Visite de la rue Twarda

Un foyer de vie juive à Varsovie

Le grand quartier juif de la Varsovie d’avant guerre, celui de Muranów, était situé entre la vieille ville et le quartier de Żoliborz (Joli bord) situé au nord de la capitale.
Cependant, nombre de juifs résidaient également un peu plus au sud, dans le quartier de Śródmieście Północne (centre-ville nord), dans le secteur de la place Grzybowski (autrefois le village de Grzybów). C’est aujourd’hui l’un des rares vestiges de la vie juive qui subsiste de cette époque. Sur la place Grzybowski et rue Próżna se déroule chaque mois d’août le festival Singer de la culture juive. On trouve également le long de cette place, le théâtre juif et le siège de la fondation Szalom, aujourd’hui démolis; une tour devant s’élever en lieu et place et abriter de nouveau, une fois édifiée, théâtre et fondation. Si la rue Próżna, aujourd’hui présentée aux visiteurs comme rue symbolique de la vie juive d’avant-guerre, ne témoigne dans sa partie ouest, à travers certains immeubles brillamment restaurés, une certaine bourgeoisie juive, la rue véritablement représentative de cette vie juive passée était la rue Twarda, celle qui s’élance de la place Grybowski vers le sud-ouest, non loin de l’avenue de Jérusalem (Aleje Jerozolimskie), dans le quartier voisin de Mirów.

Localisation de la rue Twarda à Varsovie
Localisation de la rue Twarda à Varsovie (Cliquer pour agrandir)

La rue Twarda était véritablement un foyer de vie juive où se trouvaient de nombreux ateliers, fabriques et commerces juifs, ainsi que plusieurs maisons de prières et deux synagogues, dont la synagogue Nożyk au numéro 6, préservée par miracle, à côté de l’actuel bâtiment de la communauté juive de Varsovie (Twarda 6).

C’est durant le XVIIème siècle que la future rue Twarda prit cette direction nord-est vers le sud-ouest en partant de la place qui autrefois se trouvait au milieu du village de Grzybów. La rue a pris ce nom (Twarda, dur) en 1770, en référence au sol dur de la route qui longeait des zones humides.

Développement de la rue Twarda

En 1783 fut établie la première brasserie, 8 années plus tard, 47 familles étaient recensées. Vers la fin de ce siècle, elle rejoignit la rue Żelazna (rue du fer) pour courir ensuite plus au sud. On dénombrait déjà 14 maisons en briques et 24 maisons et manoirs en bois de part et d’autre de cette rue en terre. La rue fut coupée à son extrémité actuelle sud-ouest avec la construction de la ligne de chemin de fer Varsovie-Vienne. Les pavés furent installés lors des travaux de terrassement en 1864-1866. C’est notamment pendant la seconde moitié du XIXème siècle, que l’on construisit une partie des immeubles qui étaient encore visibles avant la guerre.
Durant le XIXème siècle, le quartier se développa, et avec, la communauté juive. Cependant les juifs étaient déjà présents dans le secteur autour de la place Grzybowski, depuis leur expulsion de la vieille ville au début du XVIIème siècle. On trouvait alors dans la partie sud de la rue de nombreux ateliers d’horlogerie. C’est en 1881 que les premiers tramways à cheval empruntèrent la rue Twarda. L’assainissement fut installé en 1889. En 1900, la spécificité juive de la population de la rue Twarda était déjà établie; on dénombrait 46 maisons juives et 21 maisons chrétiennes.
En 1902 fut inaugurée la synagogue Nożyków (Twarda 6), à 150 mètres de la synagogue Serdyner (Twarda 4) qui était déjà présente depuis la seconde moitié du XIXème siècle. 1908 vit l’arrivée du tramway électrique numéro 22.
Durant la première guerre mondiale, les immeubles 4, 7 et 22 servirent de refuges pour les sans-abris; des maisons de prières se trouvaient également aux 4 et 22. En 1926, on recensait 18 maisons de prières. Les cinémas Antinea et Cyla se trouvaient aussi dans cette rue.
La cour de l’immeuble du 1 de la rue Twarda abritait le marché Icek Borowski.

La vie religieuse

C’est en 1815 que fut ouverte la première synagogue dans une maison en dur, elle pouvait accueillir une vingtaine de fidèles. La communauté juive était représentée par les mouvements orthodoxes dès l’arrivée des juifs dans le faubourg de Grzybów, puis vinrent s’installer les juifs hassidiques au XIXème siècle et les mouvements progressistes se développèrent durant la seconde moitié de ce siècle, en fait à l’image du monde juif dans les grandes villes polonaises.
Au milieu de l’entre-deux guerres, on dénombrait 13 synagogues et maisons de prières seulement dans la rue Twarda. Les synagogues étaient situées aux numéros 4 (synagogue Serdyner) et 6 (synagogue Nożyk), les maisons de prières se trouvaient dans les immeubles 1, 3, 8, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 22, 24, 48-52, 52.
La synagogue située dans l’immeuble 22 appartenait à l’association Chevra Shas et était alors très renommée, dès le milieu du XIXème siècle. Selon les sources, il semble qu’elle ait été fondée par Dawid Maliniak, un juif hassidique, commerçant dans le faubourg de Grzybów (avant son rattachement en quartier à la ville de Varsovie).

