La synagogue de Gwoździec

Gwoździec, une synagogue retrouvée

(Ukrainien: Гвіздець – Hvizdets, polonais: Gwoździec, Yiddish: Gvozdetz)
Oblast de Ivano-Frankivsk.
Latitude: 48°34’45.85″N, Longitude: 25°17’1.01″E.

Bien qu’elle avait été érigée dans une localité située aujourd’hui en Ukraine, dans l’actuelle région de Podolie, la synagogue de la communauté juive de Gwoździec se trouvait dans la partie sud orientale de l’Union polono-lituanienne qui réunissait le Royaume de Pologne et le Grand Duché de Lituanie.

L’intérêt de présenter cette synagogue réside dans le fait que sa coupole intérieure a fait l’objet d’une reconstruction fidèle qui reprend toute l’architecture de la charpente et les panneaux ornées de magnifiques polychromies qui viendront habiller l’une des salles (Miasteczko – Jewish town) du Musée de l’Histoire des juifs Polonais de Varsovie.

L’origine de la construction de la synagogue en bois de Gwoździec nous est méconnue mais une date comprise entre 1635 et 1650 est néanmoins avancée. Certains parties de la synagogue ont à priori été construites vers le milieu du XVIIème siècle mais la synagogue que l’on pouvait encore admirer au début de la seconde guerre mondiale a été édifiée et remaniée entre 1700 et 1731, cette dernière date lors de laquelle les polychromies de la coupole ont été terminées lorsque la synagogue est passée sous l’autorité du nouveau rabbin Isaac Schor.
La synagogue était située à moins de 200 mètres de l’église du monastère des Bernardins, le long du mur de son jardin.

La synagogue de Gwoździec - © shabbat-goy.com
La synagogue de Gwoździec – © shabbat-goy.com
La coupole, ou voute qui habillait le centre de la synagogue était censé rappeler, par sa forme, le tabernacle en référence à celui bâti dans le désert lors de l’exode des juifs après leur sortie Égypte. Cette coupole de forme incurvée et montée sur une charpente qui reprenait un style baroque habillait tout le plafond de la salle de prière.
Aussi bien en terme de richesse picturale, de couleurs des polychromies que de construction, la synagogue s’inscrivait dans la grande tradition polonaise des architectures en bois dont aujourd’hui de nombreux témoignages sont encore visibles à travers les églises et cerkiew en bois, dont certaines vieilles de plusieurs siècles.
A Gwoździec, l’architecture de la synagogue s’inspirait surtout de la tradition architecturale de la construction en bois ukrainienne à laquelle venait s’ajouter un style baroque influencé par la noblesse polonaise et l’église catholique, qui s’illustrait notamment par l’architecture de la coupole, et bien évidemment par les aspects architecturaux et décoratifs issus de la tradition juive. L’art pictural juif dans la décoration des synagogues allait puiser sa source dans la tradition ashkénaze médiévale à travers les divers motifs inspirés de l’art liturgique juif.
L’agencement de la coupole de la synagogue a été retravaillé durant l’année 1729.
Le principe même de l’architecture particulière de la coupole que l’on rencontre dans la synagogue de Gwoździec repose sur la tradition orientale des tentes ottomanes adoptée par la noblesse polonaise après le siège de Vienne qui vit la défaite des troupes ottomanes et la capture des tentes du grand Vizir par les troupes polonaises du Roi Jan Sobieski III. Avec un toit de forme conique orné d’armoiries et d’écussons, et des élévations verticales, cette forme allait imprégner un aspect de la culture nationale polonaise à laquelle venait s’ajouter les ornements et décorations également inspirés des tapis orientaux que l’on pouvait trouver dans cette région de l’Ukraine alors voie commerciale vers l’Asie mineure et des échanges entre les juifs de culture ashkénazes et les communautés séfarades avec lesquelles elles commerçaient et communiquaient.
La coupole et la charpente de la synagogue de Gwoździec - shabbat-goy.com
La coupole et la charpente de la synagogue de Gwoździec – shabbat-goy.com
Inspirée de ces diverses sources artistiques et culturelles, l’architecture de la coupole de Gwoździec se révélait néanmoins précurseur dans ce domaine architectural des synagogues et notamment dans cette région.
Une bimah richement ornée était située pratiquement au centre de la salle de prière, en face de l’Arche Sainte qui s’élevait jusqu’à la hauteur de la coupole. Le point le plus culminent de la coupole s’élevait à 11 mètres et les côtés de la salle de prière étaient également de 11 mètres.
Avec l’émergence de la période des Lumières et l’apparition des mouvements hassidiques durant la seconde moitié du XVIIIème siècle, la tradition de construction de synagogues calquées sur le modèle de celle de Gwoździec déclina et fut peu à peu abandonnée. Cependant les synagogues existantes furent maintenues et entretenues.

