La dernière section du mur du ghetto de Varsovie

Les ultimes traces du mur

La photo ci-dessous présente l’une des deux dernières sections du mur du ghetto de Varsovie, préservée grâce à l’action active d’un polonais, Mieczyslaw Jędruszczak, venu habiter quelques années après la guerre un immeuble mitoyen.

La dernière section du mur du ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com
La dernière section du mur du ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

A l’origine le mur, long de 16 kilomètres, enserrait plus de 100 hectares d’immeubles et de rues réservés au confinement des juifs de Varsovie et de toute sa région. Le périmètre du ghetto se réduisit au fur et à mesure des déportations et ses limites furent régulièrement modifiées.
Les derniers tronçons aujourd’hui visibles étaient situés dans la limite sud alors occupée par le petit ghetto et des murs avaient été érigés à l’intérieur des cours des immeubles situés entre les rues Sienna et Złota.
De très nombreux visiteurs se rendent aujourd’hui sur les lieux où se trouvent ces deux tronçons de mur en passant par l’intérieur des cours (accès par le numéro 62 de la rue Złota) mais très peu visitent le mur côté est qui donne sur la cour du groupe scolaire situé au 55 de la rue Sienna. Sur cette façade de mur a été apposé en 2010 l’un des 22 mémoriaux, à l’initiative des professeurs et des élèves du Lycée, suite à la mise en place de 21 autres mémoriaux en 2008 par l’Institut Historique Juif de Varsovie, mémoriaux qui balisent et rappellent tout le pourtour du ghetto.
Découvrir le mur du ghetto de la rue Sienna.
Découvrir la chronologie de la mise en place du ghetto de Varsovie.

A Nalewki, les canards sont toujours là…

L’ombre de la rue juive plane toujours

Nalewki, c’était là où battait le cœur de la vie juive, une rue à part dont la pulsation résonnait dans toute la capitale.
Nalewki comme on appelait alors tout cet endroit, c’était le quartier juif de Muranów, ou le quartier nord comme on disait aussi. La rue Nalewki n’existe plus, elle a été broyée par la déferlante noire et vert de gris.

La rue Nalewki - Nalewki street
Axe de l’ancienne rue Nalewki, à Varsovie, un matin d’hiver – © www.shabbat-goy.com

Nalewki, c’était une belle rue, avec de beaux immeubles, de belles façades, de belles devantures, et, à chaque porte cochère, une arrière-cour qui communiquait avec d’autres arrière-cours, un labyrinthe d’arrière-cours où grouillait une vie intense et d’où s’élevait une langue porteuse de vie et de lendemains, le yiddish.
A Nalewki se concentraient plus de 700 commerces, boutiques et ateliers, c’est à dire encore plus que sur la majestueuse avenue Marszałkowska, ces superbes Champs-Elysées de Varsovie, eux aussi broyés dans la tourmente.
Le quartier a été reconstruit après la guerre et la rue Nalewki s’est évanouie pour laisser place aujourd’hui à la grande avenue du Général Anders qui ne suit pas tout à fait le tracé d’antan.

Ce samedi matin, aux abords du parc Krasiński, à proximité de l’ancien emplacement où s’élevait l’une des nombreuses portes du ghetto, des canards se réchauffent au soleil.
Peut-être qu’avant la guerre, certainement même, d’autres palmipèdes se réchauffaient ainsi par une matinée d’hiver en regardant passer des charrettes débordant de marchandises, des dames emmitouflées dans de longs manteaux et fichus et des gamins qui courraient en criant.
Mais autrefois, le samedi, dans la rue Nalewki, c’était le calme qui régnait.
Seuls des tramways brinquebalants et des silhouettes noires en caftan traversaient la rue, car autrefois dans la rue Nalewki, le samedi, c’était Shabbat…

© www.shabbat-goy.com – Photo prise dans l’axe de l’ancienne rue Nalewki.
» Découvrir la rue Nalewki sur Shabbat Goy.