Maisons de prières et synagogues dans la section ouest de la rue Twarda
Maisons de prières et synagogues dans la section ouest de la rue Twarda (Cliquer pour agrandir)

Cette concentration de lieux de prières illustre la forte prédominance de population juive religieuse dans la rue Twarda, en particulier dans la première section de rue qui s’étire jusqu’au croisement de la rue Ciepła. Mais la population juive restait fortement implantée jusque vers les numéros 50 à partir desquels on recense plus de noms à consonance polonaise, d’après l’annuaire des abonnés du téléphone de Varsovie pour l’année 1938-1939 (Voir en fin d’article le lien vers la page où sont présentés tous les abonnés).
La rue Twarda présentait alors cette apparence particulière des quartiers juifs des villes d’Europe centrale et de Pologne, faite de juifs à longues barbes et en caftan portant casquettes et chapeaux qui déambulaient dans les rues, de succession de boutiques et d’échoppes tenues par des juifs en chemise et penchés sur leur ouvrage comme nous l’a si bien témoigné Roman Vishniac à travers ses extraordinaires photos du yiddishland prises dans les années 30. C’est d’ailleurs l’une de ses photos qui est présentée ci-dessous, prise à hauteur de l’immeuble 18 (suivi des 20, 22…) de la rue Twarda.

Un vieux juif, portant ses livres de prières, se dirige sans doute vers l'une des synagogues (4 ou 6) de la rue Twarda. En chemin, il passe devant le numéro 18. A droite, on aperçoit le magasin de nettoyage et teinturerie de Józef Targoński, et juste après, le magasin de vente de boissons de Froim Rajchcajg
Un vieux juif, portant ses livres de prières, se dirige sans doute vers l’une des synagogues (4 ou 6) de la rue Twarda. En chemin, il passe devant le numéro 18. A droite, on aperçoit le magasin de nettoyage et teinturerie de Józef Targoński, et juste après, le magasin de vente de boissons de Froim Rajchcajg – Photo Roman Vishniac

Le rabbin Kanał I. habitait au Twarda 12, le rabbin Lewinzohn Icek Hersz habitait lui dans l’immeuble Twarda 22, le rabbin Kohn Michal Moszek logeait au 32. En 1896, un article de la presse juive décrit l’existence d’une synagogue (Sztybel – Shtiebel) située dans une arrière-cour au numéro 2 de la rue Twarda, animée par le rabbin Iciele en provenance de Radzymin (nord-est de Varsovie) et dont la plus grande pièce était utilisée par les femmes pour prier. Iciele qui logeait au premier étage officiait également comme juge rabbinique. Dans ces arrière-cours et également sur les balcons, on pouvait apercevoir de très nombreuses cabanes en bois (kuczka – pl) édifiées à l’occasion de la fête de Souccot. Les différentes strates de la société juive du quartier se retrouvaient réunies pour la fête, les riches, les pauvres, les religieux de diverses confessions. Tout se déroulait dans la stricte observance des préceptes religieux, à commencer par la cacherout (le code alimentaire).
Durant l’entre-deux guerres, une synagogue se tenait également au numéro 21, elle était animée par un tzadik (maître spirituel dans le mouvement hassidique) venu de Parysów (sud-est de Varsovie). Une autre maison de prière hassidique avait aussi été établie au numéro 32 par le reb Mojsze Lejb Twerski, un rebbe à la tête de 200 juifs hassidiques répartis entre les rues Twarda et Nalewki (grand quartier juif au nord de Varsovie).

 

La synagogue Serdyner

Vers 1850, les époux Aron et Perla Serdyner furent à l’origine de l’établissement d’une synagogue orthodoxe au numéro 4 de la rue Twarda, suite à une donation qui transférait la propriété de la parcelle et des bâtiments attenants à la communauté juive, après leur mort. Il s’agissait d’un bâtiment, la synagogue, situé au milieu d’une grande cour asphaltée, sur la parcelle 1099 où se trouvaient également un beth midrash et une école talmudique, qui restaient ouverts sans interruption, ainsi qu’une maison de prières pour femmes. De plan rectangulaire, 15 x 13 mètres, elle possédait des vitraux.

Localisation de la synagogue Serdyner dans la rue Twarda
Localisation de la synagogue Serdyner dans la rue Twarda (Cliquer pour agrandir)

 

Ruines de la synagogue Serdyner en 1945
Ruines de la synagogue Serdyner en 1945 (Cliquer pour agrandir)

Aujourd’hui s’élève en lieu et place, le grand immeuble Cosmopolitan voisin de la synagogue Nożyk.
Aron bar Mosze Dawid Serdyner était un commerçant et philanthrope qui légua toute sa fortune pour l’aide sociale, il est enterré au cimetière juif de la rue Okopowa (secteur 1, rangée 12). L’ensemble était considéré alors comme le centre de la pensée religieuse juive de la capitale. La synagogue fut démolie par les allemands. On ne connait pas la date exacte de la destruction, mais la synagogue était toujours visible sur une photo aérienne prise par les allemands en juin/juillet 1944.

Synagogue Serdyner du numéro 4 de la rue Twarda
Synagogue Serdyner du numéro 4 de la rue Twarda (Cliquer pour agrandir) Photo Żydowski Instytut Historyczny

 

Les synagogues Nożyk et Serdyner de la rue Twarda
Les synagogues Nożyk et Serdyner de la rue Twarda

La synagogue Nożyk

(Synagogue Nożyków dans sa forme déclinée) Elle fut édifiée au début du XXème siècle au numéro 6 de la rue Twarda grâce à des fonds substantiels alloués par les époux Nożyk qui habitaient au numéro 9 de la rue Próżna voisine. Zalman Nożyk acquit auprès de Jan Teodor Engelbert, pour 157 000 roubles, une parcelle vide où il fit édifier la synagogue que nous pouvons visiter aujourd’hui.

Retrouver la présentation de la synagogue Nożyk.

Des gens et les activités de la rue Twarda

La cinquantaine d’immeubles qui s’élancent depuis la place Grzybowski le long de la rue Twarda en direction du sud-ouest était quasi exclusivement habitée par des juifs. C’était le cœur de la concentration de la population juive, dans la partie sud de Varsovie.

