Cimetières

En Pologne, les cimetières juifs, cmentarz żydowski (pluriel cmentarze żydowskie) sont également appelés par les polonais kirkut (pluriel kirkuty) qui est un nom dérivé de l’allemand kirkhof (Kirche hof). Les juifs utilisent plusieurs terminologie pour désigner le cimetière comme Beth ha-kevaroth (la maison des tombes), Beth Olam (la maison de la vie éternelle), Beth ha-hayim (la maison de la vie).

Particularités des cimetières juifs

Dans les temps très anciens, les défunts étaient généralement inhumés sur les lieux mêmes où ils avaient vécus, sur leur terre, dans une grotte voisine.
Le premier enterrement dont il est fait mention dans la Bible est celui de Sarah, la femme d’Abraham.
Autrefois, la tombe était recouverte d’une pierre blanchie. Mais plus généralement, les tombes étaient recouvertes de pierres afin que les sépultures ne soient pas retournées par des animaux. Les voyageurs qui passaient à proximité d’une tombe juive prirent l’habitude de déposer une pierre par reconnaissance au mort et pour consolider le petit édifice de pierres. C’est de cette très ancienne tradition que nous vient la coutume de déposer un caillou lorsqu’on se recueille sur une tombe juive.

Par la suite, les sépultures furent rassemblées dans des lieux réservés à cet effet et les cimetières furent établis de manière à ce que les Cohanim puissent éviter d’entrer en contact avec les morts. De même, les cimetières étaient éloignés des maisons d’habitations pour des raisons de superstition. Afin de protéger les sépultures des pillages et des dégâts pouvant être occasionnés par des animaux errants, on édifiât des clôtures autour des cimetières, d’où cette coutume tire son origine.

Le tombeau d'Absalom à Jérusalem, fils du roi David. Aquarelle de David Roberts - 1839
Le tombeau d'Absalom à Jérusalem, fils du roi David. Aquarelle de David Roberts - 1839

Initialement, les pierres et rochers qui étaient utilisés pour marquer une sépulture avaient pour objectif d’indiquer aux Cohanim l’emplacement d’une tombe et donc d’un défunt afin de s’en prémunir pour éviter toute impureté religieuse.
Au moyen-âge, les cimetières étaient établis à une extrémité du quartier juif, appelé juiverie ou ghetto. A cette époque, la place dédiée aux cimetières étant réduite, dû souvent au confinement des populations juives, l’espace était exploité au maximum et les défunts étaient inhumés les uns sur les autres, séparés par une couche de terre. De fait, les vieux cimetières juifs sont un empilage de couches de sépultures.
Lorsque des épidémies, fréquentes cette époque, s’abattaient sur les populations il était de coutume d’effectuer des processions autour des cimetières.

La disposition des tombes dans le cimetière suivait des règles très précises. On a vu précédemment que les tombes des Cohanim étaient situées le long des bordures. Le cimetière était partagé entre la section des hommes, des femmes et des enfants comme on peut le remarquer aujourd’hui dans beaucoup de cimetières juifs polonais en observant les motifs graphiques des pierres tombales. De même, les rabbins et les personnes pieuses et renommées de la communauté étaient enterrées dans un endroit distinct. Les personnes au comportement moral douteux, les suicidés, les convertis étaient inhumés dans un endroit séparé ou mitoyen du cimetière.
Un espacement de 6 pieds doit être respecté entre chaque tombe mais parfois la densité des tombes fait que cette prescription à du mal à être respectée.

Le cimetière juif de Trzebinia. Les tombes des femmes à gauche, celles des hommes à droite.
Le cimetière juif de Trzebinia. Les tombes des femmes à gauche, celles des hommes à droite.