Quand l’architecture se rappelle l’histoire

L’immeuble 2 de la rue Muranowska

Muranowska 2 - Hier et aujourd'hui (Cliquer pour agrandir)  © www.shabbat-goy.com - Narodowe Archiwum Cygrowe
Muranowska 2 – Hier et aujourd’hui (Cliquer pour agrandir)
© www.shabbat-goy.com – Narodowe Archiwum Cygrowe
Les habitués du stade de football Polonia situé à proximité de l’hôtel Ibis ainsi que les automobilistes qui se rendent à Varsovie en empruntant le pont de Gdańsk passent devant l’hôtel du numéro 2 de la rue Muranowska. Moi même j’ai dû y passer une centaine de fois jusqu’au jour où je me suis rendu compte que l’architecture particulière de cet hôtel n’était pas sans rappeler celle de l’immeuble qui existait là avant la guerre.
A l’origine, l’immeuble du 2 de la rue Muranowska avait été construit en 1937-1938 d’après les plans de l’architecte Konstanty Srokowski. Il était situé à l’angle de la rue Muranowska et de la rue Przebieg.
Son propriétaire était un certain Chaim Rozen.
Ce bâtiment était situé à proximité de la place Muranowski qui se trouvait au nord du quartier juif de Muranów, à l’extrémité de la rue Nalewki.
Durant la guerre, l’immeuble fut intégré dans le périmètre du grand ghetto en novembre 1940 et en fut exclu en mars 1942 lors du redécoupage du ghetto. Les immeubles numéros pairs de la rue Muranowska situés en face restèrent intégrés au ghetto jusqu’au soulèvement de 1943.
.
Le mur du ghetto (voir diaporama ci-dessous) sépara la rue Muranowska en deux durant un an (1942-1943).
L'immeuble Muranowska 2 après la guerre © www.werttrew.fora.pl
L’immeuble Muranowska 2 après la guerre (Cliquer pour agrandir)
© www.werttrew.fora.pl

A la fin de l’insurrection du ghetto en mai 1943, l’immeuble Muranowska 2 était encore debout. C’est durant l’insurrection de Varsovie de 1944 que la partie ouest donnant sur la rue Przebieg fut endommagée. L’immeuble fut restauré après la guerre. Tous les autres bâtiments de cette section de quartier en ruine furent par contre démolis.
L’immeuble Muranowska 2 a été lui démoli au début des années 1970. L’hôtel Ibis visible aujourd’hui a été construit en 2001 pour le compte du Groupe Accor par la société ART GROUP Sp. z o.o.
L'immeuble Munarowska 2 et le ghetto nord
L’immeuble Munarowska 2 et le ghetto nord (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com – www.mapa.um.warszawa.pl


Afin de conserver la mémoire des pertes irrémédiables qui ont englouti bâtiments et monuments durant la guerre, plusieurs immeubles de la capitale ont été reconstruits selon des architectures contemporaines mais tout en conservant leurs lignes d’antan, comme cela a été par exemple
le cas avec l’immeuble de bureaux édifié sur les ruines de l’ancienne banque de Pologne.

Autres liens avoisinants:
La rue Przebieg.
Topologie du secteur nord-est du ghetto de Varsovie.

Un lieu, une histoire

Jürgen Stroop à Umschlagplatz

Supplétifs nazis et Jürgen Stroop à Umschlagplatz
Supplétifs nazis et Jürgen Stroop à Umschlagplatz (Cliquer pour agrandir)

Lorsqu’ils se rendent au mémorial de Umschlagplatz de la rue Stawki, les visiteurs sont loin de s’imaginer que le général Jürgen Stroop se tenait debout, à quelques mètres de là, 81 ans en arrière…

Photo prise durant l’insurrection du ghetto : le général SS Jürgen Stroop accompagné de supplétifs étrangers (en uniforme noir) sur le site de Umschlagplatz, la gare de transbordement située au nord du ghetto de Varsovie d’où furent déportés vers le camp d’extermination de Treblinka les juifs de la capitale et de sa région.

Stroop dirigea la liquidation du ghetto de Varsovie en avril-mai 1943 durant laquelle plus de 50 000 juifs périrent. Il déclencha lui-même le dynamitage de la grande synagogue de Varsovie et rédigea un rapport appelé le rapport Stroop ayant pour titre « Le ghetto de Varsovie n’existe plus », document dans lequel est décrit la chronologie de la liquidation accompagné d’une collection de photos. Ce document fut utilisé lors du procès de Nuremberg. Arrêté puis jugé par les américains en 1947, il fut extradé en Pologne, jugé puis condamné à mort en 1952.
Les supplétifs nazis étaient recrutés auprès de soldats déserteurs de l’armée rouge, de nationalistes lettons et ukrainiens pour l’essentiel. Ils furent surtout employés à la garde des camps, à la surveillance et la liquidation de nombreux ghettos et à des opérations de liquidation des communautés juives dans les territoires de l’est. Ils étaient surnommés Askaris par les allemands.