A partir de la gauche, l'immeuble Art Nouveau de la place Grzybowski puis les immeubles 1, 3, 5 et 7 de la rue Twarda
A partir de la gauche, l’immeuble Art Nouveau de la place Grzybowski puis les immeubles 1, 3, 5 et 7 de la rue Twarda (Cliquer pour agrandir)

Les visiteurs qui aujourd’hui essaient de s’imprégner d’un soupçon de Varsovie juive en se rendant à la rue Próżna située côté est, de l’autre côté de la place Grzybowski, n’ont pas la moindre idée de cette richesse de vie et de cette lourde absence.
Le tronçon de la rue Twarda présenté ici, où circulaient alors les tramways, était un foyer extraordinaire du judaïsme, c’est ici que se trouvaient plus d’une douzaine de synagogues et maisons de prières. Se croisaient là tout l’éventail de ce qui constituait le monde juif de l’entre-deux guerres; les religieux orthodoxes, hassidiques et progressistes, les ouvriers et artisans, les marchands et représentants de commerce.
A la lecture de l’annuaire téléphonique, on prend conscience de la richesse et de la variétés des activités professionnelles, on recense :
14 tailleurs,
5 dentistes,
12 médecins et 1 chirurgien,
6 boulangers et pâtissiers,
une quinzaine d’activités autour du métal,
5 avocats,
10 marchands de fruits,
5 bijoutiers et orfèvre,
13 ingénieurs,
5 musiciens,
3 fabriques de chocolat,
5 pressings et teintureries,
3 fabriques d’eau gazeuse et limonade,
7 électriciens,
3 journalistes,
6 coiffeurs,
4 imprimeries,
4 cafés et 2 salons de thé,
5 fabriques de meubles.
des artistes-peintres, des professeurs, des commerciaux, grossistes et acheteurs en tous genres, des fourreurs, des cordonniers, des matelassiers, des vitriers, des marchands de vin, de vodka, de charbon…
Il va sans dire que les chiffres présentés dans l’annuaire peuvent être multipliés par 5 ou plus si l’on prend en compte le nombre réel.
A côté des activités liées à la vie religieuse autour de cette concentration de lieux de culte, en début de rue, une partie de l’activité commerciale s’articulait autour du travail et de la vente d’objets en métal en tous genres. Cette activité de ferblantier, de vente d’ustensiles, équipements et objets en métal, de récupération et revente, remontait déjà au XIXème siècle autour de la place Grzybowski, notamment avec le bazar de la rue Bagno (une rue située au sud de la place).

Au numéro 6, dans les bâtiments qui jouxtaient la synagogue Nożyk, se trouvaient un dispensaire et une clinique qui regroupaient 14 spécialités médicales comme la dermatologie, l’urologie, la pédiatrie, la gynécologie, la chirurgie, les maladies rhumatismales, nerveuses, un cabinet d’ophtalmologie et 4 de maladies infectieuses. Ces services enregistraient dans la seconde moitié des années 30 plus de 55 000 patients à l’année. 34 médecins, 5 dentistes et 6 pharmaciens se relayaient dans le dispensaire et la clinique.
Elja Melchior était l’un des administrateurs de la clinique. Sa femme Ruchla tenait une petite épicerie et leur fils Szmul étudiait à l’école voisine Mizrachi. Déjà en 1862, le psychiatre et neurologue Stalisław Chomętowski ouvrit rue Twarda 6 un cabinet privé pour accueillir des patients atteints de maladies psychiques. Le docteur Bernard Szancer habitat et exerçât également à cette adresse durant la seconde moitié du XIXème siècle.

Comme noté un peu plus haut, la rue Twarda était habité à une très forte proportion par une population juive jusqu’à la rue Żelazna. Peut-être faut-il y voir là une explication à la limite du ghetto au sud-ouest qui sera fixée à cet endroit précis en 1940, à la jonction des rue Twarda, Żelazna et Złota.

L'orphelinat du numéro 7 de la rue Twarda
L’orphelinat du numéro 7 de la rue Twarda (Cliquer pour agrandir) Photo Yad Vashem

Dès le XIXème siècle, la rue a abrité des centres d’aides aux sans-abris et aux démunis. Au numéro 3 se trouvait une antenne dédiée à l’aide et à l’enseignement de la lecture et de l’écriture pour les analphabètes. Au numéro 22, un hôpital pour enfants et jeunes filles. Ces structures mises en place par le centre d’aide sociale de Varsovie (Warszawskie Towarzystwo Dobroczynności) accueillaient toutes personnes quelle que soit leur confession. D’autres structures mises en place par la communauté juive accueillaient également des patients comme le centre Ezra d’aide aux juifs démunis situé au 15 de la rue Twarda, l’organisation de protection sociale TOZ (Towarzystwo Ochrony Zdrowia Ludności Żydowskiej) à l’adresse Twarda 35 où se trouvait une maternité, la société d’aide aux juifs victimes de guerre (Towarzystwo Niesienia Pomocy Żydom) au numéro 4. On trouvait également des soupes populaires aux numéros 4, 7 et 8. En outre, le numéro 21 abritait un orphelinat pour fillettes et jeunes filles et le numéro 7 un autre orphelinat.

Zone sud-ouest de la rue Twarda
Zone sud-ouest de la rue Twarda (Cliquer pour agrandir)

Dans sa partie sud-ouest, la rue Twarda se terminait en cul de sac et sa population, à l’ouest d’un axe fixé par la rue Żelazna était plus mélangée, juifs et polonais. Dans les deux dernières sections de rues qui menaient vers les voies de chemin de fer menant à la gare centrale, étaient installés quelques ateliers de mécanique automobile, des carrossiers, un garage et des bureaux du constructeur Renault, également quelques entreprises travaillant autour des activités du chemin de fer voisin avec un entrepôt d’expédition (notés en rouge sur le plan, le bâtiment en vert est le dernier immeuble – 62, datant de l’avant-guerre encore debout).