Les cimetières juifs en Pologne, et plus généralement en Europe centrale et en Europe de l’est, sont constitués de stèles érigées qui diffèrent suivant les régions. La différence est assez sensible entre les régions de l’est et de l’ouest. On retrouve néanmoins un peu partout les pierres tombales caractéristiques de forme arrondie dans toute la Pologne. Initialement, les pierres tombales était grossièrement taillées dans des roches en granit et conservaient l’aspect primitif de la pierre. Il y avait peu voire pas de représentations symboliques graphiques. Dans les cimetières plus anciens, comme le cimetière Remuh de Cracovie ou celui de Białystok, on peut apercevoir des sarcophages avec une pierre tombale érigée à une extrémité, parfois les deux.
Dans certains cimetières des anciens territoires polonais de l’est, situés aujourd’hui en Biélorussie, certaines stèles étaient réalisées en bois, on peut encore en observer quelques-unes.
Dans les anciens cimetières des territoires sous domination prussienne au XVIIIème et XIXème siècle comme la Silésie, la Grande Pologne, la Poméranie, on observe beaucoup de stèles en forme d’obélisque taillées dans du marbre noir, essentiellement chez les juifs d’un certain niveau social. Les plaques de marbre noir était également utilisées toujours dans les cimetières de Silésie comme support pour les épitaphes et étaient enchâssées dans des pierres tombales ou des monuments funéraires de granit. On peut voir également des stèles symbolisant l’interruption de la vie comme des colonnes brisées ou des arbres coupés. Pour ces dernières, fonction des qualités artistiques du tailleur de pierres, on peut remarquer une entaille provoquée par la hache imaginaire sur le tronc de l’arbre. Sur ces monuments funéraires, on retrouve souvent à l’arrière la signature du créateur de l’œuvre. L’un des sculpteurs les plus connus du milieu du XIXème siècle était David Friedlander, qui était également un architecture très reconnu qui avait réalisé les plans de plusieurs synagogues.
Suivant les régions, les inscriptions sont gravées en russe (à l’est), en allemand (au sud et à l’ouest), en polonais mais toutes les tombes comportent des inscriptions en hébreu. Souvent sur les pierres tombales gravées en hébreu et dans la langue dominante de l’époque, chaque inscription est gravée de part et d’autre de la pierre tombale, l’inscription en hébreu est généralement présentée sur la face orientée vers l’est.
Dans l’immense majorité, les tombes sont orientées vers l’est, c’est à dire tournées vers la ville Sainte de Jérusalem.

Sarcophage dans le vieux cimetière Remuh de Cracovie
Sarcophage dans le vieux cimetière Remuh de Cracovie

Les tombes juives que l’on rencontre dans les cimetières de l’est et du sud-est de la Pologne sont taillées dans le granit et plus ou moins richement décorées, fonction des qualités artistiques du tailleur de pierres local et des moyens financiers des familles des défunts.
C’est dans ces cimetières que s’exprime tout l’art de la représentation symbolique comme les mains en signe de bénédiction des Cohanim, les chandeliers de Shabbat qui ornent les tombes des femmes, les couronnes et les livres qui indiquent les personnes religieuses et bien d’autres représentations symboliques.
Ces motifs graphiques étaient gravés sur la partie supérieure de la pierre tombale qui pouvait également être encadrée de 2 colonnes pouvant symboliser les colonnes du premier Temple, les épitaphes étant gravées au centre. Ces tombes étaient très souvent peintes avec des couleurs vives aussi avec l’action du temps, les polychromies ont presque toutes disparues et il est assez difficile de se faire une idée de la richesse de tons que pouvait restituer la vue d’un cimetière juif, si ce n’est à travers quelques rares cartes postales anciennes colorisées

Plus généralement, on rencontre également des pierres tombales de forme rectangulaire, plus ou moins décorées, dans toute la Pologne mais plus majoritairement dans les anciens territoires qui étaient sous domination prussienne puis allemande.
Dans certains grands cimetières comme à Łódź ou à Varsovie, on peut admirer des monuments funéraires plus grandioses qui font penser à des temples, parfois avec un style oriental de type mauresque qui était souvent répandu dans l’architecture des synagogues des régions occidentales de la Pologne.
La décoration symbolique des tombes, qui n’est nullement prescrite dans un écrit est apparue petit à petit dès la seconde moitié du XVIIIème siècle.

Le diaporama ci-dessous présente les différentes formes de tombes juives que l’on peut rencontrer en Pologne.


Découvrir la page sur les représentations symboliques sur les tombes juives

Chez les juifs, le cimetière représente une importance spirituelle du même niveau que la synagogue. Dans un cimetière juif, il est interdit de manger, de boire et on doit s’y comporter de manière respectueuse pour les morts, de fait, il est interdit de s’y promener afin d’en retirer un quelconque plaisir. Les animaux n’y sont pas admis,on ne peut pas y faire paître du bétail, cependant, le bétail de première naissance peut y accéder. Pour cette raison, les cimetières juifs étaient encombrés de végétation et de mauvaises herbes.
Un juif portant les téfilines ne peut pas entrer dans le cimetière, de même que les rouleaux sacrés de la Torah car les défunts ne peuvent plus se plier à ses prescriptions religieuses. Un juif vêtu d’un vêtement portant des tsitsit doit les rentrer à l’intérieur de manière à ce qu’ils ne soient pas visibles. Il est également interdit de marcher sur les tombes, mais parfois cela peut être inévitable du fait de la concentration des tombes dans un périmètre réduit.
Toute personne qui pénètre dans un cimetière juif doit se couvrir la tête avec un chapeau, une kippa, juif ou non-juif. C’est le cas dans les 2 cimetières juifs de Cracovie.

