2015, le ghetto de Varsovie

Comprendre la taille du ghetto

Il est toujours difficile de s’imaginer ce que pouvait être le ghetto de Varsovie, par sa taille. Sa superficie s’étalait sur plus de 300 hectares et le mur qui l’entourait à l’origine avait 16 kilomètres de long.

Warsaw ghetto 2015
Warsaw ghetto 2015 – Le tracé (Cliquer pour agrandir)

La vidéo ci-dessous que j’ai réalisée donne une première approche de cet immense périmètre.
Le circuit démarre depuis la limite nord du ghetto pour se diriger ensuite vers la limite sud. Ensuite le tracé bifurque vers l’extrémité sud-ouest du ghetto pour le remonter, le traverser jusqu’à sa limite est puis nord-est pour se terminer à Umschlagplatz.
Les axes traversés sont les suivants:

  • avenue Jean Paul II (nouvelle section*),
  • rue Złota,
  • rue Żelazna,
  • rue Nowolipie,
  • rue Smocza,
  • rue Anielewicz (ancienne rue Gęsia),
  • rue Świętojerska (nouvelle section et section originale),
  • rue Bonifraterska,
  • rue Muranowska (nouvelle section),
  • rue Stawki (nouvelle section et section originale).

* nouvelle section signifie que ces axes ne suivent plus le tracé d’avant guerre pour ces rues.


Video (1080p HD 28mn) © Jacques Lahitte 2015

Traduction des textes en fin de vidéo

Le ghetto a été établi en septembre 1940. Sa superficie était de plus de 300 hectares et le mur avait 16 kilomètres de long. Plus de 350 000 juifs de Varsovie et des juifs de la région de Mazovie y furent internés. Egalement des juifs d’Allemagne et de quelques autres pays européens furent envoyés dans le ghetto. Sa population atteint quelques pics de 450 000 personnes. Environ 100 000 juifs moururent de maladie et de faim.
Les grandes déportations commencèrent en juillet 1942 et s’arrêtèrent 2 mois plus tard. 300 000 juifs furent envoyés vers le camp d’extermination de Treblinka. L’insurrection du ghetto commença en avril 1943, 13 000 juifs moururent et 57 000 furent déportés. Le grand ghetto fut rasé durant l’insurrection (de la rue Leszno à Umschlagplatz). Un camp de concentration (KL Warschau – également appelé Gęsiówka) fut établi à partir de juillet 1943 dans la rue Gęsia. Des juifs furent envoyés là en provenance de certains camps de concentration, leur tâche était de nettoyer les ruines du ghetto et de trier les matériaux. Le camp fut évacué en juillet 1944 et les derniers 348 juifs qui restaient furent libérés lors de l’insurrection de Varsovie. Par la suite, le camp fut utilisé par le NKVD pour des prisonniers allemands puis pour l’internement d’opposants polonais au communisme.
Le reste de la ville fut presque entièrement détruit durant l’insurrection de Varsovie entre août et octobre 1944, y compris l’ancien petit ghetto. Malgré les destructions et la reconstruction, beaucoup d’immeubles d’avant guerre du petit ghetto sont encore visibles. Les derniers vestiges du mur original ont été préservés grâce à l’action d’un polonais, mr Mięczysław Jędruszczak. Une autre section du mur est visible dans la rue Waliców. En 2008 et 2010, 22 mémoriaux du mur ont été érigés sur le pourtour de l’ancien ghetto.

L’hôpital évangélique dans le ghetto

Une enclave au cœur du ghetto de Varsovie

Dès la fermeture du ghetto en novembre 1940, un petit périmètre sous accès contrôlé fut délimité, il constitua une enclave dans le grand ghetto qui abritait des bâtiments de la communauté évangélique; l’église, le consistoire et l’hôpital.