Diverses personnalités ont habité la rue Twarda. Au numéro 16 résidait Aleksander Ford (1908-1980), de son véritable nom Mosze Lifszyc, un metteur en scène et scénariste. Après la guerre, il enseigna à Łódź, à l’école nationale de cinéma et eut pour étudiants Andrzej Wajda et Roman Polański. Au numéro 13 habitait le musicien Jerzy Bielacki, d’origine juive, qui joua dans l’orchestre de Henryk Warszawski (Henryk Wars). Il composa des chansons pour Wiera Gran (Weronika Grynberg) et Mieczysław Fogg, des grands artistes. Au numéro 11 logeait Samuel Eilenberg (1913-1998), mathématicien et collectionneur d’art asiatique qui fit carrière dans le monde universitaire outre-atlantique après la guerre. Au numéro 20 habitait le docteur Minc qui, tous les samedi soir, tenait un salon où se réunissaient des personnalités juives du monde de la culture, dont Icchak Lejb Perec (Isaac Leib Peretz), le grand écrivain et dramaturge de langue yiddish. Au numéro 27 se trouvait Felicia Maria Przedborska, une poétesse et journaliste d’origine juive qui enseignait au collège Fanny Poznerowa situé également à ce numéro.
Gerszon Sirota, surnommé le Caruso juif, était le chantre (kantor) de la synagogue Nożyk. Il était également ténor et dès 1927 devint le chantre attitré de la grande synagogue Tłomackie de Varsovie. Les vendredi soir et samedi, des milliers de fidèles se réunissaient dans la cour du numéro 6 pour écouter le chantre et participer aux études et prières du Beth Midrash qui se déroulait alors. Ecouter un extrait audio du chantre Gerszon Sirota .
Dans l’arrière-cour au numéro 2 habitaient Reb Berish et Szil Wilner, des juifs hassidiques, qui étaient connus dans tout Varsovie pour leur particularité physique, c’était des nains. Après la naissance de Szil, la mère mourut de honte et c’est Berish qui éleva son enfant. Le père resta cloîtré presque toute sa vie chez lui dans l’arrière-cour alors que son fils Szil se déplaçait dans la capitale mais forcément attirait la curiosité voire les quolibets. On dit qu’il se rendit plus tard en Allemagne pour jouer comme clown dans un cirque et qu’il revint à Varsovie où il mourut dans la solitude.
Au 27 habitait Kojfman Judel, un grand gaillard, juif hassidique et chantre, doté d’une superbe voix de ténor. Un jour il rasa sa barbe et quitta ses vêtements religieux pour aller chanter à l’opéra, mais il continua cependant à chanter dans la maison de prière hasside – le Shtiebel Modrzycki du numéro 28.
Reb Hirsz Rajszer habitait au numéro 2. Bien que non religieux au sens strict, c’était un juif riche, à barbe blonde, qui menait une vie rigoureuse comme les hassidim. Avec ses filles et sa femme, et quelques ouvriers, il dirigeait une boulangerie-pâtisserie, mais il avait également installé dans l’arrière-cour un élevage de volailles. Un récit relate de la témérité du coq de la basse-cour qui terrorisait le voisinage lorsque les habitants de l’immeuble s’en approchait ou traversaient la cour. Le gallinacé s’attaqua même au rabbin Iciele à coups de bec et en tirant sur son talit.

L’immeuble qui comptait le plus de personnes raccordées au réseau téléphonique était le numéro 10 avec 48 abonnés. Sur l’ensemble de la rue Twarda, on dénombrait plus de 700 abonnés au téléphone, un chiffre à mettre en perspective avec les 800 abonnés connectés au central du premier réseau téléphonique de la ville de Varsovie (alors situé du Próżna) à la fin du XIXème siècle.

La disparition du petit monde de la rue Twarda

A l’entrée en guerre, on dénombrait 72 immeubles le long de la rue Twarda. Aujourd’hui, il n’en reste que 3: les numéros 62, 28 (immeuble Lejb Osnos) et 6 (mitoyen à la synagogue). En 1938, on pouvait encore apercevoir au moins 2 immeubles en bois, les numéros 51 et 53, habités principalement par des polonais. La rue est aujourd’hui séparée en deux par l’avenue Jean-Paul II et le rond-point ONZ. Autrement dit, il ne reste quasiment plus rien de cette rue témoin du monde juif d’autrefois. C’est toujours en se penchant sur le passé que l’on constate le niveau des destructions qui s’est opéré pendant la guerre et durant la reconstruction de la ville.
Durant les bombardements intervenus lors du siège de la capitale en septembre 1939, plusieurs immeubles furent touchés, notamment les numéros 1, 3, 5, 8, 10, 12, 19, 21 qui furent entièrement détruits et les numéros 7, 9, 11, 13 partiellement détruits.

Porte du ghetto de la rue Twarda en 1940, avant le bouclage du ghetto
Porte du ghetto de la rue Twarda en 1940, avant le bouclage du ghetto. A gauche immeubles 52, 50, 48, 46 dans le secteur sud-ouest de la rue (Cliquer pour agrandir)

La rue Twarda fut insérée dans le petit ghetto dès novembre 1940 jusqu’à hauteur du numéro 52 qui délimitait l’extrémité sud-ouest du ghetto de Varsovie (découvrir le mémorial du mur de la rue Twarda).

