10ème édition du Festival International « Thèmes Juifs » de Varsovie

Les films récompensés

Soldier on the roof de Esther Hertog.
Youth de Tom Shoval.
Ponevezh Time de Yehonatan Indursky.
The Women Pioneers de Michal Aviad.
Father and son de Paweł Łoziński.
Regina de Diana Groó.
The lady in number 6 de Malcolm Clarke.

10th International Festival Film Jewish Motifs
10th International Festival Film Jewish Motifs

Ci-dessous, une petite liste parmi les films présentés, que j’ai apprécié particulièrement.

Broadway musicals: a Jewish legacy
(Zydowska spuścizna na Broadwayu – Le patrimoine juif de Broadway)
Michael Kantor. USA 2013.
Le film décrit l’apport essentiel des mélodistes et compositeurs juifs dans la création des chansons et comédies musicales de Broadway durant une cinquantaine d’années. Un film extrêmement instructif où la contribution créative musicale juive, souvent inspirée de thèmes et mélodies d’Europe centrale, a été le noyau essentiel du développement de la comédie musicale de Broadway.
Extrait

Colette
Milan Cieslar. République Tchèque/Slovaquie 2013.
Le film retrace l’histoire fictive d’un homme et d’une femme, prisonniers à Birkenau, qui tombèrent amoureux l’un de l’autre pour se perdre à la fin de la guerre, puis se retrouver cinquante ans plus tard à New York lors d’un dîner initié par son fils et son amie qui s’avère être la fille de cet ancien amour qu’il retrouve à cette occasion. Au delà de l’histoire touchante et peut être improbable, c’est la première fois que je vois une reconstitution du camp de Birkenau avec certaines vues d’ensemble assez saisissantes.
Extrait

Soldier on the roof
(Zołnierz na dachu – Le soldat sur le toit)
Esther Hertog. Pays-Bas 2013.
Hébron, plantée dans cette ville biblique, l’histoire d’une colonie juive forte de 8000 âmes qui vit à côté de 120 000 palestiniens, continuellement protégé par un bataillon de l’armée israélienne. Un îlot au milieu du monde arabe où tout contact est banni d’un côté comme de l’autre.
Extrait

Le Métis de Dieu
(Zydowski Kardinał – The jewish cardinal)
Ilan Duran-Cohen. France 2013.
L’histoire de l’Archevêque de Paris Jean-Marie Aron Lustiger, né dans une famille juive d’origine polonais et convertit à l’âge de 14 ans. Le film nous entraine dans son ascension dans le clergé français et son implication auprès du Pape Jean-Paul II durant l’affaire du carmel d’Auschwitz, avec un Laurent Lucas parfaitement crédible dans ce personnage atypique.
Extrait

Farewell, Herr Schwarz
(Do Widzenia, Herr Schwarz – Au revoir monsieur Schwarz)
Yael Reuveny. Allemagne/Israël 2013.
L’auteur raconte son parcours à la quête de ce qui a bien pu mener sa grand-mère et son grand-oncle à une rupture radicale lors d’un rendez-vous manqué en 1945 à Łódź à la fin de la guerre lorsque elle est partie s’installer et vivre en Israël et lui changer de nom et partir vivre en Allemagne dans une ville où il avait été interné dans un camp pour refaire sa vie. Elle découvre une autre partie de sa famille, allemande, un oncle qui considère la branche israélienne comme une part de sa famille et un cousin tourné vers le monde et l’héritage juifs et qui aspire à vivre en Israël. Un film très bien cadré et construit.
Extrait

Father and son
(Ojciec i Syn – Père et fils)
Paweł Łowiński. Pologne 2013.
Tous deux réalisateurs, le père et le fils partent sur les routes et entament une réflexion sur leur vie familiale, leur rapport l’un à l’autre, leur vie, leur vision des années passées. Une confrontation père fils très intéressante sans lien avec leur judéité.
Extrait

Special interview
(Szczególny wywiad – Une interview spéciale)
Nitzan Rozenberg. Israël 2012.
Un très bon film dont le thème s’articule autour de la différence et du handicap. Efrat, une jeune fille trisomique et Matanel, handicapé léger rêvent de poser chacun une question au Président Obama. Elle de savoir ce qu’il compte faire pour l’égalité envers les handicapés et lui de savoir sa démarche dans la libération du soldat Gilad Shalit. Un sujet où les protagonistes nous émerveillent par leur humour, leurs angoisses et… leur naturel.
Extrait

Before the revolution
(Przed rewolucją – Avant la révolution)
Dan Shadur. Israël 2013.
Un film très intéressant qui nous ramène à l’aube de la révolution iranienne à Téhéran où vivait une forte communauté israélienne expatriée dans le cadre de la coopération économique et militaire avec l’Iran. Une communauté qui vivait dans une bulle et qui ne s’imaginait pas les bouleversements à venir et leur fuite éclair vers Israël.
Extrait