Hôpital évangélique - Ghetto de Varsovie
Plaque commémorative de l’ancien hôpital évangélique – Ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com
L’hôpital a existé durant une période allant de 1736 à 1943. A l’origine se trouvait à proximité un cimetière protestant. Le bâtiment a subi plusieurs remaniements, notamment durant le XIXèmesiècle en 1835-1837 où il a été agrandi. L’hôpital se trouvait à l’angle des rues Karmelicka et Mylna.
Durant la guerre, l’hôpital s’est retrouvé inséré dans le ghetto dès novembre 1940, mais séparé par un mur, dans une enclave où se trouvait également l’église évangélique. Il a été fermé lors de l’insurrection du ghetto. Il fut ensuite utilisé par les combattants, lors de l’insurrection de Varsovie en 1944.

Sa présence dans le ghetto durant la guerre a permis d’apporter aide et assistance à de nombreux juifs. Une plaque commémorative rappelle sa présence, son histoire, l’aide et le sauvetage de juifs, en polonais, en allemand et en hébreu. En effet, de nombreux juifs et leurs familles eurent recours aux services de l’hôpital et à la protection du père Z. Michelis et de la mère supérieure Józefa Borsch, ainsi qu’à l’assistance de nombreux médecins et infirmières. De nombreuses réunions clandestines se tinrent également dans l’enceinte de l’hôpital. C’est aussi par l’hôpital que de la nourriture pu être apportée vers l’intérieur du ghetto.

Hôpital évangélique - Rue Karmelicka à droite, rue Mylna à gauche
Hôpital évangélique – Rue Karmelicka à droite, rue Mylna à gauche
La plaque aujourd’hui visible sur le bâtiment Nowolipie 9/11 a été apposée par la fondation de l’hôpital évangélique de Varsovie, la ville allemande de Delmold et l’église évangélique allemande de Lippe. Delmold est la ville natale de Jürgen Stroop, le général SS qui dirigea l’écrasement de l’insurrection et la destruction du ghetto de Varsovie en 1943.

Visiter le page du mémorial du mur du ghetto dans l’enclave évangélique.

Vues de l’hôpital avant et après la guerre


Cartes de localisation

Un lieu, une histoire: Nowolipki 7

Derrière les photos, les instants de vie

De nombreuses photos du ghetto de Varsovie sont aujourd’hui visibles sur le réseau, mais elles nous parlent de gens disparus, d’un monde disparu, d’une ville disparue, d’endroits disparus, devenus étrangers aux visiteurs.
L’une d’entre-elles présentée ci-dessous nous dépeint deux enfants assis sur le rebord d’une devanture d’un magasin dans une rue de Varsovie. Ils sont habillés de guenilles et leurs visages sont déjà fortement marqués par la faim.

Rue Nowolipki 7 - Varsovie
Rue Nowolipki 7 – Varsovie (cliquer pour agrandir) – Source Fotopolska.eu

La rue Nowolipki était située dans le quartier juif de Muranów. Elle était orientée est-ouest et débouchait côté est non loin de la rue Nalewki, l’artère centrale de la vie juive de la capitale. Durant la guerre, elle se retrouva insérée dans le ghetto.
82 années séparent ces photos prises dans la rue Nowolipki, à une quinzaine de mètres près. Le 7 de la rue Nowolpiki où se trouvait une confiserie appartenant à un certain E. Merensztejn (Merenstein) était située dans le grand ghetto non loin de l’entrée du parc Krasiński.
Les images qui suivent donnent un idée de ce qu’il advint du ghetto qui fut entièrement détruit durant l’insurrection.
Ne restent plus que des photos, souvent prises par l’occupant nazi, qui nous sont parvenues et qui nous rappellent que sur les trottoirs que nous foulons aujourd’hui déambulaient autrefois des enfants qui un jour s’arrêtèrent de rire.
Quand on se promène à Varsovie, notamment du côté de Muranów, et que l’on se penche un peu sur le passé, l’histoire resurgit à chaque coin de rue.
Ci-dessous, le 7 de la rue Nowolipki.

Nalewki ou les fantômes du passé

Un lieu, une histoire

Anciennement rue Nalewki aujourd’hui avenue du Général Anders.