Dans le cimetière juif, il n’est pas de tradition de déposer des fleurs sur les tombes. Cela était perçu comme une appropriation de coutumes chrétiennes, de plus « tout ce qui appartient au défunt et à sa sépulture ne peuvent être employés pour le bénéfice du vivant« . Les juifs déposent des cailloux sur les pierres tombales des défunts (voir l’origine de ce geste plus haut) ou des petits papiers appelés cartes votives comme le font les juifs orthodoxes en Pologne lorsqu’ils visitent des tombes de personnes religieuses éminentes comme les rabbins, les tzaddiks.

Dans certains cimetières juifs, on peut parfois remarquer un petit bâtiment en dur sur le terrain du cimetière. Il s’agit d’un Ohel qui peut abriter la tombe d’une ou plusieurs personnalités religieuses éminentes qui ont été inhumées par la communauté. Généralement enterrées à un endroit séparé du reste des défunts, ces personnalités peuvent reposer dans un Ohel, dans un sarcophage. Plusieurs ont survécus à la guerre ou ont été restaurés. C’est le cas à Leżajsk du Ohel d’un grand tzaddik, Élimélekh Weisblum, personnalité très éminente chez les juifs hassidiques du monde entier qui se rassemblent chaque année par centaines dans cette commune du sud-est de la Pologne à l’occasion de l’anniversaire de sa disparition pour se recueillir sur sa tombe et fêter ce grand rassemblement annuel.
Ci-dessous, un diaporama qui présente un Ohel sur l’ancien site du vieux cimetière juif de Sokołów Małopolski qui fut dévasté par les nazis durant la guerre puis démantelé durant la période communiste. Cet Ohel, aujourd’hui situé sur le terrain d’une entreprise municipale, abrite les tombes de deux éminentes personnes de la communauté juive disparue, le rabbin Meilech Weichselbaum et le tzaddik Aba Hipler. De nombreuses cartes votives attestent du passage de fidèles ou de l’envoi par les moyens modernes de communication de ces kvittel. Sont également présentés quelques autres ohel.

Pendant la seconde guerre mondiale, de très nombreux juifs ont été fusillés dans les cimetières, aussi n’est-il pas anecdotique de voir sur certaines pierres tombales des impact de balles.

De la même manière que les défunts, les rouleaux sacrés de la Torah sont mise en terre dans le cimetière lorsque ceux-ci sont trop usagés ou ont été profanés.

Les cimetières juifs en Pologne

En Pologne, toutes les communautés juives ne possédaient pas de cimetière, cela pouvait différer en fonction des droits de résidence qui leur étaient accordés, de la mise à disposition et de la vente d’un terrain par la commune où ils résidaient. De fait, des communautés devaient s’entendre avec d’autres voisines qui possédaient un cimetière afin de pouvoir enterrer leurs défunts. Les négociations et arrangements s’effectuaient entre les représentants de ces communautés

Au fil de l’histoire de la présence juive en Pologne, certains vieux cimetières juifs ont disparus. A l’origine établis non loin du lieu de résidence, du quartier juif, ils furent parfois démantelés dans le cadre de l’agrandissement des villes et des bourgades, souvent pour des raisons sanitaires. Parfois suivant les événements historiques, ils furent détruits. C’est par exemple le cas d’un ancien cimetière juif qui existait sur une colline située au nord ouest de Gdańsk, qui fut détruit durant les guerres napoléoniennes, reconstruit puis de nouveau détruit et dont il ne reste que quelques rares traces difficiles à localiser.
Mais dans la très grande majorité des cas, les cimetières étaient établi à l’extérieur des villes et des villages contrairement aux cimetières chrétiens qui se trouvaient souvent à proximité des églises.