Holocauste – Is it a wall paper paste ?
(Holokaust – Klej do tapet ? – Holocauste – C’est de la colle pour papier peint ?)
Mumin Shakirov. Russie 2013.
A l’occasion d’un jeu télévisé, 2 soeurs jumelles russes font sensation lors d’une réponse à à question qu’est ce que l’Holocauste. A la suite de cet épisode, l’auteur prend contact avec les jumelles et décide de les emener visiter Auschwitz. Au delà de l’histoire par moment émouvante de ce voyage, le film met en lumière l’enseignement de la Shoah dans certains pays. Lors d’une édition passée du festival, j’avais pu visionner un autre film sur ce même sujet, tourné en Autriche où l’enseignement de l’Holocauste est souvent réduit à sa plus simple expression.
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Ponevezh time
(Czas Poniewieża)
Yehonatan Indursky. Israel 2012.
Une passionante plongée dans le monde du judaïsme ultra orthodoxe filmé dans le monde clos de la grande yeshiva Ponevezh en Israël qui rassemble 1200 étudiants. A travers plusieurs personnages, l’auteur décortique et analyse le fonctionnement de l’institution, avec certains étudiants à travers leurs moments de joie, de peine et de solitude.
Extrait

In between
(Pomiędzy – Entre deux)
David Ofek, Neta Shoshani. Israel 2013.
Dana et Amit se sont rencontrés lorsqu’ils avaient 25 ans. Depuis, ils se sont mariés et ont eu 2 enfants. Puis un jour, Amit a commencé à changer et est devenu un juif orthodoxe. La caméra de l’auteur vient s’insérer au milieu d’une nouvelle situation du couple face à son avenir avec Dana qui souhaite continuer à vivre comme avant et Amit qui lui reproche ses tenues légères et souhaite inscrire ses enfants à l’école religieuse. Un très bon film sur un problème de couple somme toute universel et transposable.
Site

The Stigma ?
(Piętno – Stigmatisation)
Martí Sans. Espagne 2013.
Un excellent film sur l’histoire de l’antisémitisme en Espagne depuis le début de notre ère puis durant l’expulsion des juifs de 1492 et ses répercussions désastreuses sur la vie économique, culturelle et religieuse espagnole jusqu’aux formes d’antisémitisme moderne et ses faces parfois pernicieuses sous couvert d’antisionisme que l’on retrouve également en France. Mais ma grande surprise aura été d’apprendre aujourd’hui en Espagne et notamment en Catalogne, région indépendantiste dominée par les parties de gauche, la présence d’un antisémitisme aux contours variés profondément ancré dans la population, un antisémitisme sans juifs dont la profondeur dépasse de loin celui qui existe aujourd’hui en France et même en Pologne !
Extrait

Edition 2013 du festival.
Edition 2012 du festival.

Dixième édition du festival international « Thèmes juifs »

Kino Muranów – Edition 2014

Du 22 au 27 avril 2014 se déroule au cinéma Muranów (ul. Andersa 5) à Varsovie la 10ème édition du festival international cinématographique «Thèmes juifs».

Une trentaine de films et documentaires sont présentés lors de ce festival ainsi que 4 films d’Andrzej Wajda projetés lors d’une rétrospective du réalisateur.

Programmation des films.

Cette dixième édition confirme le succès de cette manifestation. Financé par de nombreux mécènes et partenaires, l’accès aux 2 salles est gratuit et ouvert à tous. Les films sont sous-titrés en anglais et/ou en polonais selon leur origine.

Site web du Festival.
Site web du cinéma Kino Muranów.

Dixième édition du festival international « Motifs juifs »
Dixième édition du festival international « Motifs juifs » © www.shabbat-goy.com

Dixième édition du festival international « Motifs juifs »
Dixième édition du festival international « Motifs juifs » © www.shabbat-goy.com

La petite fille de la rue Próżna

Lusia Bronstein, une histoire derrière un visage

En 1994, dans le cadre du projet And I can still see their faces (Et je peux toujours voir leurs visages) la directrice de la Fondation Shalom de Varsovie, Gołda Tencer lança un appel à travers le monde afin de collecter des photographies de juifs disparus durant la Shoah. Plus de 9000 clichés purent être ainsi collectés. Ils furent mis en valeur à travers une exposition présentée en Pologne ainsi que dans de nombreuses villes à travers le monde.

Les visiteurs qui viennent du côté de la place Grzybowski, l’un des anciens quartiers juifs de la capitale, peuvent en apercevoir quelques-uns sur la façade décrépie de l’ancien immeuble Wolanowski du 14 de la rue Próżna.

