10 édition du Festival International « Thèmes Juifs »

Les films récompensés

The flat de Aron Goldfinger.
Hitler’s childern de Chanoch Ze’evi.
Catherine the Great de Anna Kuntsman.
Hava Nagila de Roberta Grossman.
Tonia and her children de Marcel Łoziński.
How to re-establish a vodka empire de Daniel Edelstyn.
No full stop de Shlomo Slutzky.
Ida Haendel – This is my heritage de Christine Jezior.

Ci-dessous, une petite liste parmi les films présentés, que j’ai apprécié particulièrement.

In search of a lost childhood (A la recherche d’une jeunesse perdue), un documentaire de Matthias Frickel à la découverte de Bruno Schulz, écrivain et dessinateur polonais né à Drohobycz en Galicie, aujourd’hui en Ukraine. Sa vie peut se résumer en une phrase: «il est né comme un autrichien, il a vécu comme un polonais, il est mort comme un juif». Le réalisateur nous transporte dans cette ville de Galicie sur les traces de l’écrivain plutôt méconnu à l’ouest et s’entoure d’artistes qui ont puisé leur inspiration dans l’oeuvre de Bruno Schulz pour nous faire revivre le parcours de cet auteur. J’avais eu l’occasion d’approcher l’environnement de Bruno Schulz lors d’une petite exposition à la galerie du Kordegarda (Corps de Garde) à Varsovie. Je conseille donc de s’immerger un peu dans l’oeuvre et l’histoire de cet auteur atypique. Bruno Schulz a été tué par un officier SS sur un trottoir de Drohobycz en 1942.
Découvrir l’oeuvre de Bruno Schulz.
» Le film documentaire sur le site du festival.

Call me a jew (Appelez-moi un juif), un documentaire de Michael Pfeifenberger qui présente une très intéressante enquête auprès de survivants juifs de la Shoah d’origine autrichienne installés en Israël et leurs descendants ainsi qu’en Autriche, pays qui s’est longtemps considéré comme victime du nazisme. J’ai été extrêmement surpris d’apprendre que l’enseignement de la Shoah en Autriche dans le système scolaire était réduit à sa plus simple expression et le niveau de connaissance (de non-connaissance devrais-je dire) du sujet de la part des élèves vraiment déroutant. L’auteur soulignait après la projection du film que la défense de Stalingrad était perçue par nombre d’autrichiens comme l’un des moments les plus importants de la guerre pour eux et à la question comment avait été reçu le film en Autriche, il répondit d’une manière imagée: «c’est comme si un oiseau avait fait une m… dans un nid».
» Le film documentaire sur le site du festival.

Yael, un documentaire extrêmement intéressant de Emil Piórek et Rafał Żwan sur la conversion au judaïsme de Natalia, une jeune fille polonaise issue d’une famille très catholique. Des motivations de son parcours en Pologne qui a pris naissance suite aux cours d’histoire sur l’holocauste jusqu’au long cheminement du processus de conversion en Israël, on découvre le cheminement progressif d’abord par son implication active auprès de la communauté juive de Varsovie, puis l’épanouissement vers sa nouvelle religion dans son nouveau pays. L’étonnement, la réticence puis l’acceptation de sa famille et de ses amis. Un parcours étonnant et plein d’enseignements à travers la conversion de la catholique Natalia devenue la juive Yael.
Le film documentaire sur le site du festival.

Room 514 (Pièce 514), un film de Sharon Bar-Ziv sur le huis-clos d’une confrontation forte et intense entre une enquêtrice militaire déterminée et un officier soupçonné de violence envers des palestiniens. L’auteur traite avec psychologie et réalisme les fortes pressions exercées par la hiérarchie sur l’enquêtrice et celles auxquelles sont confrontés l’officier et son unité sur le terrain. La détermination de la jeune femme à mener jusqu’au bout cette enquête aura des conséquences lourdes insoupçonnées.
» Le film sur le site du festival.

Letters from Szczuczyn (Lettres de Szczuczyn), documentaire de Bolesław Maciej Miguła sur un pogrom méconnu arrivé en 1941 où 300 juifs ont été tués par des polonais. Miguła, fraîchement diplômé de l’école cinématographique de Łódź, aborde ici un sujet difficile avec ce court métrage tourné sur place à Szczuczyn, un site que j’ai eu l’occasion de visiter. Bien documenté, le film aborde l’impensable commis par une minorité de la population en 1941, la crainte de voir aujourd’hui le village entier marqué par l’infamie et les réactions et réflexions d’intervenants sur ce drame.
» Le film documentaire sur le site du festival.

Nota: Ce pogrom s’inscrit avec plusieurs autres dont celui de Jedwabne parmi les tragiques événements qui ont jalonnés cette période de 1941 en région de Podlachie (nord-est de la Pologne) lors de l’opération Barbarossa lorsque les troupes allemandes ont envahi l’URSS. Cette région était alors sous domination russe après le partage de la Pologne dès le début de la guerre entre l’Allemagne nazie et l’URSS de Staline, suite au pacte secret Molotov-Ribentropp. Durant la période comprise en 1939 et 1941 les juifs virent généralement d’un bon œil l’arrivée des russes dans la région et ils n’eurent pas à subir de réelles persécutions durant cette présence. La situation fut très différente pour les populations polonaises de la partie orientale du pays dominée par les russes. Le NKVD organisa la déportation de plus d’un million de polonais vers la Sibérie, le Kazakhstan et l’extrême orient, principalement des fonctionnaires et des agriculteurs, des familles réfugiées, des policiers et leur famille, des propriétaires terriens ainsi que d’autres catégories sociales. Ces populations se retrouvèrent dans des conditions extrêmes et soumises en camps de travail. Les historiens estiment aujourd’hui à 320 000* le nombre de polonais morts durant les déportations vers l’est et durant leurs dures conditions de vie. Le pogrom de Szczuczyn s’inscrit donc durant cette période de vide administratif, au début de l’été 1941, après le départ des russes et l’arrivée des allemands dans un climat de fort ressentiment des polonais à l’égard des juifs souvent considérés comme complices. L’histoire des déportations de polonais vers la Sibérie et le Kazakhstan est très peu connue en Europe de l’ouest mais doit être lue afin de comprendre certains mécanismes qui, sans pour autant y adhérer, ont pu pousser des polonais à commettre de tels actes. Si le sujet reste toujours sensible en Pologne auprès des générations d’avant et d’après guerre, il est plutôt franchement abordé avec les nouvelles générations.
(*) Edmond Gogolewski: La Pologne et les polonais dans la tourmente de la deuxième guerre mondiale
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Egalement le documentaire No full stop de Shlomo Slutzky (film récompensé) qui nous ramène durant la dictature militaire en argentine des années 1970 et le retour de l’auteur lors de la couverture du procès du général Menendez. Le documentaire traite de sa rencontre avec d’anciens camarades de lutte du mouvement socialiste sioniste Hashomer Hatzair et des profondes dissensions causées dans la communauté juive entre ceux qui choisirent de partir en Israël et ceux qui restèrent pour mener la lutte en Argentine contre la dictature soutenue par les Etats-Unis, allié d’Israël, au prix de nombreuses tortures et disparitions. Un aspect méconnu des conséquences de la dictature sur la communauté juive d’Argentine et son profond impact, à découvrir.
» Le film documentaire sur le site du festival.
Voir le trailer du film.

Edition 2008 du festival.