Juif et pleureuse au cimetière - Varsovie. Aleksander Gierymski 1882
Juif et pleureuse au cimetière - Varsovie.
Aleksander Gierymski 1882

Situation avant la guerre

La Pologne d’avant guerre abritait environ 1400 cimetières juifs pour une population juive totale de trois millions et demi de personnes, soit environ 10% de la population polonaise. A cette époque, la Pologne était géographiquement située plus à l’est et son territoire englobait une partie de la Lituanie, la Biélorussie et l’Ukraine occidentale (Galicie). Egalement la structure de la population était extrêmement différente qu’aujourd’hui puisque un habitant sur trois de la Pologne n’était pas d’origine polonaise mais issu des minorités lituanienne, biélorusse, russe, ukrainienne et allemande pour l’essentiel. Les communautés juives étaient également assez diverses en fonction de leur localisation géographique.
Suite à son indépendance après plus de 140 années de partages et annexions entre ses voisins autrichiens, prussiens et russes, indépendance retrouvée au lendemain de la première guerre mondiale et suite au redécoupage de ses frontières telles que définies dans le traité de Versailles de 1919, la Pologne retrouvait certains territoires autrefois partie intégrante du Royaume polono-lituanien.
De fait, une partie des cimetières juifs qui se trouvaient en territoire polonais avant la guerre se retrouvent aujourd’hui en Biélorussie et en Ukraine. De même, certaines régions à forte influence allemande et se trouvant avant la guerre dans les régions allemandes comme la Silésie, la Poméranie, la Prusse orientale se retrouvent aujourd’hui en Pologne.

Les destructions durant la nuit de Cristal

Les cimetières aujourd’hui recensés sur le territoire polonais subirent de très importantes dévastations durant la seconde guerre mondiale et une partie de ces anciens cimetières n’existe plus.
Mais ces destructions débutèrent pour une partie d’entre-eux lors des événements de la nuit de cristal (Reichskristallnacht) en novembre 1938 qui s’étendirent dans toute l’Allemagne du IIIème Reich. De fait, presque tous les cimetières juifs se trouvant dans les régions polonaises actuelles de Basse Silésie, de Haute Silésie, de Grande Pologne, de Poméranie, de Poméranie occidentale ainsi que de la région de Mazurie (ex Prusse orientale) furent très lourdement dévastés, voire complètement détruits. Aussi de très nombreux cimetières ont pratiquement disparus durant cette période et il ne subsiste que peu de traces. C’est le cas notamment en région de Grande Pologne (voïvodie Wielkopolskie), berceau historique de la Pologne, où peu de cimetières ont survécu à cette époque. La capitale de la région, Poznań, ne présente en tout et pour tout qu’un petit carré d’anciennes tombes juives taillées dans des rochers en granit que l’on peut observer dans un carré juif à l’entrée de son grand cimetière catholique ainsi que les vestiges d’un ancien cimetière situé à côté du parc des expositions.
Ces destructions s’inscrivaient dans le pogrom généralisé qui sévit dans toute l’Allemagne nazie en réponse à l’assassinat du secrétaire de l’ambassade allemande à Paris par le jeune juif polonais Herschel Grynszpan. Ordonné par Adolf Hitler ce pogrom de grande ampleur n’était qu’un prétexte pour s’attaquer à la population juive d’une manière beaucoup plus directe en s’en prenant aux lieux de culte ainsi qu’aux entreprises et aux commerces détenus par des juifs. En Pologne, toujours sur les anciens territoires allemands, dans les régions des villes de Szczecin (Stettin), Gdańsk (Danzig), Poznań (Posen), Wrocław (Breslau), Opole (Oppeln), Katowice (Kattowitz)… toutes les synagogues furent dévastées et détruites pour une très grande majorité et les boutiques, magasins et entreprises détenus par des commerçants et entrepreneurs juifs furent pillés et dévastés par milliers.
Ce que l’on connait beaucoup moins, c’est que même les lieux dédiés aux repos des âmes furent la proie des pogroms et bien peu ont survécus.
Il est à noter qu’il n’y eu pas de dévastations de cimetières juifs en France durant l’occupation ni même des tombes de soldats juifs dans les cimetières militaires de la première guerre mondiale.

Les destructions pendant la guerre

L’occupation allemande en Pologne causa des dommages d’une rare ampleur, nombre de villes, bourgs et villages furent détruits. Cependant, c’est dès le début de l’offensive allemande en Pologne en 1939 que beaucoup de cimetières furent dévastés. Dans les territoires de l’est, les cimetières juifs subirent également le même sort dès l’offensive allemande menée contre l’URSS lors du déclenchement de l’opération Barbarossa en 1941.