Dès la fin du XIXème siècle et durant la première moitié du XXème siècle, nombre d’artistes et historiens prirent conscience de ces joyaux architecturaux et artistiques, et de cette manière malgré les lourdes destructions de ce patrimoine lors du dernier conflit mondial, certains documents et photographies purent arriver jusqu’à nous. C’est pour cette raison que la riche documentation encore existante de cette synagogue a été l’un des points déterminants de son choix dans le cadre de la construction de la réplique pour le Musée.

La synagogue était dotée d’une partie séparée pour les femmes. Cet espace était situé dans la partie nord et on y accédait par une entrée séparée. Les femmes avaient une vision extrêmement réduite de la salle de prières, en effet, seules des petites ouvertures horizontales (voir diaporama plus bas) offraient une vision très limitée de l’intérieur de la synagogue, en position assise.

Reconstruction d'une polychromie de la voute de la synagogue de Gwoździec
Reconstruction d’une polychromie de la voute de la synagogue de Gwoździec
Les polychromies de la coupole de la synagogue de Gwoździec ont été principalement réalisées par 2 artistes juifs venus de la communauté de Jarychów au nord ouest de la région de Lwów (Lviv); Isaac fils de Judah Leib ha-Cohen et Israel fils de Mordecai.
La synagogue de Gwoździec durant l'entre deux guerres - © Tel Aviv Museum of Arts
La synagogue de Gwoździec durant l’entre deux guerres – © Tel Aviv Museum of Arts
Dans la Pologne d’avant guerre dont les territoires s’étendaient plus à l’est et recouvraient une bonne partie de la Biélorussie, une partie de la Lituanie et la partie occidentale de l’Ukraine, ajoutés à la partie orientale actuelle de la Pologne, on dénombrait plus de 200 synagogues en bois en 1939 dont la plus imposante se trouvait en région de Podlachie (Podlaskie) au sud de Białystok à Zabłudów. Aucune synagogue en bois n’a survécu à la destruction nazi, elles ont toutes disparues.
Le quartier juif de Gwoździec était localisé dans la partie nord est de la ville, cependant il n’était pas isolé du reste de la population, les autres communautés polonaises et ukrainiennes se rassemblant dans d’autres parties de la ville. Ce qui n’empêchait pas certaines familles juives de résider dans d’autres quartiers et vice-versa.
En 1712, une quarantaine de familles juives étaient recensées dans la ville. En 1765, 541 juifs habitaient à Gwódziec, ils représentaient environ 60% de la population. Au milieu du XIXèm siècle, les juifs représentaient la majorité des habitants de la ville. Durant les recensements effectués en 1900, 1921 et 1935, on comptait respectivement 1650, 651 et 2331 juifs à Gwoździec.
A l’issue de la première guerre mondiale, une partie de la ville fut détruite durant les combats entre l’armée russe d’un côté et l’armée austro-hongroise de l’autre.
Durant le dernier conflit mondial, la ville a été occupée dès le 2 juillet 1941 jusqu’au 27 mars 1944 par les troupes allemandes. Plus de 3000 habitants ont été tués, principalement des juifs. Un ghetto a été établi à Gwoździec en 1941 et les déportations ont commencé durant l’année 1942 vers le camp d’extermination de Bełżec. Le ghetto a été liquidé en 1943.

Le célèbre peintre juif viennois Isador Kaufman a visité la synagogue dans les années 1890. Des dessins et des photographies ont été réalisés durant l’entre-deux guerres par des étudiants de l’institut de l’école polytechnique de Varsovie. C’est ainsi que des traces qui témoignent de la beauté de la synagogue et de ses polychromies ont pu traverser le temps.

Certaines sources présentées ici sont puisées de l’ouvrage Resplendent Synagogue: Architecture and Worship in an Eighteenth-Century Polish Community.


Le projet de reconstruction de la coupole de la synagogue de Gwoździec est mené conjointement par l’Association de l’Institut Historique Juif de Varsovie et le Handshouse Studio, une organisation américaine à but non lucratif.