Secteur est de la rue Twarda (nord en bas, sud en haut) avant son enfermement dans le petit ghetto (1939-1940)
Secteur est de la rue Twarda avant son enfermement dans le petit ghetto (1939-1940)

Au numéro 11 se trouvait le Judenrat et le service d’ordre, structures dirigées par les juifs, sous les ordres de l’occupant allemand. En octobre 1941, un redécoupage de la surface du ghetto ramena la limite au niveau de l’immeuble 44. La rue Twarda fut exclue de la zone de confinement des juifs de Varsovie lors des grandes déportations de l’été 1942 et la liquidation du petit ghetto, cependant, les ateliers Toebbens qui se trouvaient dans cette partie continuèrent à fonctionner jusqu’en août 1944. Durant les âpres combats menés lors de l’insurrection de 1944, la plupart des immeubles furent lourdement endommagés ou détruits, comme dans le reste de la ville. Une partie des immeubles subsistants furent démolis lors de la construction de l’axe nord-sud (aujourd’hui avenue Jean-Paul II), ainsi que quelques autres dans les années 60.

La rue Twarda en ruines en 1945
La rue Twarda en ruines en 1945 (Cliquer pour agrandir)
Les ruines des immeubles 3 et 5 de la rue Twarda après la guerre, à hauteur de la place Grzybowski. Au second plan l'église de Tous les Saints, en arrière plan la tour PAST-a (ancien central téléphonique) de la rue Zielna
Les ruines des immeubles 3 et 5 de la rue Twarda après la guerre, à hauteur de la place Grzybowski. Au second plan l’église de Tous les Saints, en arrière plan la tour PAST-a (ancien central téléphonique) de la rue Zielna (Cliquer pour agrandir)
Les vestiges des immeubles 11 et 13 de la rue Twarda en 1967
Les vestiges des immeubles 11 et 13 de la rue Twarda en 1967 (Cliquer pour agrandir)

Dénommée Querstrasse durant la guerre puis rue du Conseil National en 1947 (ul. Krajowej Rady Narodowej – KRN), la partie est actuelle de la rue repris son nom original de Twarda en 1970 et sa section sud-ouest en 1990.
Liste de personnes recensées dans la rue Twarda durant la période de la guerre.
Liste des abonnés du téléphone (1938-1939) de la rue Twarda.
Voir un film de Danuta Halladin (moja ulica – ma rue) sur la rue Twarda, tourné en 1965.
Aujourd’hui, les bureaux de la communauté juive de Varsovie se trouvent au 6 de la rue Twarda.
Un article sur les catholiques juifs de l’église de Tous les Saints, durant la guerre.

La rue Twarda aujourd’hui

Même avec beaucoup de volonté et de connaissance, il est bien difficile d’imaginer ce que fut cette rue, ses habitants. Il est impossible de renouer avec le passé. La profonde cassure de la seconde guerre mondiale a irrémédiablement modifié la nature de cette ville, la structure de ses habitants.
En 1938, on dénombrait 1 200 000 habitants à Varsovie dont 368 000 juifs. En 1945, il ne restait plus que 420 000 habitants. Il fallu attendre la fin des années 1970 pour que le niveau de la population d’avant guerre soit atteint. Aujourd’hui, Varsovie compte 1,7 million d’habitants mais la surface administrative de la ville s’est étendue. La Varsovie d’avant-guerre était plus petite mais densément peuplée. Il habitait 2 à 3 fois plus de personnes en centre ville avant la guerre qu’aujourd’hui. La ville était alors un maillage de rues constituées de milliers d’immeubles agencés en file indienne avec des innombrables cours et arrière-cours aujourd’hui disparues, tout au moins dans la partie nord de la ville. La rue Twarda, avec son tracé en diagonale, participait à ce foisonnement de vie judéo-polonaise qui faisait la particularité de cette grand métropole. Le vendredi soir, on peut croiser quelques familles juives qui se rendent à la synagogue Nożyk, elles témoignent, à leur minuscule échelle, cette vie juive qui se perpétue.
On dénombre 4 synagogues en activité à Varsovie, la synagogue Nożyk de la rue Twarda, et 3 autres , loubavitch et progressistes installées dans des immeubles. Tout un monde a disparu, mais une lumière brille toujours.
Découvrir la section est de la rue Twarda (depuis la place Grzybowski).
Découvrir la section ouest de la rue Twarda.

Rue Stawki depuis les ruines du ghetto

Une photo pour raconter l’histoire

Insurrection de Varsovie 1944, ruines du ghetto
Insurrection de Varsovie 1944, ruines du ghetto (Cliquer pour agrandir) Photo Józef Jerzy Karpiński Source Musée de l’Insurrection de Varsovie – Google Maps

La photo ci-dessus présente une perspective est-ouest de la rue Stawki avec au fond l’immeuble 4/6 de la rue Stawki (actuellement le numéro 10), situé sur la zone de Umschlagplatz, l’ancienne gare de marchandises utilisée pour la déportation des juifs de la capitale et de ses environs. Cet immeuble était utilisé comme zone de confinement pour les juifs, notamment la nuit, lorsque ces derniers ne pouvaient être embarqués dans les convois à destination du camp d’extermination de Treblinka.
Au premier plan, un insurgé polonais scrute à la jumelle la zone située au nord vers le quartier de Żoliborz, l’action se situe début août 1944, les premiers jours de l’insurrection de Varsovie. Au premier plan, les ruines du ghetto (grand ghetto), au niveau des gravas des immeubles 13 et 15 de la rue Stawki.
La zone nord du ghetto de Varsovie, dans le quartier de Muranów, l’ancien quartier juif, fut systématiquement détruite par les allemands et leurs supplétifs, principalement ukrainiens, durant l’insurrection du ghetto qui intervint entre le 19 avril 1943 et 16 mai 1943, et pendant laquelle 13 000 juifs furent tués et le reste de la population du ghetto, environ 58 000 juifs, furent déportés. Entre la date du bouclage du ghetto de Varsovie en novembre 1940 et le déclenchement de l’insurrection, entre 90 000 et 100 000 juifs moururent de faim et de maladie et 300 000 furent déportés depuis Umschlagplatz. La zone entièrement détruite du grand ghetto fut nivelée entre l’été 1943 et juillet 1944 lorsqu’un camp de concentration fut établi sur ses ruines (KL Warschau), dépendant dès 1944 du camp de concentration de Majdanek, avec pour objectif le déblaiement des ruines du ghetto et le tri des matériaux, réalisé par des prisonniers juifs (notamment d’origine grecque) envoyés depuis Auschwitz.
Le 1er août 1944 fut déclenché l’insurrection de Varsovie contre l’occupant allemand. Ce soulèvement dura jusqu’au 2 octobre 1944 et plus de 200 000 personnes, combattants mais surtout civils furent tués. A la fin de l’insurrection, la ville fut vidée de ses habitants et systématiquement détruite par les allemands.

