journal de Rutka Laskier rejoint celui d’Anne Frank, elles ont témoigné à travers des cahiers les derniers souffles de leur jeunesse perdue.

Un documentaire de 40 mn a été réalisé par Alexander Marengo pour le compte de la BBC et a été diffusé en 2009. Il relate le voyage de la demi-soeur de Rutka, Zahava Sherz en Pologne.
The Secret Diary of the Holocaust (en) parties : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.