A Varsovie, le grand cimetière juif fut en partie préservé car il continua à fonctionner durant toute la période du ghetto. A Cracovie, le nouveau cimetière fut endommagé tandis que le vieux cimetière historique fut dévasté, cependant ils purent être restaurés après la guerre. A Łódź se trouve le plus grand cimetière juif d’Europe qui survécut du fait que son ghetto ne fut liquidé que tardivement en 1944.
Avec la destruction et le démantèlement de tout ou partie de cimetières, les pierres tombales juives connurent un bien triste destin puisque elles furent réutilisées en grande partie comme matériaux de construction pour des bâtiments et des habitations ainsi que comme matériaux de terrassement pour des rues, notamment à l’époque de la guerre où encore beaucoup de rues de certaines villes de province de l’est n’étaient pas encore pavées. Ces nouveaux matériaux étaient la plupart du temps utilisés directement par les allemands soit revendus par leur intermédiaire. Par exemple, dans la ville de Dąbrowa Tarnowska située dans la région est de Cracovie, les allemands dévastèrent le cimetière juif et utilisèrent toutes les pierres tombales pour renforcer les rues sur lesquelles circulaient les véhicules de la Wehrmacht.
La destruction d’un cimetière juif par les allemands s’inscrivaient dans la politique d’annihilation de toute présence juive dans les territoires de l’est.

Les destructions après la guerre

Dans la Pologne dévastée d’après guerre les besoins étaient immenses et la reconstruction un chantier titanesque, notamment dans les villes et les villages qui connurent des batailles d’une rare intensité vers la fin de la guerre lorsque les combats entre l’Armée allemande et L’Armée Rouge firent rage dans les régions sud et occidentale de la Pologne.

Les besoins en matériaux de construction firent que beaucoup de gens allèrent se servir dans les cimetières juifs qui avaient été en partie préservés et beaucoup de pierres tombales finirent leur existence dans le mur d’une maison nouvellement reconstruite ou dans la fondation d’une grange. Il est à noter que les cimetières allemands ne furent pas épargnés. Avec l’expatriation des populations allemandes définie par le redécoupage de la Pologne entériné par le traité de Yalta et le déplacement de populations polonaises en provenance des territoires de l’est, le ressentiment de nombreux polonais fut très vif et pratiquement tous les cimetières allemands furent dévastés et les pierres tombales réutilisées comme matériaux de construction dans un pays exsangue et à reconstruire.

Au milieu des champs, les restes du cimetière juif de Byczyna-Biskupice
Au milieu des champs, les restes du cimetière juif de Byczyna-Biskupice
Par la suite, lorsque la Pologne se retrouva sous le joug communiste, plusieurs anciens cimetières juifs qui se trouvaient au milieu de nouveaux programmes immobiliers communautaires qui redessinaient certains quartiers des villes afin d’y construire des immeubles d’habitations ou d’autres types de projets, furent détruits. Ce fut par exemple le cas à Opatów dans la région de Sainte Croix où le cimetière fut démantelé dans les années 1960 alors qu’il abritait encore un millier de tombes dont un certain nombre furent dérobées à cette occasion pour servir comme matériaux tandis que les autres furent revendues par les autorités de l’époque. Ce fut également le cas à Toruń où le cimetière juif encore existant au début des années 1970 fut démantelé et ses pierres tombales dérobées. Il ne reste qu’une collection de photographies des pierres tombales qui avait été réalisée par un polonais soucieux du patrimoine juif.
A Krasnystaw dans la région de Lublin, le cimetière juif en partie dévasté pendant la guerre fut ensuite retourné afin d’y installer une série de pylônes électriques de la nouvelle centrale de distribution électrique voisine.
Mais pour la très grande majorité, les cimetières furent simplement abandonnés. Dans les campagnes, certains furent labourés et finirent en champs de pommes de terre, d’autres en terrains de jeu ou en décharges.
Pour beaucoup, ils demeurèrent en l’état et la nature repris ses droits, de telle sorte qu’aujourd’hui des arbres bouleversent et recouvrent les tombes comme on peut le voir dans le grand cimetière juif de Częstochowa.
De plus, la Pologne se retrouvant derrière le rideau de fer instauré par les communistes, les cimetières juifs restaient un lointain souvenir. Cependant ils ne furent pas tous abandonnés et certains connurent un meilleur sort à travers une restauration, mais cela restait assez limité pour cette période.

Etat des cimetières juifs dans la Pologne actuelle

Depuis la fin des années 1980 et la chute du mur de Berlin, on commença à porter un nouveau regard sur l’héritage juif en Pologne, un regard encore timide au départ.