Nalewki, the jewish district
Nalewki, the jewish district – Le quartier juif (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

Environ 114 années séparent la topologie des rues présentées sur ces deux photographies.
Sur celle en noir et blanc, le cœur du quartier juif avec la rue Nalewki (orientation sud/nord et la place Muranowski au fond) au niveau du croisement avec les rues Gęsia (sur la gauche) et Franciszkańska (sur la droite).
Aujourd’hui la rue Nalewki n’existe plus et l’avenue Anders qui l’a remplacé lors de la reconstruction du quartier Muranów a pivoté d’une quinzaine de degrés vers l’est.
La rue Nalewki, endommagée durant les bombardements du début de la guerre en 1939, fut intégrée dans le grand ghetto avec tout le quartier de Muranów qui fut entièrement détruit lors de l’insurrection du ghetto de 1943 à tel point qu’on ne trouvait plus le moindre pan de mur encore debout sur les 150 hectares réduits à néant.

La rue Nalewki et ses environs en 1939, 1945 et aujourd’hui

Présentation de l’histoire de la rue Nalewki.

La dernière section du mur du ghetto de Varsovie

Les ultimes traces du mur

La photo ci-dessous présente l’une des deux dernières sections du mur du ghetto de Varsovie, préservée grâce à l’action active d’un polonais, Mieczyslaw Jędruszczak, venu habiter quelques années après la guerre un immeuble mitoyen.

La dernière section du mur du ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com
La dernière section du mur du ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

A l’origine le mur, long de 16 kilomètres, enserrait plus de 100 hectares d’immeubles et de rues réservés au confinement des juifs de Varsovie et de toute sa région. Le périmètre du ghetto se réduisit au fur et à mesure des déportations et ses limites furent régulièrement modifiées.
Les derniers tronçons aujourd’hui visibles étaient situés dans la limite sud alors occupée par le petit ghetto et des murs avaient été érigés à l’intérieur des cours des immeubles situés entre les rues Sienna et Złota.
De très nombreux visiteurs se rendent aujourd’hui sur les lieux où se trouvent ces deux tronçons de mur en passant par l’intérieur des cours (accès par le numéro 62 de la rue Złota) mais très peu visitent le mur côté est qui donne sur la cour du groupe scolaire situé au 55 de la rue Sienna. Sur cette façade de mur a été apposé en 2010 l’un des 22 mémoriaux, à l’initiative des professeurs et des élèves du Lycée, suite à la mise en place de 21 autres mémoriaux en 2008 par l’Institut Historique Juif de Varsovie, mémoriaux qui balisent et rappellent tout le pourtour du ghetto.
Découvrir le mur du ghetto de la rue Sienna.
Découvrir la chronologie de la mise en place du ghetto de Varsovie.

Quand l’architecture se rappelle l’histoire

L’immeuble 2 de la rue Muranowska

Muranowska 2 - Hier et aujourd'hui (Cliquer pour agrandir)  © www.shabbat-goy.com - Narodowe Archiwum Cygrowe
Muranowska 2 – Hier et aujourd’hui (Cliquer pour agrandir)
© www.shabbat-goy.com – Narodowe Archiwum Cygrowe
Les habitués du stade de football Polonia situé à proximité de l’hôtel Ibis ainsi que les automobilistes qui se rendent à Varsovie en empruntant le pont de Gdańsk passent devant l’hôtel du numéro 2 de la rue Muranowska. Moi même j’ai dû y passer une centaine de fois jusqu’au jour où je me suis rendu compte que l’architecture particulière de cet hôtel n’était pas sans rappeler celle de l’immeuble qui existait là avant la guerre.
A l’origine, l’immeuble du 2 de la rue Muranowska avait été construit en 1937-1938 d’après les plans de l’architecte Konstanty Srokowski. Il était situé à l’angle de la rue Muranowska et de la rue Przebieg.
Son propriétaire était un certain Chaim Rozen.
Ce bâtiment était situé à proximité de la place Muranowski qui se trouvait au nord du quartier juif de Muranów, à l’extrémité de la rue Nalewki.
Durant la guerre, l’immeuble fut intégré dans le périmètre du grand ghetto en novembre 1940 et en fut exclu en mars 1942 lors du redécoupage du ghetto. Les immeubles numéros pairs de la rue Muranowska situés en face restèrent intégrés au ghetto jusqu’au soulèvement de 1943.
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Le mur du ghetto (voir diaporama ci-dessous) sépara la rue Muranowska en deux durant un an (1942-1943).
L'immeuble Muranowska 2 après la guerre © www.werttrew.fora.pl
L’immeuble Muranowska 2 après la guerre (Cliquer pour agrandir)
© www.werttrew.fora.pl