Lusia Bronstein (Cliquer pour agrandir) - Photo ©  www.shabbat-goy.com
Lusia Bronstein (Cliquer pour agrandir) – Photo © www.shabbat-goy.com

Un visage attire plus particulièrement l’attention, c’est celui d’une petite fille qui s’appelait Lusia Bronstein.
Elle était la fille de Chaskiel Bronstein, un photographe et juif assimilé qui possédait le studio Fotografika au 4 de la rue de Cracovie à Tarnów. Une partie de la famille Bronstein possédait la nationalité brésilienne.
En 1939, Chaskiel qui seul possédait un passeport qu’il avait réussi à se procurer deux semaines avant la guerre se rendit en Amérique du sud pour essayer de procurer un passeport pour les membres de sa famille. N’ayant pu obtenir le précieux document, il rejoignit sa famille en Pologne, laquelle fut ensuite déportée vers l’Allemagne où on perdit sa trace.
L’ancien studio de photographie abrite aujourd’hui la bibliothèque à Tarnów.

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L’ancien studio de photographie de Chaskiel Bronstein

La visite de 13 cimetières juifs autour de Białystok

27 et 28 février 2014 – 320 kilomètres – 13 cimetières

Je vais profiter de ces deux jours pour visiter les cimetières juifs qui se trouvent au sud-est et au nord-est de Białystok, le chef-lieu de la voïvodie de Podlachie (Podlaskie), au nord-est de la Pologne, le long de la frontière avec la Biélorussie.
C’est l’hiver, le temps est gris mais l’absence de neige facilitera les déplacements. Curieusement il ne fait pas trop froid pour une fin février, à peine 2 degrés…
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Le cimetière - The cemetery - Jasionówka © www.shabbat-goy.com
Le cimetière – The cemetery – Jasionówka (Cliquer pour agrandir)
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Józef Klotz, premier marqueur de l’équipe nationale de football

A la découverte d’un joueur juif

A l’heure où nombre de supporters s’invectivent de qualificatifs surprenants comme « Juifs« , « Mort aux juifs » dans certaines tribunes de stades de football polonais, il s’avère bon de rappeler qui était Józef Klotz.
Il est en effet loin d’être anecdotique d’apercevoir dans certains endroits (du côté de Łódź en particulier) des tags avec des étoiles de David associées aux initiales de clubs pour fustiger l’équipe adverse. Depuis plusieurs années les autorités ont pris la mesure du phénomène et initient des actions en justice.

Józef Klotz - Toile de Adam Adach - 2012
Józef Klotz © Adam Adach 2012

Le premier but de la sélection polonaise

Le 28 mai 1922 au stade olympique de Stockholm lors de la rencontre avec l’équipe de Suède, alors que l’équipe nationale polonaise est menée 1 à 0, à la 27ème minute, Józef Klotz égalisa en marquant sur penalty le premier but dans l’histoire de la représentation nationale polonaise en logeant le ballon dans le coin gauche de la lucarne. Le match fut remporté par la Pologne sur le score de 2 à 1 après un nouveau but de Joseph Garbień. Il s’agissait de la troisième rencontre internationale pour l’équipe de Pologne.
Pour Klotz, c’était sa deuxième et dernière sélection en équipe nationale.

Equipe Jutrzenka Kraków en 1922. Józef Klotz au premier rang assis à droite © Jakub Ociepa / Agencja Gazeta
Equipe Jutrzenka Kraków en 1922. Józef Klotz au premier rang assis à droite © Jakub Ociepa / Agencja Gazeta

Józef Klotz était le fils d’un cordonnier juif de Cracovie. Il était né le 28 mai 1900. Il évoluait dans le championnat de Pologne au sein de l’équipe Jutrzenka Kraków (Cracovie) qui avait la particularité de n’être composée que de joueurs juifs. Il jouait comme défenseur et l’équipe Jutrzenka était positionnée comme farouche adversaire de l’autre équipe juive du Makkabi Kraków. Klotz avait intégré l’équipe cracovienne à l’âge de 10 ans et il y joua jusqu’en 1925.

Il connu sa première sélection en équipe nationale le 14 mai 1922 face à l’équipe de Hongrie qui remporta la partie 3 à 2. Klotz faisait partie des 3 joueurs juifs qui avaient été sélectionnés, le match se déroula au stade de Cracovie devant 15 000 spectateurs.
En 1925, Józef Klotz s’installa à Varsovie et rejoignit l’équipe du Makkabi Warszawa jusqu’en 1927. Il continua à jouer au football mais on ignore dans quel club.

Il mourut dans le ghetto de Varsovie en 1941, tué par les nazis.