Umschlagplatz
Vue aérienne du nord du ghetto et de la gare de transbordement Umschlagplatz. Flèche d’orientation de la photo du haut. (Cliquer pour agrandir) © www.mapa.um.warszawa.pl

Topologie du secteur nord-est du ghetto de Varsovie

Retour sur une zone disparue

The north-east area of the Warsaw ghetto
Limite nord-est du Ghetto. Intersection des rues Bonifraterska et Żoliborska (Cliquer pour agrandir)

La limite nord-est du ghetto aujourd'hui (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com
La limite nord-est du ghetto aujourd’hui au niveau de la rue Bonifraterska et le mémorial du mur au centre (Cliquer pour agrandir)
© www.shabbat-goy.com

Dès le 15 novembre 1940, un ensemble d’immeubles (couleur brun) encadrés par les rues Bonifraterska, Muranowska, Żoliborska et Pokorna (voir vue aérienne ci-dessous) ont été intégrés dans le périmètre du ghetto. Cette partie située à l’extrémité nord-est du grand ghetto était voisine de la gare de Umschlagplatz.
Juste au nord de la place Muranowski et le long de la rue Żoliborska se trouvait un dépôt de tramways que l’on aperçoit ci dessus et sur la photo aérienne ci-dessous (en rouge). En février 1941, la limite du ghetto fut modifiée à cet endroit et le dépôt en fut exclu. Quelques mois plus tard, en juin 1941, une passerelle en bois (en jaune) fut édifiée au dessus de la rue Przebieg afin d’accéder à l’immeuble situé le plus au nord-est du ghetto.
Un peu avant le début des grandes déportations, en mars 1942, cet ensemble d’immeubles fut exclu du périmètre du ghetto. De fait, il ne fut pas détruit lors des tragiques événements de l’insurrection d’avril 1943. Cependant, à la fin de l’insurrection de Varsovie en 1944, presque tous les immeubles étaient en ruine. Aujourd’hui, toute la zone a entièrement disparue (y compris les rues Przebieg, Żoliborska, Pokorna et Sierakowska). Un mémorial du mur du ghetto a été érigé au bout de la rue Bonifraterska et l’avenue du Général Anders traverse aujourd’hui tout le secteur.
» Voir la page de présentation de la passerelle de la rue Przebieg.

C’est dans ces environs, au XVIIème siècle que l’architecte italien Giuseppe Simone Bellotti venu en Pologne exercer ses talents avait fait bâtir son manoir appelé Murano en souvenir de l’île du même nom au nord de Venise où il était né, nom qui resta pour désigner le futur quartier juif de Muranów (une page sur l’origine de Muranów).

Le secteur nord-est du ghetto après l'insurrection de 1943
Le secteur nord-est du ghetto. Le dépôt de tramways en rouge (Cliquer pour agrandir)

La table de café du ghetto

L’archéologie de l’holocauste

Fouilles dans la rue Swiętojerska - La table de café du ghetto
Fouilles dans la rue Swiętojerska – La table de café du ghetto (Cliquer pour agrandir)
© Żydowski Instytut Historyczny

L’archéologie nous permet de restituer et reconstituer des périodes lointaines enfouies sous nos pieds, dans les profondeurs des sables, des villes. Il est aussi une autre forme d’archéologie qui nous rappelle une présence pas si lointaine.
A l’occasion du 70ème anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, une exposition qui se tenait en avril dernier et que j’avais eu l’occasion de découvrir au Corps de Garde (Kordegarda) présentait des objets et des réalisations autour du thème de l’holocauste.
Parmi elles se trouvait une table de café mise au jour dans la rue Swiętojerska qui était alors située dans la zone du grand ghetto.
Tomasz Lec architecte et co-designer des 22 mémoriaux du mur du ghetto avait mis en valeur pour l’occasion la table de café retrouvée.

La table de café du ghetto © Tomasz Lec - Żydowski Instytut Historyczny
La table de café du ghetto
© Tomasz Lec – Żydowski Instytut Historyczny

Le ghetto de Varsovie, à Paris

Comprendre la taille du ghetto

Vue aérienne du ghetto de Varsovie
Vue aérienne du ghetto de Varsovie à la fin de la guerre (cliquer pour agrandir)

Il peut être difficile pour un français de s’imaginer la taille du ghetto de Varsovie et la chose est évidemment compréhensible.
Celui de Varsovie à sa fermeture en novembre 1940 avait une superficie de plus de 300 hectares et était bordé par un mur de 16 kilomètres de long.
Aussi je me suis dit que la meilleure façon de matérialiser cette surface était de la transposer sur une carte actuelle de la ville de Paris, ici au niveau des arrondissements 15ème, 7ème (principalement) et 6ème, avec une photo du ghetto prise à la fin de la guerre.

Si l’Etat français a officiellement collaboré durant la guerre et mis en place des camps d’internement, aucun ghetto n’a été établi sur le territoire par l’occupant.
On peut par contre rappeler que le camp de concentration de Natzwiller-Struthof a été établi en Alsace.

Le ghetto de Varsovie à Paris
Le ghetto de Varsovie à Paris (Cliquer pour agrandir) – Carte Google Earth

» Chronologie de la création du ghetto de Varsovie.