L’accès nouvellement facilité sur le territoire polonais permis à de nombreuses associations juives de l’étranger aidées par des autorités locales et régionales de réunir des fonds afin de procéder aux premières restaurations de cimetières juifs, en dépit des priorités budgétaires locales dans le contexte d’une Pologne en pleine restructuration économique et industrielle dans les années 1990. Il s’avérait que les fonds nécessaires à la restauration et à l’entretien d’un cimetière étaient plus faciles à réunir que ceux qu’ils fallaient rassembler pour la restauration d’une synagogue, ce qui pose toujours un problème, essentiellement dans les petites communes anciennement des Shtetl, où les communautés juives ont disparues depuis la guerre et où les fonds pouvant être alloués restent très limités.

Avec les années 2000 est apparu une nouvelle génération de polonais née au milieu des années 1970 et durant les années 1980 qui portent un nouveau regard sur leur histoire et sur leur passé. La génération d’après guerre n’avait pas été vraiment sensibilisée sur l’histoire et le patrimoine juif dont l’histoire fut longtemps occultée des programmes scolaires et du système éducatif national au profit d’une Pologne longtemps présentée comme unique victime du nazisme (le mot holocauste fait sa première apparition dans un ouvrage scolaire en 1993). Aussi une partie de cette nouvelle génération se sensibilisa progressivement au patrimoine juif encore très riche en Pologne. De nombreuses villes et villages procédèrent et continuent aujourd’hui la restauration de leur cimetière juif présent sur leur commune, comme par exemple dans la ville de Chrzanów dans la région est d’Auschwitz, où résidait une forte communauté juive de 20 000 personnes avant la guerre, et où un important travail de restauration a été mené en 2007 à l’initiative des autorités locales et des représentations juives polonaises dans ce cimetière qui abrite plus de 3000 tombes.
De plus, avec les modernisations des infrastructures initiées avec l’aide des fonds européens, depuis que la Pologne a fait son entrée au sein de l’Union Européenne, il n’est pas rare que des pierres tombales juives qui avaient été utilisées durant la guerre comme matériaux de terrassement, réapparaissent au gré des modernisations urbaines qui interviennent actuellement. Les pierres tombales reprennent le chemin des cimetières et lorsque ceux-ci n’existent plus, elles sont alors remise en valeur à travers des lapidarium qui rappellent aux habitants la présence d’un ancien cimetière juif.
Tel est le cas à Nowy Dwór Mazowiecki, une petite ville située au nord de Varsovie qui possède un cimetière juif longtemps délaissé et dont les autorités, avec l’aide de représentations juives de l’étranger, ont décidé la construction d’un lapidarium sur le site de l’ancien cimetière, monument inauguré le 14 juillet 2011, à partir de nombreuses pierres tombales qui ont pu être récupérées et restaurées.
En juin 2011, dans la région de Basses Carpathes, non loin de la commune de Błażowa, un adepte de VTT a mis à jour des pierres tombales juives qui gisaient dans le lit de la rivière Strug, les autorités locales ont décidé de les remonter puis de les restaurer avec l’aide de spécialistes afin qu’elles retrouvent le chemin du cimetière juif de la commune qui fut établi au XVIIème siècle.
En 2010, lors de travaux menés sur la commune de Mielec toujours dans la région de Basses Carpathes, sur la place du marché, les excavatrices ont pu mettre à jour toute une série de pierres tombales juives qui avaient été réutilisées pour la réfection de rues et de trottoirs à l’initiative des allemands après le démantèlement d’une grande partie du cimetière juif pendant la guerre.


Comme ses voisins européens, la Pologne n’est cependant pas à l’abri des profanations qui interviennent dans les cimetières juifs. Les autorités locales aujourd’hui sensibilisées à ces exactions essaient de se prémunir en renforçant les clôtures et en limitant les accès notamment dans les cimetières des grandes villes qui sont mieux surveillés. Parfois, les habitants des anciennes maisons mortuaires mitoyennes aux cimetières ont la charge de la surveillance du cimetière et possèdent les clés d’accès.

Généralement, dans les grandes villes, il n’est pas possible de visiter les cimetières le samedi (Shabbat) mais dans la très grande majorité des cas, les cimetières juifs sont accessibles.
Dans quelques cimetières comme le veut normalement la tradition juive, le port de la kippa est nécessaire, c’est le cas lorsqu’on visite les deux cimetières juifs de Cracovie. Des kippas sont alors disponibles auprès des gardiens pour les non-juifs et les visiteurs qui n’en possèdent pas lors de leur passage.
Représentations symboliques sur les tombes juives