Durant l’entre-deux guerres de très nombreuses équipes juives de football furent formées, principalement à l’initiative des mouvements juifs socialistes sionistes et antisionistes.
Lire la page sur Le football dans la population juive d’avant guerre.

La rune Sowilo du cimetière juif de Gogolin

A la découverte d’un symbole germain

Lorsque j’ai visité le cimetière juif de Gogolin quelques années en arrière, j’ai été surpris par la stèle d’une tombe allemande située dans la partie chrétienne, car ce petit cimetière abrite un secteur juif situé au nord-ouest et un secteur chrétien situé lui dans sa partie sud-est. Les tombes juives possèdent des épitaphes gravées en allemand et en hébreu.
Mais mon regard fut attiré dès l’entrée par le graphisme du symbole qui apparaissait au sommet de cette stèle taillée dans le bois, car ce symbole possédait une forme identique aux mêmes caractères doublés et de sinistre mémoire des SS (SchutzStaffel), aussi sa présence dans un cimetière juif me laissa t-elle très perplexe sur le moment, d’autant plus que la personne avait été enterré pendant la guerre.

La rune Sowilo du cimetière juif de Gogolin
La rune Sowilo du cimetière juif de Gogolin (Cliquer pour agrandir) © www.shabbat-goy.com

Un peu plus tard, après quelques recherches, je découvris qu’il s’agissait en fait d’un caractère très ancien appelé rune Sōwilō et qui appartenait à l’alphabet runique (Futhark) qui était utilisé par les anciens peuples germaniques.
La rune Sowilo (Sōwilō) appelée Sigel ou Sól symbolise le Soleil.
Cette rune Sowilo (caractère) possède un symbolisme qui est très lié avec celui de la roue solaire. De fait, il exprime les forces cycliques liées à l’astre solaire et plus particulièrement ici du cycle de la mort et de la renaissance du soleil. Gravé sur la stèle d’une tombe, il symbolise la renaissance du défunt.
Les 2 autres runes (ψ) symbolisent dès la fin du XIXème siècle la vie et la mort d’après les théories plus ou moins historiques de Guido von List, un runologue qui inspira les nazis pour leur symbolique (croix gammée, idéologie nazie).

La petite ville de Gogolin est située au sud de la ville de Opole (Haute-Silésie).
Visiter le cimetière juif de Gogolin sur Shabbat Goy.

Antisémitisme, une politique éducative ciblée

Julian Żebrowski, un illustrateur… comment dire…antisémite !

ans séparent les 2 images présentées ici.
L’illustration antisémite ci-dessous est parue dans un journal d’extrême droite en Pologne en 1937 (Journal «Podbipięta», numéro 14, page 8), elle a été réalisée par l’illustrateur Julian Żebrowski qui a été on peut le dire assez «créatif» durant les années d’avant guerre.
Ce dessin représente l’entrée de l’université de Varsovie située à Krakowskie Przedmieście avec les polonais recalés à gauche et les juifs reçus à droite pour dénoncer une politique éducative privilégiant la communauté juive. Le juif était caricaturé d’une manière très similaire à ce que l’on pouvait également lire dans une certaine presse en France.

La politique éducative ciblée © Żydowski Instytut Historyczny (Cliquer pour agrandir)
La politique éducative ciblée – Les recalés, les reçus © Żydowski Instytut Historyczny (Cliquer pour agrandir)

La seconde qui suit présente l’entrée actuelle de l’université de Varsovie, aujourd’hui ouverte aux étudiants du monde entier.
Université de Varsovie © www.shabbat-goy.com
Cette illustration fait partie de la superbe exposition (Obcy i Niemili/Alien and unpleasant) qui se tient à l’Institut Historique Juif de Varsovie jusqu’à la fin du mois de février 2014 et qui présente une grande collection d’illustrations antisémites parues dans la presse polonaise entre 1919 et 1939.
Comme indiqué en présentation de l’exposition, ces illustrations étaient publiées dans des journaux et hebdomadaires liés de près ou de loin avec les mouvements nationalistes et l’extrême droite pour lesquels la «question juive» était l’un des éléments de préoccupation.

Dès le début des années 1920, après la restauration de l’indépendance polonaise de 1919 (après les partages de la Pologne de la fin du XVIIIème siècle jusqu’au Traité de Versailles signé en 1919), et après l’arrêt de l’avancée bolchevique vers l’ouest intervenue lors de la bataille de Varsovie en 1920, les sentiments nationalistes s’exacerbèrent et se développèrent en période de crise dès les années 1920 et surtout après la mort de Józef Piłsudski en 1935 où l’on vit en Pologne une forte montée des mouvements nationalistes et de l’antisémitisme dans la presse, même si celui-ci était déjà présent 10 ans plus tôt.

Je vous présenterai une collection d’illustrations antisémites de cette période dans un prochain article.