A la fin de l’insurrection du ghetto en mai 1943, l’immeuble Muranowska 2 était encore debout. C’est durant l’insurrection de Varsovie de 1944 que la partie ouest donnant sur la rue Przebieg fut endommagée. L’immeuble fut restauré après la guerre. Tous les autres bâtiments de cette section de quartier en ruine furent par contre démolis.
L’immeuble Muranowska 2 a été lui démoli au début des années 1970. L’hôtel Ibis visible aujourd’hui a été construit en 2001 pour le compte du Groupe Accor par la société ART GROUP Sp. z o.o.
L'immeuble Munarowska 2 et le ghetto nord
L’immeuble Munarowska 2 et le ghetto nord (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com – www.mapa.um.warszawa.pl


Afin de conserver la mémoire des pertes irrémédiables qui ont englouti bâtiments et monuments durant la guerre, plusieurs immeubles de la capitale ont été reconstruits selon des architectures contemporaines mais tout en conservant leurs lignes d’antan, comme cela a été par exemple
le cas avec l’immeuble de bureaux édifié sur les ruines de l’ancienne banque de Pologne.

Autres liens avoisinants:
La rue Przebieg.
Topologie du secteur nord-est du ghetto de Varsovie.

Un lieu, une histoire

Jürgen Stroop à Umschlagplatz

Supplétifs nazis et Jürgen Stroop à Umschlagplatz
Supplétifs nazis et Jürgen Stroop à Umschlagplatz (Cliquer pour agrandir)

Lorsqu’ils se rendent au mémorial de Umschlagplatz de la rue Stawki, les visiteurs sont loin de s’imaginer que le général Jürgen Stroop se tenait debout, à quelques mètres de là, 81 ans en arrière…

Photo prise durant l’insurrection du ghetto : le général SS Jürgen Stroop accompagné de supplétifs étrangers (en uniforme noir) sur le site de Umschlagplatz, la gare de transbordement située au nord du ghetto de Varsovie d’où furent déportés vers le camp d’extermination de Treblinka les juifs de la capitale et de sa région.

Stroop dirigea la liquidation du ghetto de Varsovie en avril-mai 1943 durant laquelle plus de 50 000 juifs périrent. Il déclencha lui-même le dynamitage de la grande synagogue de Varsovie et rédigea un rapport appelé le rapport Stroop ayant pour titre « Le ghetto de Varsovie n’existe plus », document dans lequel est décrit la chronologie de la liquidation accompagné d’une collection de photos. Ce document fut utilisé lors du procès de Nuremberg. Arrêté puis jugé par les américains en 1947, il fut extradé en Pologne, jugé puis condamné à mort en 1952.
Les supplétifs nazis étaient recrutés auprès de soldats déserteurs de l’armée rouge, de nationalistes lettons et ukrainiens pour l’essentiel. Ils furent surtout employés à la garde des camps, à la surveillance et la liquidation de nombreux ghettos et à des opérations de liquidation des communautés juives dans les territoires de l’est. Ils étaient surnommés Askaris par les allemands.

Umschlagplatz
Vue aérienne du nord du ghetto et de la gare de transbordement Umschlagplatz. Flèche d’orientation de la photo du haut. (Cliquer pour agrandir) © www.mapa.um.warszawa.pl