Quelques chiffres pour cerner la dimension du nombre de victimes

En comptant le nombre de tués durant le siège de Varsovie en septembre 1939, le nombre de polonais tués durant la guerre, le nombre de juifs morts pendant la période du ghetto puis tués pendant son soulèvement et le nombre de polonais morts durant l’insurrection de 1944, on peut avancer un chiffre d’une fourchette basse de 400 000 morts à Varsovie, répartis entre 70% de non juifs et 30% de juifs, ces derniers ayant été exterminés principalement au camp de Treblinka.
A cela si on rajoute les 300 000 juifs de Varsovie et de sa proche région exterminés en camp, le chiffre total du nombre de victimes habitant à Varsovie et sa proche région durant la seconde guerre mondiale s’élève à une fourchette avoisinant les 650 000/700 000 personnes.
Des chiffres qui donnent une petite idée de ce qu’à pu représenter les pertes dans la capitale polonaise et comprendre ce marqueur toujours vivace dans la société de ce pays. 200 000 tués lors de l’insurrection de 1944, c’est plus que le nombre de victimes à Hiroshima et Nagasaki réunis. Ce qui revient à dire que le nombre total de victimes à Varsovie et sa proche région dépasse de 15% environ le nombre total de français morts durant la seconde guerre mondiale.
Au delà de Varsovie, la seconde guerre mondiale a provoqué une cassure irrémédiable dans l’histoire de la Pologne et dans la structure même de sa population avec la disparition définitive d’une société multiple, composée avant guerre à 30% environ de polonais ethniquement russes, ukrainiens, biélorusses, lituaniens et allemands, sans parler des 10% de juifs.
Aujourd’hui, la population juive revendiquée dans les communautés s’élève entre 6000 et 8000 personnes, et environ 25 000 autres qui se revendiquent d’origine juive, ou juifs.

La photo ci-dessous présente l’actuelle vue de la photo du haut.

Situation de la rue Stawki aujourd'hui
Situation de la rue Stawki aujourd’hui (cliquer pour agrandir) – Photo Google Earth

> Découvrir l’histoire de Umschlagplatz.

The zookeeper’s wife

Un couple de Justes parmi les Nations

Ces temps-ci sort sur les écrans le film The Zookeeper’s Wife, une production américano-britannique réalisée par Niki Caro et qui retrace un épisode de la vie du directeur du zoo de Varsovie Jan Żabiński et de son épouse Antonina, et qui sauvèrent la vie de nombreux juifs en les cachant dans l’enceinte du zoo et dans la cave de leur villa.
Le scénario du film est bâti autour d’Antonina, dont le rôle est joué par l’actrice Jessica Chastain.

The zookeeper's wife, un film réalisé par Niki Caro et qui retrace la vie du couple Żabiński durant la guerre et qui sauvèrent de nombreux juifs
The zookeeper’s wife, un film réalisé par Niki Caro et qui retrace la vie du couple Żabiński durant la guerre et qui sauvèrent de nombreux juifs (Cliquer pour agrandir)
En 2015, à l’initiative de Jonny Daniels, fondateur de l’organisation From the Depths qui oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine juif en Pologne et pour une reconnaissance plus visible des polonais honorés du titre de Justes parmi les Nations, le musée de la villa des Żabiński a été inauguré en présence des enfants Żabiński, Ryszard et Teresa, et de Moshe Tirosh un enfant juif qui vécut caché dans les caves de la villa.

> Découvrir l’histoire des Żabiński et les photos de l’inauguration du musée au zoo de Varsovie.

The zookeeper's wife
The zookeeper’s wife

Zenek Moskowicz, jeune garçon du ghetto

Retour sur une image du ghetto

Enfants du ghetto au croisement des rues Żelazna et Leszno (Cliquer pour agrandir)
Enfants du ghetto au croisement des rues Żelazna et Leszno . Photo Google Maps et ZIH (Cliquer pour agrandir).

Une photo emblématique du ghetto de Varsovie, extraite d’un film tourné à l’époque et montrant des enfants et adolescents arrêtés à la porte du ghetto qui était située au croisement des rues Żelazna et Leszno (actuelle avenue Solidarność). Les enfants sont obligés sous la contrainte des soldats allemands (visibles sur la vidéo originale) de déposer les légumes qu’ils avaient cachés sous leurs vêtements afin d’apporter quelques provisions pour leur famille enfermées dans le ghetto.
Sur la photo sont visibles un policier polonais sur la gauche et un soldat allemand sur la droite. Les portes des ghettos étaient gardées par des soldats et des gendarmes allemands, des policiers polonais et des membres de la police juive.
Souvent, grâce à leur petite taille et leur agilité, nombre d’enfants se sont faufilés à travers des ouvertures pratiquées dans le mur du ghetto afin de partir à la recherche de quelque nourriture pour leur famille, du côté de la zone aryenne et beaucoup d’entre-eux furent arrêtés. D’autres qui eurent moins de chance furent blessés ou tués.

Sur une autre photo (ci-dessous) prise ce même jour, on distingue 2 adolescents, 2 garçons et une fille. L’adolescent situé à gauche a été identifié et s’appelle Zenek Moskowicz.

Zenek Moskowicz dans le ghetto de Varsovie
Zenek Moskowicz  (ici à gauche) à une des entrées du ghetto de la rue Leszno. Photo Yad Vashem

Zenek (Moskowicz) Maor est né en 1923 à Włocławek, il était le fils de Yaakov et Lea, propriétaires d’une fabrique de papier qui fut confisquée par les allemands au début de la guerre. La famille se rendit à Varsovie en janvier 1940 pour fuir les persécutions des allemands de Włocławek.
Zenek avait alors 16 ans, il était déjà un membre du Hachomer Hatzaïr depuis plusieurs années. Lorsque le ghetto fut bouclé en 1940, Zenek travailla dans une laverie pour les allemands et dans d’autres brigades de travail dans le ghetto et à l’extérieur (comme à l’aérodrome d’Okęcie). Il fut par la suite dirigé vers un camp de travail situé à Września, une ville située à l’est de Poznań. De là, il fut redirigé, avec son frère Henryk (Heniek), vers d’autres camps puis vers le camp établi dans la mine de charbon de Janina et qui dépendait du complexe concentrationnaire d’Auschwitz où il travailla dans des conditions extrêmement rudes à 300 mètres sous terre.

Zenek Moskowicz lors d'une sélection
Zenek Moskowicz à gauche (devant le soldat) lors d’une sélection. Photo Yad Vashem (Cliquer pour agrandir)

Équipés de lampes à acétylène, les prisonniers n’avaient pas la possibilité d’utiliser des allumettes ou des briquets et travaillaient constamment dans la pénombre. Zenek mis au point une technique permettant d’allumer les lampes à l’aide de fils électriques connectés sur une sonnette d’alarme. Accusé de sabotage et condamné à mort, le commandant du camp n’exécuta pas la sentence, ayant compris que Zenek voulait simplement modifier le système d’allumage de la lampe.
Zenek participa à la marche de la mort de janvier 1945. Son frère s’échappa du groupe qui fut la cible de tirs des soldats allemands. Zenek fut libéré avec l’avancée de l’armée rouge. Convaincu de la mort de son frère, il se rendit à Włocławek où aucun membre de sa famille ne réapparut. Il retrouva plus tard son frère en Bavière qui émigra par la suite aux Etats-Unis. Zenek émigra pour sa part en Palestine. Plus tard en Israël, il changea son nom de Zenek Moskowicz en Zenek Maor.
Il se rendit en Pologne en 1982, dans la mine où il avait travaillé durant la guerre et constata que les mineurs utilisaient toujours le même modèle de lampe. Il en ramena une pour la collection de Yad Vashem.
Zenek Maor mourut en 2009.

Zenek Maor en 2007
Zenek Maor à gauche sur la photo en 2007. Photo (www.senatspressestelle.bremen.de)

Porte du ghetto de la rue Leszno

Sur la photo montage au début de l’article, en arrière plan de l’image en noir et blanc, l’immeuble du 93 Żelazna/79 Leszno, en ruines mais encore debout à la fin de la guerre. A la droite sur la photo récente, l’immeuble 81 Leszno où une partie de ses habitants étaient juifs. Ces deux immeubles situés à cet endroit furent intégrés dans le grand ghetto pour la période allant de novembre 1940 à probablement avril 1941.

Immeuble Leszno 81
Immeuble Leszno 81 ( Source Referat Gabarytów, ville de Varsovie)

Liste des abonnés du téléphone du 81 Leszno pour la période 1938-1939:

Ajlenberg M. atelier de gravure,
Borenstein Ajzyk,
Kahane Sjoma,
Kasztelańska B.,
Korabielnik Stella et Michał,
Rotlewki J.,
Rozenblum Ruchla, épicerie fine,
Schor M., professeur de collège,
Szefner Boruch, journaliste,
Wolteger Henryk, avocat,
Ecoles publiques communales n°86 et 109.

Dans cet immeuble édifié au début du XXème siècle et qui appartenait à Herman Sieraczki se trouvaient également les bureaux de la fabrique de chapeaux « Eleganto« . Seule la façade est de cet immeuble survécut au temps.
L’immeuble, inhabité depuis plusieurs années, a été démoli en 2014.

Ci-dessous, la vue d’avant guerre de l’endroit où se trouvait la porte du ghetto et cette photo des enfants du ghetto:

Immeubles Leszno 79 et 81
Immeubles Leszno 79 à gauche et 81 à droite. La rue Żelazna est située à gauche. Voir la vue actuelle ( Source Referat Gabarytów, ville de Varsovie)

 

 

Des étangs à Umschlagplatz, une histoire

L’histoire d’un lieu disparu mais toujours présent

Le mémorial de Umschlagplatz
Le mémorial de Umschlagplatz
Dès le XVIème siècle, on recensait dans ce qui allait devenir la rue Stawki des moulins et une quinzaine d’étangs.
Les premières maisons d’habitation firent leur apparition vers 1770.
C’est vers la fin du XVIIIème siècle que la rue fut officiellement ouverte. Elle prit naturellement le nom de rue des étangs, ulica Stawki…
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Luba Blum-Bielicka

Enseigner et soigner à tout prix

Luba Blum-Bielicka à Otwock
Luba Blum-Bielicka à Otwock, à droite, en compagnie d’une jeune puéricultrice – Source Mark Shreberman – Yad Vashem (Cliquer pour agrandir)

Luba Blum-Bielicka est née en 1905 à Wilno (Vilnius) et est décédée en 1973. Elle était infirmière de métier, directrice d’école d’infirmières et activiste dans le monde social juif et membre du Bund.

Luba Blum-Bielicka et Abraham Blum
Luba Blum-Bielicka et Abraham Blum (Cliquer pour agrandir)

Née dans une famille nombreuse juive orthodoxe, elle se maria avec Abrasha (Abraham) Blum, également militant du Bund et insurgé durant le soulèvement du ghetto de Varsovie, qu’elle avait rencontré dès le collège.
Elle termina des études en école d’infirmières en 1925 à l’hôpital orthodoxe juif de Varsovie et devint assistante du directeur en 1939.

Elle s’occupait également des formations d’infirmières pour les sections ouvertes de Paris et Bruxelles.

Après le déclenchement de la guerre,  elle continua a exercer et pris la direction de l’école de formation.

Elèves infirmières durant la période du petit ghetto
Elèves infirmières durant la période du petit ghetto (Cliquer pour agrandir)

L’école déménagea dans le petit ghetto en novembre 1941 dans un bâtiment situé à l’angle des rues Mariańska et Pańska. L’établissement avait pris en charge la formation d’une soixantaine d’élèves infirmières. Les formations se tenaient bien évidemment dans des conditions difficiles durant cette période du ghetto. C’était le seul centre de formation qui avait été autorisé dans le ghetto par les allemands. Lors de la liquidation du petit ghetto durant les grandes déportations de l’été 1942, les élèves infirmières furent arrêtées et dirigées vers Umschlagplatz et de là envoyées vers le camp d’extermination de Treblinka.

Les enfants du couple Blum-Bielecka, Wiktoria et Aleksander, furent raflés à ce moment là avec le groupe d’élèves et également dirigés vers Umschlagplatz, cependant ils purent être exfiltrés et sauvés grâce à l’action d’infirmières polonaises.

Bâtiment de l'ancienne école d'infirmières durant la période du petit ghetto, aujourd'hui Centre médical public, rue Mariańska
Bâtiment de l’ancienne école d’infirmières durant la période du petit ghetto, aujourd’hui Centre médical public, rue Mariańska Emplacement actuel (Cliquer pour agrandir)

L’école fut de nouveau déplacée au 33 de la rue Gęsia dans le grand ghetto et son activité s’arrêta brutalement en 1943. Lors de la liquidation, les patients furent tués ainsi que des nouveaux-nés et une partie du personnel. Luba et ses enfants survécurent en se cachant dans la cave de l’hôpital.
C’est durant l’insurrection du ghetto que Luba passa du côté aryen avec sa fille. Son fils était quant à lui caché dans une famille polonaise. Abraham, son mari, combattit activement durant l’insurrection du ghetto au sein de l’organisation juive de combat dont il était l’un des leaders. Il passa du côté aryen avant la fin de l’insurrection où il se cacha, mais il fut arrêté puis tué par la Gestapo.

L'immeuble de l'ancienne école d'infirmière du petit ghetto, dans les années 60
L’immeuble de l’ancienne école d’infirmière du petit ghetto, dans les années 60 et l’immeuble Lejb Osnos en retrait sur la droite. (Cliquer pour agrandir)

Après la guerre, Luba s’occupa d’un orphelinat de 130 enfants à Otwock non loin de Varsovie et devint en 1949 directrice de la nouvelle école d’infirmières n°3 de Varsovie.

Plus tard, elle émigra aux Etats-Unis et travailla à l’hôpital de New-York.
Elle mourut en 1973 et fut inhumée dans le cimetière juif de Varsovie.

Plaque commémorative sur la façade de l'ancienne école du petit ghetto
Plaque commémorative sur la façade de l’ancienne école du petit ghetto (Cliquer pour agrandir)

Luba Blum-Bielicka a été décorée de la médaille Florence Nightingale qui est une haute distinction décernée par la Croix Rouge internationale.
Alina Margolis a été l’une des étudiantes infirmières durant la période de l’école dans le petit ghetto, elle est devenue plus tard la femme de Marek Edelman.

Tombe de Luba Blum-Bielicka au cimetière Juif de la rue Okopowa

Petite histoire de tramways

Un tramway ancien, comme témoin du passé

Deux rames de tramway utilisées lors du tournage du film « Le Pianiste » de Roman Polański.
La particularité est que l’une des deux, la numéro 43 (au bas de l’article), a traversé le ghetto de Varsovie en octobre 1941 avec un macaron à l’étoile de David installé au dessus de la cabine du chauffeur.

Film le pianiste, reconstitution de la passerelle du ghetto
Film le pianiste, reconstitution de la passerelle du ghetto – Photo Jacek Kaczmarek (Cliquer pour agrandir)

Tramway N° 257 Type C – Fabricant : Lilpop, Rau et Loewenstein, Varsovie – Equipements électriques : Siemens Schuckert
Longueur avec les tampons : 9,70 mètres
Largeur maximale : 2,20 mètres
Hauteur maximale : 3,425 mètres
Poids : 11,5 tonnes
Places assise/debout : 24-26/39
Date de fabrication : 1925
A circulé jusqu’en janvier 1973 et a été restaurée dans les années 90.

Un tramway témion du ghetto de Varsovie
Un tramway témion du ghetto de Varsovie (Cliquer pour agrandir)

Tramway N° 43 Type A – Fabricant : Falkenried, Hamburg – Equipements électriques : Siemens Schuckert à Hamburg
Longueur avec les tampons : 9,70 mètres
Largeur maximale : 2,20 mètres
Hauteur maximale : 3,425 mètres
Poids : 11,5 tonnes
Places assise/debout : 24-26/39
Date de fabrication : 1907
Restaurée en 1996.

Comme quelques autres rames de tramways anciennes, elles sont inscrites au registre des monuments.